Des taxes sur le carbone pour la prévention du risque de changement climatique ? Instruments économiques et politiques publiques en univers controversé - article ; n°4 ; vol.10, pg 1-26

Olivier Godard

Description

Politiques et management public - Année 1992 - Volume 10 - Numéro 4 - Pages 1-26
Les risques globaux d'environnement comme celui qui résulte de l'émission de gaz à effet de serre placent le choix public dans un contexte d'incertitudes et de controverses scientifiques qui prennent d'autant plus d'importance que la thématique de l'environnement résulte d'un mouvement puissant d'externalisation et qu'elle a pour enjeu la recomposition des identités au sein de la société industrielle. La décision publique manque alors de repères objectifs et d'évaluations économiques précises sur lesquels se caler. Raison de plus pour faire de la création d'une prévisibilité économique le critère de sélection d'un régime d'action préventive. Au-delà de ses propriétés d'efficacité statique, l'instrument de la taxation permettrait d'asseoir la prévisibilité requise pour guider les anticipations à moyen et long termes dont dépendent l'orientation de la R & D et la conception des infrastructures. En outre, face à la pluralité des univers de justification qui s'affrontent dans le champ public, l'instrument de la taxe peut cristalliser une figure de compromis assez solide entre leurs exigences respectives.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUES_ET_MANAGEMENT_PUBLIC
• Publié le: 01 janvier 1992
• Nombre de lectures: 19
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Monsieur Olivier Godard
Des taxes sur le carbone pour la prévention du risque de
changement climatique ? Instruments économiques et politiques
publiques en univers controversé
In: Politiques et management public, vol. 10 n° 4, 1992. pp. 1-26.
Résumé
Les risques globaux d'environnement comme celui qui résulte de l'émission de gaz à effet de serre placent le choix public dans
un contexte d'incertitudes et de controverses scientifiques qui prennent d'autant plus d'importance que la thématique de
l'environnement résulte d'un mouvement puissant d'externalisation et qu'elle a pour enjeu la recomposition des identités au sein
de la société industrielle. La décision publique manque alors de repères objectifs et d'évaluations économiques précises sur
lesquels se caler. Raison de plus pour faire de la création d'une prévisibilité économique le critère de sélection d'un régime
d'action préventive. Au-delà de ses propriétés d'efficacité statique, l'instrument de la taxation permettrait d'asseoir la prévisibilité
requise pour guider les anticipations à moyen et long termes dont dépendent l'orientation de la R & D et la conception des
infrastructures. En outre, face à la pluralité des univers de justification qui s'affrontent dans le champ public, l'instrument de la
taxe peut cristalliser une figure de compromis assez solide entre leurs exigences respectives.
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Godard Olivier. Des taxes sur le carbone pour la prévention du risque de changement climatique ? Instruments économiques et
politiques publiques en univers controversé. In: Politiques et management public, vol. 10 n° 4, 1992. pp. 1-26.
doi : 10.3406/pomap.1992.3075
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pomap_0758-1726_1992_num_10_4_3075TAXES SUR LE CARBONE POUR LA PRÉVENTION DES
DU RISQUE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Instruments économiques et politiques publiques
en univers controversé
Olivier GODARD *
Résumé Les risques globaux d'environnement comme celui qui résulte de l'émission
de gaz à effet de serre placent le choix public dans un contexte d'incertitudes
et de controverses scientifiques qui prennent d'autant plus d'importance que
la thématique de l'environnement résulte d'un mouvement puissant
d'externalisation et qu'elle a pour enjeu la recomposition des identités au sein
de la société industrielle. La décision publique manque alors de repères
objectifs et d'évaluations économiques précises sur lesquels se caler.
Raison de plus pour faire de la création d'une prévisibilité économique le
critère de sélection d'un régime d'action préventive. Au-delà de ses
propriétés d'efficacité statique, l'instrument de la taxation permettrait
d'asseoir la prévisibilité requise pour guider les anticipations à moyen et long
termes dont dépendent l'orientation de la R & D et la conception des
infrastructures. En outre, face à la pluralité des univers de justification qui
s'affrontent dans le champ public, l'instrument de la taxe peut cristalliser une
figure de compromis assez solide entre leurs exigences respectives.
* CNRS, Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement (CIRED),
URA 940, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).
