"JE VEUX ALLER TRÈS LOIN AVEC CE CLUB"

Informations

• Publié par: le-foot-st-etienne
• Publié le: 13 avril 2012
• Nombre de lectures: 22
• Langue: Français

Extrait

"JE VEUX ALLER TRÈS LOIN AVEC CE CLUB" "Le maillot vert est un héritage lourd et il y a encore trop de gens qui sont dans le passé."

Christophe, vous avez récemment passé la barre des cent matches comme entraîneur de l'ASSE, le Marseillais est-il devenu Stéphanois? En toute simplicité et en toute franchise, je m'imprègne très rapidement de l'endroit dans lequel je travaille. Pour faciliter mon intégration, pour connaître les us et les coutumes de la région dans laquelle je me trouve, je rencontre rapidement beaucoup de gens, j'échange beaucoup. Je me sens 100% Stéphanois, mais je me suis senti Corse pendant mes deux saisons à Bastia.

Quelle est la particularité de la mentalité stéphanoise? La simplicité, l'honnêteté, l'abnégation et la générosité sont les principales valeurs des Stéphanois, mais je n'invente rien : ce sont celles de la mine ! Ici, la particularité est que le maillot vert est un héritage lourd et qu'il y a à mon sens encore trop de gens qui sont dans le passé. Qu'il y ait un devoir de mémoire est tout à fait normal car le passé de l'ASSE est extraordinaire, mais le football c'est aujourd'hui autre chose.

Comment expliquer que ce glorieux passé soit aujourd'hui encore si présent dans l'esprit des gens? Car à l'époque, c'était l'éclosion de la télévision et c'étaient les seuls matches que voyaient les Français ! Pendant une dizaine d'années, l'AS Saint-Etienne était l'équipe de la France, avec uniquement des internationaux dans son équipe y compris les deux remplaçants. Ce passé est profondément ancré dans les familles stéphanoises, comme lorsqu'on est supporteur d'un club de génération en génération en Angleterre. Pour que cette popularité perdure tout en faisant moins allusion à ce passé, il faut que Saint-Etienne s'installe dans le haut du tableau.

La philosophie du coach que vous êtes doit-elle s'adapter à cet environnement?

(Il prend clairement le temps de la réflexion) Je ne crois pas qu'un entraîneur change fondamentalement sa manière d'entraîner en fonction de l'endroit où il se trouve. Il ne faut pas se renier, il faut garder ses convictions mais je suis sûr qu'il faut néanmoins s'adapter. L'AS Saint-Etienne, c'est un maillot, c'est une couleur, c'est le club de la France et vous êtes très exposé lorsque vous en êtes l'entraîneur.

Auprès des joueurs, Dominique Rocheteau, dont l'influence s'est renforcée cette saison, joue-t-il un rôle capital dans ce que l'on pourrait appeler ce devoir de mémoire? Beaucoup de gens oublient que de nombreux anciens Verts ont eu des responsabilités au club. Que Dominique soit revenu à la source ne m'a absolument pas surpris. Il est un garant de l'esprit et de l'histoire de l'ASSE, mais il n'est pas là que pour cela, il est très actif.

Il dit de vous : "C'est un entraîneur qui ira très loin. Avec nous je l'espère"... J'espère moi aussi aller très loin avec l'AS Saint-Etienne.

Combien de temps un entraîneur peutil durer dans un club? Au départ, je pensais que c'était difficile de rester plus de deux ou trois saisons à la tête de la même équipe. Peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression que la tendance est en train de s'inverser. Mais le plus important, c'est la ligne directrice fixée par les décideurs d'un club. Le court terme n'a aucun intérêt pour un club, aucun ! C'est dur de croire au long terme, mais je pense que les clubs vont de plus en plus s'orienter vers le moyen terme. Deux entraîneurs différents en dix ans me paraît être un bon ratio pour un club.

"VOUS ÊTES TRÈS EXPOSÉ LORSQUE VOUS ÊTES L'ENTRAÎNEUR DE L'ASSE"

Il est évidemment difficile de vous suivre quand vous déclarez que "le court terme n'a aucun intérêt" car dans le football les analyses et les projections sont pratiquement toujours à court terme !

Il y a l'analyse des supporteurs ou celle des médias et il y a aussi celle que nous devons avoir en interne. Car il n'y a qu'en interne que nous pouvons évaluer de manière très rationnelle des performances ou des contre-performances car nous savons tout ce qui se passe.

