La Chine du XIXe siècle vue par deux consuls de France à Fou-Tchéou - article ; n°1 ; vol.13, pg 55-69
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1961 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 55-69
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 110
Langue Français

Extrait

Gilbert Gadoffre
La Chine du XIXe siècle vue par deux consuls de France à Fou-
Tchéou
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1961, N°13. pp. 55-69.
Citer ce document / Cite this document :
Gadoffre Gilbert. La Chine du XIXe siècle vue par deux consuls de France à Fou-Tchéou. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1961, N°13. pp. 55-69.
doi : 10.3406/caief.1961.2189
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1961_num_13_1_2189CHINE DU XIXe SIECLE LA
VUE PAR DEUX CONSULS DE FRANCE
A FOU-TCHEOU
Communication de M. Gilbert GADOFFRE
{Manchester)
au XIIe Congrès de V Association, le 25 juillet i960.
L'oubli, qui épargne rarement les plus brillants succès de
librairie, a depuis bien longtemps relégué dans l'ombre un
des livres qui ont le plus fortement retenu l'attention du pu
blic français des années 80 : La cité chinoise d'Eugène Simon.
Publié en 1885, au lendemain du blocus de Formose et de la
guerre franco-chinoise, ce livre de 389 pages, situé à mi-che
min du récit de voyages et de l'essai, arrivait à un bon mo
ment. Dans une certaine mesure, la date explique le succès.
Non que l'auteur ait puisé son inspiration dans l'actualité :
les pages qu'il réunissait en volume en 1885 avaient été rédi
gées avant 1880 et publiées sous forme d'articles en 1882 dans
les Annales de V Extrême Orient (1). Mais l'ancien consul
s'était toujours porté garant des forces cachées de la Chine,
et les circonstances lui donnaient une manière de justifi
cation.
D'autres Français, pourtant, au cours des deux décades pré
cédentes, avaient publié des récits de voyage ou des essais
sur la Chine, mais le moins qu'on puisse dire est qu'ils
(1) Annales de l'Extrême Orient, t. V, p. 97 sqq. 6 GILBERT GADOFFRE 5
avaient bien mal préparé l'opinion française aux événements
de 1884. Que l'on se reporte aux souvenirs de Théodore Duret
de Beauvoir, de Rochechouart, de Cotteau, de Victor Meignan
ou aux essais de Fontpertuis ou de Courcy (2), on est surpris
de voir à quel point ils sont marqués par l'esprit de dépréciat
ion. L'image de la Chine qui se dégage de ces livres est celle
d'un vieux pays fatigué, sans avenir, sans espoir de raje
unissement, et qui n'a même pas derrière lui un passé de civi
lisation qui puisse véritablement impressionner l'Europe.
Ses religions ? Pas même dignes du nom de religion. Sur ce
point-là, Renan parlait comme les missionnaires. Leur philo
sophie, leur légendaire sagesse ? Moins imposantes, vue de
près, qu'on ne l'avait cru au siècle des Lumières. Un en
semble de recettes empiriques et de lieux communs, l'e
xpression, disait Renan, «souvent fine, jamais élevée, du bon
sens pratique ». Leur État ? Un château de cartes qui s'
écroulerait au moindre choc. Leur armée ? La plus mauvaise
du monde. Leur société ? Un mélange de conservatisme rance
et de corruption. Rien ne trouve grâce aux yeux de ces voya
geurs impitoyables, pas même l'art chinois, considéré comme
d'essence inférieure, ni même la nature, plus étrange que
belle. La condamnation était totale.
Là-dessus le conflit franco-chinois éclate, et non seulement
la Chine ne s'effondre pas, mais elle révèle une capacité de
résistance que les Européens ne lui soupçonnaient pas. « Les
vrais négociateurs avec les Chinois, disait Jules Ferry, ce
sont les beaux et bons canons. » Mais l'amiral Courbet pou
vait bombarder l'arsenal de Fou-tchéou, couler des jonques
chinoises, organiser le blocus de Formose, ou occuper les
îles Pescadores, il n'en restait pas moins que les unités de
l'armée régulière chinoise s'étaient infiltrées dans la vallée
du fleuve Rouge, exploitaient les ressources du terrain et les
techniques de la guérilla pour harceler les troupes françaises,
