Caucase du Sud : les enjeux de la coopération régionale - article ; n°3 ; vol.67, pg 715-731

Gaïdz Minassian

Description

Politique étrangère - Année 2002 - Volume 67 - Numéro 3 - Pages 715-731
The South Caucasus - The High Stakes of Regional Co-operation, by Gaïdz Minassian
Regional co-operation between the three states of the South Caucasus -Armenia, Azerbaijan, and Georgia — has become firmly established in the region in spite of some high-casualty wars - be they on-going or under cease-fire (Abkhazia, South Ossetia, Upper Karabakh, Chechnya) — and several nation-state crises following the collapse of the Soviet Union in 1991. Some ten years after achieving their independence, the three countries, which are members of the main international organisations, must nevertheless over-come the structural difficulties of democratie transition and address the challenges of world economie realities. This paper is an overview of the principal themes of regional co-operation: opening-up to the West, reinforcing secu-rity, and fortifying democracy at a time when Russia and the United States are collaborating closely in the fight against terrorism.
Région charnière entre l'Europe, le Moyen-Orient et la Russie, le Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) connaît à son tour, depuis le 11 septembre 2001, un renouveau de l'intérêt américain, dû à la guerre menée contre le terrorisme. Au carrefour de ces influences, et en proie à une difficile transition démocratique et à des conflits internes (Abkhazie, Haut-Karabakh, Ossétie du Sud), le Caucase du Sud ne trouvera d'issue qu'en assurant une réelle coopération régionale, seule capable d'éviter la guerre, de permettre le désenclavement et de faire advenir de véritables Etats de droit. Cette union, encouragée par la récente approche multilatérale des différents acteurs internationaux, pourrait alors choisir de se tourner vers l'Europe, la Communauté des Etats indépendants ou les Etats-Unis, ou de renouer avec une communauté de destin historique en constituant une force politique autonome.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 2002
• Nombre de lectures: 71
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Minassian
Caucase du Sud : les enjeux de la coopération régionale
In: Politique étrangère N°3 - 2002 - 67e année pp. 715-731.
Abstract
The South Caucasus - The High Stakes of Regional Co-operation, by Gaïdz Minassian
Regional co-operation between the three states of the South Caucasus -Armenia, Azerbaijan, and Georgia — has become firmly
established in the region in spite of some high-casualty wars - be they on-going or under cease-fire (Abkhazia, South Ossetia,
Upper Karabakh, Chechnya) — and several nation-state crises following the collapse of the Soviet Union in 1991. Some ten
years after achieving their independence, the three countries, which are members of the main international organisations, must
nevertheless over-come the structural difficulties of democratie transition and address the challenges of world economie realities.
This paper is an overview of the principal themes of regional co-operation: opening-up to the West, reinforcing secu-rity, and
fortifying democracy at a time when Russia and the United States are collaborating closely in the fight against terrorism.
Résumé
Région charnière entre l'Europe, le Moyen-Orient et la Russie, le Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) connaît à
son tour, depuis le 11 septembre 2001, un renouveau de l'intérêt américain, dû à la guerre menée contre le terrorisme. Au
carrefour de ces influences, et en proie à une difficile transition démocratique et à des conflits internes (Abkhazie, Haut-
Karabakh, Ossétie du Sud), le Caucase du Sud ne trouvera d'issue qu'en assurant une réelle coopération régionale, seule
capable d'éviter la guerre, de permettre le désenclavement et de faire advenir de véritables Etats de droit. Cette union,
encouragée par la récente approche multilatérale des différents acteurs internationaux, pourrait alors choisir de se tourner vers
l'Europe, la Communauté des Etats indépendants ou les Etats-Unis, ou de renouer avec une communauté de destin historique
en constituant une force politique autonome.
Citer ce document / Cite this document :
Minassian. Caucase du Sud : les enjeux de la coopération régionale. In: Politique étrangère N°3 - 2002 - 67e année pp. 715-
731.
doi : 10.3406/polit.2002.5217
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_2002_num_67_3_5217POLITIQUE ÉTRANGÈRE 3/2002
Caucase du Sud :
Gaïdz MINASSIAN les enjeux
de la coopération régionale
Région charnière entre l'Europe, le Moyen-Orient et la Russie, le Caucase du Sud
(Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) connaît à son tour, depuis le 11 septembre
2001, un renouveau de l'intérêt américain, dû à la guerre menée contre le
terrorisme. Au carrefour de ces influences, et en proie à une difficile transition
démocratique et à des conflits internes (Abkhazie, Haut-Karabakh, Ossétie du
Sud), le Caucase du Sud ne trouvera d'issue qu'en assurant une réelle coopération
régionale, seule capable d'éviter la guerre, de permettre le désenclavement et de
