HYPERS : Comment ils font leurs marges
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HYPERS : Comment ils font leurs marges Les bénéfices sont au rendezvous, ils ne doivent pas servir qu'à gonfler le portefeuille déjà très grassouillet des dirigeants ». Derrière la CGT, FO et CFDT, les 65.000 salariés du groupe Carrefour étaient déterminés, le mois dernier, à faire revoir à la hausse les propositions salariales pour défendre leur pouvoir d'achat. Alors que le n°1 de la grande distribution en Europe (101 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010) avait annoncé en mars des bénéfices en hausse de 11% (382 millions d'euros), il ne proposait que de maigres augmentations à ses salariés, 1% en mars et 1% en octobre. Auchan (53 milliards d'euros de chiffre d'affaires, +8,1%), E.Leclerc (31 milliards d'euros de chiffre d'affaires, +5,4%), Casino (29,1 milliards), Système U (19,43 milliards)... comme Carrefour, ces géants tricolores devenus des empires en quarante ans à peine annoncent des recettes à la hausse. De l'autre côté, les PME se sentent pressurées et le revenu agricole a baissé depuis cinq ans de 5% chaque année et les producteurs n'ont de cesse de demander la revalorisation des prix. À l'autre bout de la chaîne, les consommateurs font-ils de bonnes affaires ? Pas vraiment !

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Publié le 07 mai 2011
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Langue Français

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HYPERS : Comment ils font leurs marges
Les bénéfices sont au rendezvous, ils ne doivent pas servir qu'à gonfler le portefeuille déjà très grassouillet des dirigeantsDerrière la CGT, FO et CFDT, les 65.000 salariés du groupe ». Carrefour étaient déterminés, le mois dernier, à faire revoir à la hausse les propositions salariales pour défendre leur pouvoir d'achat. Alors que le n°1 de la grande distribution en Europe (101 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010) avait annoncé en mars des bénéfices en hausse de 11% (382 millions d'euros), il ne proposait que de maigres augmentations à ses salariés, 1% en mars et 1% en octobre. Auchan (53 milliards d'euros de chiffre d'affaires, +8,1%), E.Leclerc (31 milliards d'euros de chiffre d'affaires, +5,4%), Casino (29,1 milliards), Système U (19,43 milliards)... comme Carrefour, ces géants tricolores devenus des empires en quarante ans à peine annoncent des recettes à la hausse.
De l'autre côté, les PME se sentent pressurées et le revenu agricole a baissé depuis cinq ans de 5% chaque année et les producteurs n'ont de cesse de demander la revalorisation des prix. À l'autre bout de la chaîne, les consommateurs font-ils de bonnes affaires ? Pas vraiment ! Entre 1998 et février 2011, tous les prix ont augmenté (+20,7% pour le prix moyen de l'ensemble des produits de grande consommation vendus en grande distribution en France métropolitaine) dont ceux des viandes de 27,6%, d'après l'Observatoire des prix et des marges mis en place en 2008.
Qui empêche les tarifs de baisser ? Au coeur du système, les langues se délient pour dénoncer les pratiques abusives des hypermarchés qui, afin de préserver leurs marges, mettent la pression sur les fournisseurs... Et, crise ou pas, amassent les profits.
Scandales à tous les rayons
L'alimentation, la parapharmacie, les voyages, la billetterie, le e-commerce et maintenant l'immobilier et la banque : les grandes enseignes d'hypermarchés ne cessent de conquérir de nouveaux secteurs. Infatigables, les groupes Auchan et Carrefour s'exportent dans les tous les pays, jusqu'en Chine. Un seul hypermarché peut compter sur 5.000 à 30.000 clients par jour pour remplir ses caisses. Entre cette prospérité affichée et la situation des éleveurs et des agriculteurs français, dont le salaire restait en 2010 inférieur de 10 à 15% au revenu moyen de la population, le contraste est indécent. Un comble dans le pays de la gastronomie ! En cause ? La crise économique mondiale qui incite les distributeurs à se tourner vers la concurrence étrangère à prix (encore) plus bas. De son
côté, l'industrie agro-alimentaire annonce une reprise (143 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010, +3%) qui n'a pas été à la hauteur de la chute de 2009. Selon l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), la hausse des prix des matières premières agricoles, de l'énergie et des emballages aurait rendu les négociations commerciales «extrêmement tendues », les entreprises ayant «été forcées d'absorber la majeure partie de l'impact de ces hausses ». Comprenez : les hypers ont continué à ménager leurs marges laissant les intermédiaires, PME et agriculteurs, régler la note.