Ce qui vous pousse parfois à des coups de gueule publics comme lorsque vous déclarez en conférence de presse après la défaite contre Nice : "On s'est vu trop beaux"? (Il sourit) Il y a automatiquement de la déception dans cette sortie médiatique même si j'ai mis le temps avant de venir en zone mixte. N'empêche j'en suis convaincu : quand tu répètes sans cesse à une personne qu'elle est belle, tu vas la convaincre, mais elle va par contre moins prendre soin d'elle. C'est pareil pour nous.

Avez-vous regretté d'avoir été aussi dur avec vos joueurs? Je n'ai pas trouvé que j'ai été dur.

Même quand vous déclarez : "Il va falloir dégonfler certaines têtes"? Je n'ai cité personne... Bon, peut-être n'était-ce pas l'expression appropriée... Je voulais dire que nous nous étions quelque peu laissés griser.

L'aviez-vous senti venir? Il y a quelques signes qui ne trompent pas.

C'est-à-dire? (Il prend une nouvelle fois longuement le temps de la réflexion) C'est-à-dire... C'est-à-dire que l'on a fait un peu moins ce que l'on faisait beaucoup. Vous allez encore me rétorquer "c'est-à-dire"? Oui... C'est-à-dire que nous avons été à 150% pour en arriver là où nous étions. Et je sais que c'est difficile d'y rester toute une saison. Aujourd'hui, nous ne sommes plus qu'à 90% et ces 10% qui nous manquent nous font défaut contre des équipes qui visent la Ligue des Champions (Lyon, Montpellier) ou contre des formations qui se battent pour le maintien (Evian, Nice). Mais c'est humain, on ne peut pas maintenir un groupe sous pression toute une saison. Ce n'est pas la qualité de l'effectif qui est en cause, mais sa quantité : quand il y a des suspendus ou des blessés longue durée, on s'aperçoit que l'on est court. La frustration est née du fait que l'effectif se soit amoindri au moment où il fallait garder tout le monde sous pression. Mais ceux qui font le même championnat que nous ont également du mal à gagner : regardez Rennes, regardez Toulouse, regardez Bordeaux...

"DANS LE SPORT, QUAND TU N'AVANCES PAS, TU RECULES"

"Je ne suis pas sûr que Stéphane Ruffier regarde l'Euro à la télé cet été..."

Y a-t-il encore un risque que la saison de l'ASSE ne soit pas une réussite? Il faut me trouver la définition d'une saison réussie? L'objectif annoncé publiquement était de faire mieux que la saison passée (les Verts avaient terminé 10ème, Ndlr)...Déjà, avec 49 points, je pense que l'on ne terminera pas dans les dix premiers (entretien réalisé avant Ajaccio-ASSE, Ndlr). Honnêtement, cela ferait chier (sic) que la saison se termine ainsi ! Je ne sais pas si on sera encore en course pour l'Europe lors des trois ou quatre dernières journées, mais il faut se servir de cette fin de championnat pour créer une dynamique pour la prochaine saison. Même si rien n'est arrêté en terme de classement final, il y a aussi la préparation du prochain exercice. Mais là, c'est l'entraîneur qui parle, les joueurs ne peuvent évidemment pas avoir ce discourslà...

"LE COURT TERME N'A AUCUN INTÉRÊT POUR UN CLUB, AUCUN !"

Les dirigeants doivent quant à eux espérer le meilleur classement final possible dans l'optique de la répartition des droits TV? Non, autant il était l'important l'an dernier d'être dans les dix premiers, autant un travail a été fait depuis deux ans, notamment lors du dernier Mercato estival, pour absorber ce qui avait été fait en amont. Cette fois, l'objectif de faire mieux que la saison passée est avant tout sportif : car, dans le sport, quand tu n'avances pas, tu recules parce que les autres te doublent. Il faut tout le temps être en recherche de cette progression et il n'y a pas de limite à cela. Exemple : Montpellier qui réussit un parcours magnifique cette année, mais qui avait terminé seulement quatorzième la saison passée, ce que tout le monde a oublié.

"NOUS N'ALLONS PAS BEAUCOUP BOUGER CET ÉTÉ"

A quoi va ressembler le prochain Mercato de l'ASSE? L'été dernier, les dirigeants m'ont suivi dans mon idée de modifier fortement l'équipe. J'ose espérer que nous n'allons pas beaucoup bouger cet été. Bien sûr que nous travaillons déjà là-dessus, mais ce n'est pas la peine de me dire : "C'està-dire?" (sourires). Je n'en dirai pas plus.

Juste un mot sur Stéphane Ruffier qui réalise une grosse saison mais qui a de grandes chances de regarder l'Euro à la télévision? Il faudra qu'il soit encore meilleur dans une équipe encore plus performante la saison prochaine pour aller chercher la place qu'il mérite en équipe de France. Mais je ne suis pas sûr qu'il regarde l'Euro à la télé...