les mettre parfois en échec, et provoquer la catastrophe de
Voyage (2) Théodore autour du Duret, monde, Voyage Paris, 1872 en Asie, ; Victor Paris Meignan, 1874 ; comte De Pans de Beamoir, à Pékin,
Paris, 1876 ; Marquis de Courcy, L'Empire du Milieu, Pans, 1867 ; A. de
Fontpertuis, La Chine contemporaine, Pans, 1883. CHINE DU XIXe SIÈCLE 57 LA
Lang-son. On sait quels échos ont eu, dans l'opinion publique
ces événements qui ont coûté à Jules Ferry sa carrière poli
tique.
Il n'était pas difficile de voir qu'entre les prévisions des
augures et la réalité la distance était grande, ce qui faisait
ressortir encore davantage la lucidité d'Eugène Simon. Lui
n'avait pas attendu Lang-son pour évaluer l'énorme potentiel
de force que représentait la vieille Chine, puisque tout son
livre était un essai d'analyse des composantes de cette force.
Dans une interpolation de l'édition de 1885, ^ ajoutait : « Les
récents événements du Tonkin me dispensent de rappeler
ceux de i860. Malgré la supériorité de notre armée et de
notre armement, on sait de quel prix nous avons payé les suc
cès obtenus sur les Chinois. D'où venait donc la résistance
qu'ils nous ont opposée, et contre laquelle nous aurions fini
par nous briser ? Ni leurs ressources budgétaires, ni leur
puissance militaire ne sont assurément comparables aux
nôtres. Mais nous avions devant nous une muraille vivante,
plus compacte et plus solide que tous les remparts du monde,
édifiée par une civilisation vingt ou trente fois séculaire,
fondée sur le travail et la justice » (3).
Au prestige de celui qui a su prévoir, Eugène Simon ajout
ait celui de l'expert. Il n'était pas de ces touristes ou de ces
diplomates qui vont à l'étranger les bras ballants. Ancien
élève de l'Institut agronomique, il avait été envoyé en mission
en Chine par le Ministère de l'Agriculture en i860 (4) il
avait remonté le Yang-tsé, visité les provinces de l'intérieur.
En 1865, il part de nouveau pour la Chine, envoyé, cette fois
par le Ministère des Affaires étrangères comme Consul à
Ning-Po, puis à Fou-tchéou. Entre temps il rassemble les
résultats de son enquête agronomique dans sa Carte agricole
de V Empire chinois, publiée en 1S66, et accompagnée d'une
préface et d'un important répertoire. Au cours des années
suivantes, des articles sur « l'Agriculture en Chine » dans le
bulletin de la Société de Géographie, et sur « Les petites so-
(3) Eugène Simon, la Cité cli i noise, Pans, 1886, p. 80.
(4) Notice biographique sur Eugène Simon par Henri Cordier, dans le
Toung Pao, décembre 1896, t. VIII, p. 592. 8 GILBERT GADOFFRE S
ciétés d'argent en Chine », achevaient de le poser en enquêteur
sérieux. Quand il se décide, au cours de son séjour à Fou-
tchéou, à faire le point de ses connaissances sur la Chine et
à réunir la série d'études qu'il va publier sous le nom de La
Cité chinoise, tout laisse croire que la Chine a enfin trouvé en
France un interprète idéal qui a de son côté les connaissances,
l'expérience et la pratique.
# # #
Pour peu qu'on lise avec attention la Cité chinoise, on est
portant bien loin d'y trouver l'étude technique et objective
qu'on était en droit d'attendre. On est même surpris de voir à
quel point, dans ce livre agréablement écrit, bien construit,
plein d'intelligente sympathie et de notations directes, les
faits ne sont choisis et interprétés qu'en fonction de stéréo
types européens sur la Chine, dont certains avaient plus d'un
siècle d'existence. Toutes ces pages respirent la nostalgie du
paradis perdu des civilisations bucoliques. En lisant la des
cription de la campagne du Fou-Kien, on croirait entendre
une âme sensible du siècle des Lumières évoquer l'âge de
l'homme naturel :
Dans les chants que, le soir, aux heures de répit, j'entendais en
traversant les hameaux, je cherche en vain les notes toujours tristes,
résignées, parfois désespérées, des chants de nos travailleurs... L'air
le plus populaire de la Chine, le Sin-pâ, est un air doux, enjoué,
tout rempli de paix et de sécurité .

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