L affaire Proudhon. Lectures croisées de Qu  est-ce que la propriété ? - article ; n°29 ; vol.8, pg 80-102
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L'affaire Proudhon. Lectures croisées de Qu 'est-ce que la propriété ? - article ; n°29 ; vol.8, pg 80-102

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Description

Politix - Année 1995 - Volume 8 - Numéro 29 - Pages 80-102
L'affaire Proudhon. Lectures croisées de Qu'est-ce que la propriété ?
Corinne Delmas [80-102].
L'«affaire Proudhon» permet d'esquisser une analyse de la position ambiguë des Académies situées entre les savoirs et le pouvoir au tournant des années 1840. L'analyse de la réception multiple d'une œuvre a permis de comprendre les enjeux de la reconnaissance dans des lieux consacrés d'un intellectuel «autodidacte» et les conditions de la difficile institutionnalisation d'une discipline, l'économie politique.
The Proudhon affair. Crossed readings of Qu'est-ce que la propriété ?
Corinne Del mas [80-102].
The «Proudhon affair» enables an analysis of the links between Academics and Science but also political power, in 1840's. From numerous readings of a book and conflictual definitions of reality of infringements, the author undertakes to understand their stakes, among which acknowledgment of a self-taught person's knowledge by scientist societies, and difficult institutionnalisation of a discipline, political economy.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 145
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Corinne Delmas
L'affaire Proudhon. Lectures croisées de Qu 'est-ce que la
propriété ?
In: Politix. Vol. 8, N°29. Premier trimestre 1995. pp. 80-102.
Résumé
L'affaire Proudhon. Lectures croisées de Qu'est-ce que la propriété ?
Corinne Delmas [80-102].
L'«affaire Proudhon» permet d'esquisser une analyse de la position ambiguë des Académies situées entre les savoirs et le
pouvoir au tournant des années 1840. L'analyse de la réception multiple d'une œuvre a permis de comprendre les enjeux de la
reconnaissance dans des lieux consacrés d'un intellectuel «autodidacte» et les conditions de la difficile institutionnalisation d'une
discipline, l'économie politique.
Abstract
The Proudhon affair. Crossed readings of Qu'est-ce que la propriété ?
Corinne Del mas [80-102].
The «Proudhon affair» enables an analysis of the links between Academics and Science but also political power, in 1840's. From
numerous readings of a book and conflictual definitions of reality of infringements, the author undertakes to understand their
stakes, among which acknowledgment of a self-taught person's knowledge by scientist societies, and difficult institutionnalisation
of a discipline, political economy.
Citer ce document / Cite this document :
Delmas Corinne. L'affaire Proudhon. Lectures croisées de Qu 'est-ce que la propriété ?. In: Politix. Vol. 8, N°29. Premier
trimestre 1995. pp. 80-102.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1995_num_8_29_1902L'affaire Proudhon
Lectures croisées de Qu'est-ce que la Propriété ?
Corinne Delmas
Université Paris IX Dauphine
•II avait compté sur un grand scandale et
cherché dans le scandale un élément de
succès ; ses prévisions ne furent pas
déçues»
Arthur Desjardins, P.-J. Proudhon, sa vie,
son œuvre, sa doctrine, Perrin, 1896.
•Une science nouvelle, m'entendez-vous ?
[...] Avec ses axiomes, ses déterminations, sa
méthode, sa certitude propres»
Proudhon, Mémoires sur ma vie, Maspero,
1983.
DE L'OUVRAGE de Proudhon, Qu'est-ce que la propriété ?, on ne retient
aujourd'hui que le caractère pamphlétaire et une formule-choc : «La
propriété, c'est le vol». Si l'ouvrage a été lu à l'époque comme
politiquement subversif, certains économistes, contemporains de
Proudhon, y ont vu un ouvrage scientifique digne d'éloges, alors même qu'ils
n'en partageaient pas les orientations politiques.
Proudhon, lui-même, semble partagé ; il veut apparemment faire œuvre
scientifique mais, à plusieurs reprises, il semble revendiquer ou endosser le
rôle du combattant politique, du représentant des ouvriers. En 1840, il pense
écrire un ouvrage «diabolique»1 ; mais en même temps il indique dans sa
préface, que «pour sortir de la route battue des opinions et des systèmes, il
fallait porter dans l'étude de l'homme et de la société des habitudes
scientifiques et une méthode rigoureuse [...]. La pensée de ce travail est
l'application de la aux problèmes de la philosophie ; toute autre
intention m'est étrangère et même injurieuse»2. Dans le corps du texte lui-
même, Proudhon réaffirme cette ambition scientifique : «J'ai consulté les
maîtres de la science, j'ai lu cent volumes [...] j'ai fait tous mes efforts pour
obtenir des informations exactes, comparant les doctrines, opposant aux
