« Le jour où j'ai sauvé Renault » Michel ROCARD

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• Publié par: la-gazette-de-l-info
• Publié le: 06 décembre 2011
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• Langue: Français

Extrait

« Le jour où j'ai sauvé Renault » Michel ROCARD

Un déjeuner avec Michel Rocard, cela ne se refuse pas. Avec lui, contrairement à Mitterrand, vous êtes d'emblée à l'aise. Direct et analytique, Rocard ne se prend toujours pas pour un ancien Premier ministre. «Mitterrand n'avait pas la même éthique que moi» ajoute-t-il sans perfidie... Lui, il fait de la politique, comme d'autres font de la recherche. C'est-à-dire avec méthode. Sans vice apparent, mais avec intelligence et logique. Ça change du style madré de celui qui l'a appelé à Matignon un certain 10 mai 89 presque par surprise. «Jamais je ne pensais qu'il me nommerait... Nous étions si dissemblables. Pourtant à la fin, le Président avait acquis vis-à-vis de moi une confiance certaine...» Aujourd'hui, Rocard profite à merveille de sa liberté retrouvée même s'il reconnait devoir faire attention par égard aux «30 millions de Français qui lui font confiance». Accepter un ministère de la part de Sarkozy « Non, ça m'était impossible même si je reconnais les qualités de l'homme. Pour réussir son G20, Sarkozy devra viser à limiter la spéculation des produits dérivés non connectés à un marché réel, mettre fin aux paradis fiscaux, et limiter la progression sans fin des liquidités mondiales ». Autant lui demander l'impossible. L'OCDE pourrait devenir un organisme de régulation mondiale «Autant confier ce rôle au FMI, même si ses moyens financiers ne représentent qu'à peine 0,5 % des capitaux flottants ». Une goutte d'eau dans un océan de spéculation laissée sans balise où le politique a été pris en étau par les medias qui préfèrent le raccourci au fond et le spectaculaire à la compétence. De quoi désespérer définitivement du politique «Je n'en ai pas les moyens. J'ai 15 petits enfants. Nous nous devons de leur laisser un monde présentable». Rocard est un idéaliste qui s'intéresse aux problèmes concrets.

Un monde selon lui où la cupidité règne en maître et où la dernière crise de 2007 n'aura servi à rien avec des millions de chômeurs en plus. Un monde où les politiques sont de plus en plus surveillés et contrôlés. Lui qui me révèle avoir sauvé Renault de la faillite et n'est pas fier de raconter comment il a du s'y prendre à trois fois avant d'obtenir de Mitterrand de signer le feu vert du changement de statut de l'ex-régie en société de droit privé. «C'était moins une. Raymond Levy, le PDG, ne laissait pas 10 ans à Renault pour s'en sortir.

Production trop faible, taille insuffisante, moyens financiers limités, Renault se devait de grandir ou de mourir. L'accord avec Volvo était ficelé. Mais un réflexe national poujadiste l'a fait capoter au dernier moment... Mais j'ai sauvé Renault. Car c'est ce changement de statut que personne ne voulait et que j'ai obtenu au forceps auprès de Mitterrand qui l'a refusé trois fois, qui a permis d'avaler Nissan un plus tard, avec le résultat qu'on sait»... Rocard, l'ancien soixante-huitard, sauveteur du grand groupe automobile national ; le paradoxe a de quoi faire sourire. Pour 2012, il n'a pas arrêté son choix même s'il ne partage pas, avec DSK, « la même éthique sur les femmes, et qu'il se méfie de son tempérament». (c'était avant l'affaire). Oui mais alors vers qui se tourner dans un monde de plus en plus globalisé et qui a de plus en plus de mal à se fixer des règles ? «Rendez-vous compte, toutes les dernières négociations internationales ont échoué» : Négociations bancaires, G20, Paix au Moyen-Orient (Accords d'Oslo), négociation sur le désarmement (dénucléarisation en 20 ans entre Obama et Medvedev), discussion sur l'environnement (Copenhague), Accords du GATT... «Tout a échoué. » Du Rocard dans le texte. Ça fait froid dans le dos.... On comprend que Mitterrand se soit départi d'un style trop direct plus enclin au style habile et séducteur de son compère Roland Dumas. Pas vraiment le genre de la maison, Rocard reste un protestant qui ne peut s'empêcher de regarder les choses en face.