faire advenir de véritables Etats de droit. Cette union, encouragée par la récente
approche multilatérale des différents acteurs internationaux, pourrait alors choisir
de se tourner vers l'Europe, la Communauté des Etats indépendants ou les Etats-
Unis, ou de renouer avec une communauté de destin historique en constituant
une force politique autonome.
Politique étrangère
Les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre en Afghanistan
ont redistribué les cartes stratégiques mondiales et replacé la
périphérie ex-soviétique au centre des enjeux internationaux.
Au croisement de la Russie et du Moyen-Orient, de l'Europe et de
l'Asie, les Etats du Caucase du Sud - Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie -
se sont inquiétés ensemble des incidences de cette guerre sur leur
région, démontrant à travers leur déclaration conjointe du 29 octobre
2001, à Luxembourg, que la mutation du Caucase du Sud d'une
logique centrifuge à une dynamique centripète ne relevait plus de
l'illusion. Depuis quelques années, l'intégration des trois Etats dans
les relations internationales et les circuits économiques mondiaux ont
favorisé ce rapprochement mutuel par le biais de réunions tripartites
Docteur en science politique, journaliste au Monde.fr, et chargé d'études au Centre de recherche sur l'Asie
de Paris X-Nanterre, Gaïdz Minassian est également enseignant à l'université de Paris X. .
,
.
716 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
sous l'égide d'un Etat tiers ou d'une organisation multilatérale en
matière de sécurité et de progrès économique1. Mais, à ce stade des
discussions, le bilan est maigre. Les inextricables conflits du Haut-
Karabakh, d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud défigurent encore le visage
de la région, et les intérêts nationaux l'emportent toujours sur les inté
rêts collectifs.
Pourtant, les trois Etats sont convaincus que l'architecture régionale
peut seule garantir l'idée d'un Caucase du Sud pacifique2, sans néan
moins y accorder le même sens, ni y imposer le même rythme. Le plus
fragile des trois, la Géorgie, veut en être le moteur aussi bien dans les
secteurs économiques que politiques, au nom de son intégrité. Le plus
enclavé, l'Arménie, suit le mouvement avec intérêt mais tient à son
alliance avec la Russie comme issue de secours. Le plus grand,
P Azerbaïdjan, la subordonne au rétablissement de sa souveraineté et
veut priver l'Arménie de l'exploitation de son pétrole3. Si bien que les
Etats du Caucase du Sud oscillent toujours entre repli et adaptation.
Réussir le désenclavement
Le processus de du Caucase du Sud comprend trois
volets. Le premier, d'ordre politique, fait de la coopération régionale
un facteur de consolidation de l'Etat, même si sa centralité est cha
hutée dans les relations internationales depuis la fin du bipolarisme.
Pris en tenaille entre deux processus - l'un agonisant, la chute du
communisme, l'autre croissant, le choc de la mondialisation -, l'Etat
sud-caucasien n'a pas les moyens de vivre l'indépendance telle que
les nouveaux pouvoirs se l'étaient imaginée avant la chute de
l'URSS : subvenir aux besoins matériels, contrôler le processus de
décision et ne dépendre de personne. La chute du communisme n'a
accrédité ces Etats d'aucune autorité internationale, et ne leur a pas
donné non plus les moyens de se distinguer les uns des autres sur la
scène mondiale. Cela dit, le chaos des républiques n'est pas celui des
1 P. De Witte, « Fostering stability and security in the Southern Caucasus », Revue de l'OTAN, vol. 47, n° 1
printemps 1998, p. 14-18.
2. Allocution du président géorgien E. Chevardnadze, au colloque sur le Caucase du Sud dans la grande
Europe en construction, organisé par la Fondation Robert Schuman, les 13-14 octobre 2000, à Tbilissi, en
présence de parlementaires français et de représentants des trois pays du Caucase du Sud, Actes du col
loque, p. 24.
3. Agence Armenpress, 27 novembre 2001 :
:
CAUCASE DU SUD : LES ENJEUX DE LA COOPÉRATION RÉGIONALE / 717
indépendances mais celui de sociétés auxquelles 70 ans de totalit
arisme ont faire perdre leurs repères.
Le choc de l'ouverture a été autrement plus vicieux. Le désenclave-
ment qu'il implique - la construction d'oléoducs et de gazoducs, le
projet TRACECA4, celui d'INOGATE5, le Silk Road Act6, le tout
financé par des fonds publics et privés, et voué à transformer la phy
sionomie du Caucase du Sud - a placé les jeunes Etats sous perfusion
du FMI, de la Banque mondiale et de la BERD. Les programmes de
restructuration des trois économies échappent en amont à leur
contrôle et mondialisent graduellement les trois Etats, dont l'expé
rience en matière de rigueur économique est encore relative. Mais, là
aussi, l'indépendance n'est pas responsable des dommages collatéraux
des réformes libérales en vigueur depuis 1991. Elle n'a pas accouché
de la corruption, des inégalités et de l'endettement. Revenir en arrière,
adhérer à l'union Russie-Biélorussie, comme le proposent les partis
communistes azéri, arménien et géorgien, en écho aux attentes d'une
importante partie des populations, serait relativiser les crimes du
communisme, craindre l'avenir