objections les réponses, faisant sans cesse des équations et des réductions
d'arguments, pesant des milliers de syllogismes au trébuchet de la logique la
plus scrupuleuse. [...] Je résolus donc de faire une contre-épreuve de mes
jugements [...] Pour déterminer la liberté, nous ne réunissons donc pas sans
discernement la communauté et la propriété, ce qui serait un éclectisme
1. «J'en sortirai brillant comme un ange ou brûlé comme un diable» écrit-il à son cousin J.-B.
Proudhon, le 20 mai 1840 {Correspondance de P.-J. Proudhon, J.-L. Langlois, Paris, Lacroix éd.,
1875, t. 1, p. 216).
2. Proudhon (P.-J. ), Qu'est-ce que la propriété ? Ou recherches sur le principe du droit et du
gouvernement, in Œuvres complètes de P.-J. Proudhon, t. 1, Paris, Librairie internationale A.
Lacroix et Cie éditeurs, 1873, p. 1-4.
80 PoHtix, n°29, 1995, pages 80 à 102 L'affaire Proudhon
absurde. Nous recherchons par une méthode analytique ce que chacune
d'elles contient de vrai, de conforme au vœu de la nature et aux lois de la
sociabilité L.]»1. Déjà dans un précédent opuscule2, il affirmait : «Tout ce qui
est matière de législation et de politique est objet de science non d'opinion».
Par «science», Proudhon entend, comme Auguste Comte, ce qui a pour
fonction de découvrir les lois de l'ordre social et de prescrire celles de son
organisation. Mais si la sociologie constitue pour l'auteur du Cours de
philosophie positive cette science, cette dernière doit être pour Proudhon
l'économie politique. Ce savoir, que dédaignait comme trop abstrait le
fondateur du positivisme, apparaît au contraire pour Proudhon comme le type
même de la science positive^. Et il revendique le statut d'œuvre scientifique
d'économie politique à son ouvrage Qu'est-ce que la propriété ?K quelles
conditions cette posture scientifique adoptée par Proudhon va-t-elle pouvoir
être tenable ? Dans quelles conditions endosse-t-il le rôle du révolté ?
Cette question des postures adoptées par Proudhon conduit à interroger les
modes de réception du livre, à la «double lecture»4 possible d'une œuvre,
qualifiée tantôt de «scientifique», tantôt de «politique». Œuvre mixte, Qu'est-ce
que la propriété ? est l'objet d'appropriations multiples et variables. Œuvre
constituée en enjeu dans les univers intellectuels et politiques du début du
XIXe siècle, sa qualification suscite des alliances paradoxales : la qualité
d'économiste semble ainsi reconnue à Proudhon et la valeur scientifique de
son ouvrage paraît affirmée, non seulement par Marx ou Grün5, mais aussi par
des économistes libéraux que la croisade proudhonienne contre la propriété
ne pouvait pourtant guère influencer favorablement. Cette alliance inattendue
est dénouée après 1848 à un moment où les clivages politiques se durcissent et
où le champ savant est en recomposition. La tentation est alors forte de
«rechercher dans le système évolutif des prises de position un principe
d'ordre qui permettrait, par hypothèse, d'objectiver le procès de
transformation de la valeur (de cette) œuvre»°. Or, les premiers commentaires
sur l'opuscule proudhonnien vont prendre sens dans une configuration
scandaleuse. Les hésitations des uns et des autres, les soutiens, les
dénonciations, les revirements peuvent alors être lus comme les produits de
cette configuration.
La construction d'un scandale
Brûlot par sa verve ou œuvre scientifique d'économie politique, Qu'est-ce que
la propriété ? est d'abord un mémoire académique, présenté et dédié à une
Académie de province, l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de
Besançon dont Proudhon est alors le pensionnaire. Ce mémoire, Proudhon
l'a également envoyé à des sciences morales et politiques. Les
1. Ibid., p. 15-16 et p.220.
2. Proudhon (P.-J.), Discours sur la célébration du dimanche, cité par Guy-Grand (G.), Pour
connaître la pensée de Proudhon, Paris, Bordas, 1947, p. 10.
3. Cf. Guy-Grand (G.), Pour connaître. .., op. cit., p. 30.
4. Au sens où l'entend, par exemple, A.-M. Thiesse à propos d'E. Sue (-Écrivains/publics : les
mystères de la communication littéraire«, Europe, 645-644, 1982).
5. K. Grün, fondateur du premier journal radical en Allemagne, parlera d'un -Feuerbach français»
{Die soziale Bewegung in Frankreich und Belgien, Darmstadt, 1845, p. 401). K. Marx qualifie
l'œuvre de -manifeste scientifique du prolétariat français- ( La Sainte Famille, in Œuvres
philosophiques, trad. J. Molitor, t. 2, Paris, Alfred Costes éd., 1927, p. 71).
6. Charpentier (I.), -De corps à corps. Réceptions croisées d'Annie Emaux-, Politix, 27, 1994, p. 45.
81 Corinne Delmas
remous qu'il provoque, tant à Besançon qu'à l'Institut, posent la question de la

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