La concession de Moubarak est une insulte pour les Egyptiens
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La concession de Moubarak est une insulte pour les Egyptiens

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«La concession de Moubarak est une
insulte pour les Egyptiens »
Lola Sorrenti
02.02.2011
© AFP
Alors que les présidents américain et français ont appelé à la « transition immédiate », les
affrontements sur la place Tahrir en Egypte se poursuivent. Les pressions de la rue et de la
scène internationale feront-elles céder le président égyptien Moubarak ?
Entretien avec Barak Mikaïl, directeur de recherches sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à
la Fondation pour les Relations Internationales et le Dialogue Extérieur.
L’ouverture de la succession de Moubarak est-elle une concession suffisante pour
stopper la révolte populaire ?
Non, je crois que les événements auxquels on assiste aujourd’hui montrent que Moubarak, ce
qu’il présente comme une concession est perçu comme étant une insulte. Il y a un décalage
entre les concessions des uns et des autres. Moubarak est
arc-bouté sur son pouvoir. Il pense
que c’est à lui de décider de quand il devra partir. L’approche du président est opposée à celle
des manifestants. Il y a un clivage et un décalage total.
La déclaration de Moubarak est perçue comme une insulte en ce sens que les manifestants ont
depuis le début une revendication minimale : le départ de Moubarak. Les manifestants sont
clairs. Ils ont rejeté les propositions de négociation avec Moubarak mais veulent bien envisager
de négocier avec son numéro deux. On assiste plus à un rejet de Moubarak que du régime.
Il faut bien voir que personne n’avait parié sur la ténacité des Egyptiens et on y est quand
même. La Tunisie, cela semblait impossible. L’Egypte, on la savait soumise à un risque mais
pas au point de voir une situation similaire éclater. Je doute que l’esprit de contestation des
manifestants s’épuise, il ne faut pas sous estimer leur ténacité même si on ne sait pas sur quoi
cela peut déboucher. Ils auront certainement le départ de Moubarak mais probablement pas la
refonte du régime…
Comment jugez-vous la prise de position des Etats-Unis par la déclaration de Barack
Obama, va-t-elle précipiter les événements ?
On ne sait pas ce qui se trame dans la tête de Moubarak. Mais il y a une grande hypocrisie de
la part des Etats-Unis. Ils commencent à lâcher Moubarak mais ils ont mis du temps à le faire.
On peut d’ailleurs faire la même remarque pour l’Europe.
Moubarak est rejeté, il n’y a pas d’alternative fiable. Toute position de ce type a ses limites et on
le voit aujourd’hui.
Les Etats-Unis ont fait le choix de l’hypocrisie et cèdent désormais à plus de pragmatisme.
De quelle marge de manoeuvre disposent les Etats-Unis?
Les Etats-Unis sont coincés car ils ne sont plus crédibles auprès de la population. Les
Egyptiens sont déçus par les Etats-Unis. Quel que soit leur positionnement les américains
restent inconditionnellement pro-israéliens pour les Egyptiens.
La région est-elle devenue une poudrière ?
Les probabilités d’extension de cette vague partie de la Tunisie restent pleinement posées. On
le voit au niveau de certaines manifestations : le 4 février une manifestation a été convoquée en
Syrie, le 12 février en Algérie et le 14 au Bahreïn… On assiste à des appels à manifester.
On assiste à des agitations similaires en Algérie, au Yémen... On est à peu près sûr que
l’exemple sera réitéré dans le court, le moyen ou le long terme. Ces événements ne laisseront
pas la scène régionale intacte. Dans les 20 ans, il y a aura de profondes refontes régionales
L’Egypte est-elle un tampon face à la menace iranienne ?
C’est le rôle auquel Moubarak a toujours prétendu. Un tampon envers la menace iranienne :
face au croissant chiite, effectivement, il s’oppose comme un rempart essentiel parallèlement à
d’autres alliés des Etats-Unis. Mais aussi un tampon anti-islamiste, contre les frères
musulmans. C’est la posture à laquelle il prétend et qui lui permet de dire : « après moi le
chaos ».
Depuis hier soir, je suis frappé par la manière dont les medias égyptiens montrent des
témoignages via des citoyens lambda qui soutiennent Moubarak. Il y a une instrumentalisation
franche. Il y a en sous main une activation de la part de Moubarak.
Quels sont les enjeux économiques et commerciaux pour l’Egypte ?
Les Égyptiens sont conscients du blocage rédhibitoire suite aux manifestations. Ils sont
conscients que la manne financière est bloquée. Dans le même temps ce qui a poussé les
Egyptiens dans la rue, c’est plus de justice et une meilleure gestion politique. Mais il n’y aurait
jamais eu de manifestations politiques s’il n’y avait pas eu de malaise économique. Dans les
pays du Golfe on est moins inquiets car il y a une relative opulence. On a conscience des
déficits démocratiques mais économiquement c’est mieux donc les contestations sont mises en
sourdine.
En Egypte, les gens vont dans la rue car ils n’ont plus rien à perdre. C’est la misère qui les
pousse dans la rue. Ils ont conscience du blocage économique qu’ils provoquent mais d’un
autre coté ils savent qu’ainsi ils empêchent l’élite de rester les seuls détenteurs de richesses.
Bien sur, l’Egypte n’en sortira pas indemne.
Le canal de Suez a été mis sous protection de l’armée, est-il possible d’envisager de le
fermer ?
C’est compliqué. Ca dépend des pressions politiques. Si Moubarak veut se venger des
chancelleries qui ne le soutiennent pas, oui, il pourrait décider de le fermer mais l’Égypte ne
fermera pas d’elle-même une manne financière considérable.
Le message du président français a été un peu moins ferme mais s’engage dans la même
direction, quelle peut-être l’influence française ?
La France a décidé de nommé Moubarak à la tête de l’Union pour la Méditerranée, il ne faut
pas l’oublier ! Ella a affiché un soutien incontestable à l’Egypte. La France n’est pas pour autant
la seule responsable. Les Egyptiens se sont toujours positionnés par rapport aux Etats-Unis.
La France n’a pas de moyens d‘action. D’un coté, on comprend qu’elle ait voulu être
pragmatique pendant des années mais de l’autre, son obstination à composer avec Moubarak
fait qu’aujourd’hui la France est coincée. C’est à l’Union Européenne de saisir l’exemple
égyptien pour apparaitre plus cohérente vis-à-vis de la région ; l’Union Européenne doit profiter
de la mauvaise passe égyptienne pour proposer un discours clair fondé sur des principes et
demander des contreparties.
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