Cet article s'appuie sur des travaux réalisés avec le soutien du Service de la Recherche
(SRETIE) du Ministère de l'Environnement (Programme ECLAT) et du Ministère de la
et de la Technologie (action "Dimensions écologiques de l'économie"). Il bénéficie aussi des
échanges réalisés avec la Division de l'Economie de la Direction de l'Environnement de l'OCDE
et avec le Groupe Interministériel sur l'Effet de Serre. L'auteur reste seul responsable des vues
avancées.
Revue POLITIQUES ET MANAGEMENT PUBLIC, Volume 10, n° 4, décembre 1992.
© Institut de Management Public - 1992. GODARD Olivier
Le risque climatique résultant de l'effet de serre additionnel 1 est sur l'agenda
politique international : ce fut l'un des principaux objets de la Conférence des
Nations Unies sur l'Environnement et le Développement à Rio de Janeiro en
juin 1992. En octobre 1991, la Commission des Communautés Européennes a
soumis au Conseil européen des Ministres un projet de stratégie d'action
comprenant la création d'une taxe sur l'énergie (CCE, 1991). Cette taxe visait
à permettre la réalisation de l'engagement pris par la Communauté de stabiliser
ses émissions de CO2 en l'an 2000 au niveau qui était le leur en 1990 2.
Assise pour moitié sur le contenu en carbone des produits et pour moitié sur
leur contenu énergétique, elle devait atteindre, après une introduction
progressive, un niveau équivalent à environ 10 $ le baril de pétrole en 2000.
Plusieurs pays européens (Finlande, Danemark, Suède, Pays-Bas) ont d'ores
et déjà adopté de nouvelles taxes sur le carbone (haugland et al., 1992 ;
Swedish Ministry of the Environment, 1991). En France, le Groupe
Interministériel sur l'Effet de Serre (GIES, 1990) s'est prononcé en faveur de
l'instauration d'une taxe incitative sur le carbone qui pourrait après une
introduction progressive atteindre le niveau de 1 000 F. la tonne de carbone
émise, mais sous deux conditions : que cette mesure ne soit pas prise
unilatéralement par notre pays, mais par l'ensemble des pays de l'OCDE ; que
cette nouvelle taxe soit compensée, selon un principe dit de neutralité
budgétaire, par la diminution d'autres impôts ou charges collectives, de
manière à ne pas augmenter la charge des prélèvements obligatoires pesant
sur les agents économiques.
Malgré tout, ce type de mesures est loin de faire l'unanimité. A l'échelle
internationale, une taxe incitative sur le carbone ou sur l'énergie suscite
l'opposition de pays comme les Etats-Unis, en désaccord tant sur
l'opportunité d'entreprendre une action en l'état des connaissances
scientifiques sur le risque climatique que sur le choix de l'instrument 3, ou les
Pour une mise au point récente sur l'état des connaissances et des incertitudes sur l'effet de
serre, voir le rapport de l'Académie des Sciences (1990) et le numéro spécial de La Recherche
de mai 1992.
Le CO2 émis par la combustion des sources fossiles d'énergie ou lors de phénomènes de
déforestation comme ceux qui affectent la forêt tropicale est considéré comme le responsabHe
d'au moins 60 % du forçage radiatif provoquant à terme le changement de climat. Les
principaux autres gaz en cause sont le méthane, les CFC et le N2O. Voir Houghton et al.,
(1990), GIES (1990) et Académie des Sciences (1990).
La préférence générale officielle du gouvernement des Etats-Unis en matière de politiques de
l'environnement est pour le recours à des mécanismes de "marchés de droits à polluer" ou
"permis négociables", qui correspondent aux solutions expérimentées sur leur territoire depuis
plusieurs années dans le domaine de la pollution atmosphérique. Voir Godard (1992a) pour une
discussion d'une extension de ce type d'instruments à l'échelle internationale afin d'organiser
l'action de prévention du risque climatique. Néanmoins la situation américaine n'est pas faite
d'un seul bloc, puisque \'Environmental Protection Agency a rendu publiques au printemps
1992 plusieurs simulations économiques montrant qu'une taxe sur le carbone,
convenablement compensée par la réduction d'autres impôts (crédits d'impôts sur les
investissements productifs, baisse des charges sociales patronales, par exemple), pourrait
avoir un impact positif sur la croissance économique soit de manière immédiate soit à partir de
l'an 2000 (Shackleton et al, 1992). Des taxes sur le carbone pour la prévention du risque de
changement climatique ? Instruments économiques et politiques
publiques en univers controversé
pays de l'OPEP qui y voient une cause d'affaissement de la croissance au
Nord, de réduction de leurs revenus et un facteur d'assèchement des
ressources consacrées au développement du Sud. A l'échelle nationale, elle
doit affronter l'opposition officielle des organisations professionnelles
industrielles, mais aussi d'experts ou de représentant