Afin d'assainir les échanges et protéger les fournisseurs, diverses mesures ont été prises par les pouvoirs publics. Dernière réforme en date, la loi sur la modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 a supprimé les marges arrière, une pratique généralisée qui obligeait le fournisseur, lorsqu'il vendait un produit à un distributeur, à lui verser une rémunération. Officiellement, il obtenait ainsi une mise en valeur de son produit en rayon. Officieusement, les grandes surfaces encaissaient des marges sur le consommateur et sur le fournisseur ! Pourquoi de telles pratiques étaient acceptées ? La grande distribution française est gouvernée par un oligopole : 90 % du marché passe par 5 centrales d'achats, vers 7 groupements de commerces. Ces géants peuvent donc agiter la menace du déréférencement pour tout comportement dissident. Et comme l'inégalité des rapports de force persiste, les hypermarchés ont trouvé comment contourner la législation !
Carrefour a annoncé 382 millions d'euros de bénéfices, en hausse de 11%.
Parades diverses et variées
Tous les témoignages que nous avons pu récolter sont à l'unisson : les enseignes compensent la suppression des marges arrière par des taxes en tout genre. Un commercial pour une grande société d'eau en bouteille nous le confirme. «Aujourd'hui, l'argent, nous le versons d'une autre façon. Un phénomène s'est multiplié : les " pénalités",imposées lorsque vous ne livrez pas vos marchandises dans les délais ou dans les quantités prévues. Elles existaient déjà avant, mais il fallait vraiment un gros problème pour les appliquer. Actuellement, c'est devenu systématique. Les sommes encaissées sont énormes : elles peuvent atteindre 2,2% du chiffre d'affaires annuel par centrale d'achats». Notre commercial ne travaille pas pour une petite PME, mais pour une grande société agro-alimentaire, ce qui pourrait laisser croire à davantage de pouvoir de négociation. Que nenni ! «Nous n'avons pas le choix, si nous ne les payons pas, ils peuvent déréférencer certains produits de la gamme, et nous perdrons du chiffre d'affaires. En revanche, nous négocions la facture. S'ils présentent une note de 100.000 €, nous discutons pour annuler certaines pénalités». Quelle régularité édifiante ! Système U a accepté de s'expliquer. «Oui, les pénalités pour retard existent. Si les fournisseurs ne nous livrent pas alors que nous avons édité des prospectus, que faire ? Nous nous sommes engagés auprès de nos clients qui peuvent se retourner contre nous. Après, qu'il y ait des excès, c'est possible. Mais nos contrats fournisseurs sont régulièrement contrôlés par la DGCCRF», se défend l'enseigne. Comment les petites entreprises règlentelles la note ? «Il faut distinguer les PME locales des multinationales. Nous n'aurions aucun intérêt à étouffer ces partenaires. 50% des produits que nous vendons sont sous marque distributeur. La disponibilité pour fabriquer ces produits, nous la trouvons auprès des PME», explique Système U.
En attendant, ce ne sont pas les distributeurs qui pâtissent le plus de la crise. Quoi qu'il arrive, «ils exigent une rentabilité minimum de 20% pour rentrer dans leurs frais. S'ils nous achètent une bouteille à 1 euro, ils vont la vendre 1,20 €. S'il faut la vendre 1,15 € pour la mettre au niveau du concurrent, ils nous demandent de vendre à 95 centimes. C'est comme ça ! », indique notre commercial. Aux pénalités de retard, s'ajoutent la reprise des invendus, les frais logistiques décuplés pour exigence de livraison jusqu'aux magasins... Ces transferts de charges et de risques vers le producteur ou le transformateur sont sources de surcoûts, qui se retrouvent dans le prix final. Voilà pourquoi les tarifs ne baissent pas !
Organiser la résistance
La suppression des marges arrière est une chose. Exiger - et obtenir - des marges équitables en est une autre. Force est de constater que les premiers maillons de la chaîne agroalimentaire sont bien mal en point. «Notre priorité, c'est le consommateur, pas le producteur ou le fournisseur. Quoi qu'on en dise, chez nous la concurrence est intense. Nous ne pouvons pas ne pas privilégier les prix bas. En contexte économique difficile, il faut que les PME soient compétitives », indique Système U. C'est beaucoup demander, lorsque les producteurs français sont constamment mis en concurrence avec les produits d'importation provenant de pays à coût du travail et exigences sanitaires moindres. Conséquences : leurs marges n'ont jamais été aussi fines pendant que le distributeur en aval garde toujours la même.
Pour espérer sortir de cette situation de faiblesse, il faudrait s'organiser. «Les producteurs sont en ordre dispersé si bien que la grande distribution fait ce qu'elle veut. Voilà pourquoi nous prônons l'organisation des filières dans l'agriculture pour qu'il y ait davantage d'équilibre dans les négociations. Aujourd'hui, nous sommes au point mort. Il faut que cela change !», explique Patrick Massard, secrétaire général FGA-CFDT. Première historique, Lactalis, insatisfait de l'augmentation des prix accordée par Leclerc pour prendre en compte la hausse du cours du lait, a tenu tête au distributeur... soutenu par les éleveurs ! Terminées, les livraisons de camemberts Président. Évidemment, le géant des produits laitiers n'est pas à plaindre, mais il montre que les rapports de force peuvent s'inverser plus vite qu'on ne le croit.
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