La doctrine du vers libre de Gustave Kahn (juillet-1886-décembre 1888) - article ; n°1 ; vol.21, pg 37-50
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La doctrine du vers libre de Gustave Kahn (juillet-1886-décembre 1888) - article ; n°1 ; vol.21, pg 37-50

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1969 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 37-50
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 24
Langue Français

Extrait

Monsieur Francis J. Carmody
La doctrine du vers libre de Gustave Kahn (juillet-1886-
décembre 1888)
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1969, N°21. pp. 37-50.
Citer ce document / Cite this document :
Carmody Francis J. La doctrine du vers libre de Gustave Kahn (juillet-1886-décembre 1888). In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1969, N°21. pp. 37-50.
doi : 10.3406/caief.1969.923
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1969_num_21_1_923DOCTRINE DU VERS LIBRE LA
DE GUSTAVE KAHN
(JUILLET 1886-DÉCEMBRE 1888)
Communication de M. Francis CARMODY
{Berkeley, Californie)
au XXe Congrès de l'Association, le 24 juillet 1968.
Au cours de l'année 1888, le débat sur la réforme proso
dique cristallisait certaines notions qui évoluaient déjà de
puis au moins deux ans, et mettait aux prises plusieurs réfo
rmateurs fiers de leur apport personnel. Parmi les nombreux
textes qui nous permettent de suivre ce débat, il faut retenir
deux historiques quasi officiels : la Mêlée symboliste d'Er
nest Raynaud, publiée en 191 8 (1), et Symbolistes et décadents
de Gustave Kahn (2), recueil d'articles divers mis au point
en 1902. Les autres intéressés, tels Laforgue, Moréas et
Viélé-Griffin, n'ont formulé aucune définition incisive.
Quelque futiles que soient les petites jalousies de ces poètes,
la priorité est une référence utile pour qui veut éclairer leurs
intentions et situer rétrospectivement leurs idées et leur art.
Tout en étant plus ou moins honnêtes, les deux historiens
passent sous silence bien des faits gênants. Raynaud ne ment
ionne Kahn que pour des anecdotes banales (Mêlée, pp. 40,
(1) ' ч Sigle Symb. Mêlée (Paris, La Vanier). Renaissance du livre). 38 FRANCIS CARMODY
43) ; parlant de la revue dont Kahn est l'unique « rédacteur-
administrateur » pendant l'époque où elle fait connaître
Rimbaud, Whitman et Laforgue, Гех-décadent se plaît à
citer longuement d'anciens mots du premier directeur,
Léo d'Orfer, qui n'ont aucun rapport avec la contribution
réelle de la revue ; et il exécute elliptiquement la Vogue en
citant un mot de Moréas : « C'est purement grotesque » (ibid.,
p. 58). Kahn, au-dessus de la mêlée, disons même arrogant,
use de tours catégoriques. En 1902 il écrit du Décadent, an
cien siège de Raynaud, qu'il était « amusant mais superfic
iel », et prétend que la Vogue « fut plus sérieuse : elle fut la
première revue symboliste » (Symb., pp. 38-43). Kahn préfé
rait exécuter ses compétiteurs en les classant comme disciples,
et ses aînés en les traitant de prophètes mineurs.
La vérité est que la gloire est partagée. Si Kahn se sert déjà
en juillet 1886 de son nouveau vers libre, il n'en esquissera
les règles qu'en décembre 1888, après la longue campagne de
réforme menée par Raynaud dans le Décadent (3). Baju, nou
vel animateur de cette revue dès le premier janvier 1888, re
crute Verlaine, qui envoie sa « Lettre au Décadent », mot ami
cal et enthousiaste. Ensuite, Baju dégoûte le maître en révé
lant de grotesques pastiches de Rimbaud, et Verlaine dé
missionne, gentiment mais fermement, le premier mars, dans
son essai « Un mot sur la rime ». Il constate que Raynaud
attaque la rime « avec une virulence qui m'a fait réfléchir aux
torts que j'ai pu avoir ... envers elle », et il finit par réduire ses
propres innovations à la rime pour l'oreille (ier mars, p. 1-4).
Quinze jours plus tard (p. 1-3), saluant Kahn et Moréas pour
leur « très grand mérite », et moins sévère qu'à l'égard de
Raynaud, Verlaine dit qu'il préfère les trois derniers vers du
poème Éventails, de Kahn (Prem., pp. 175-178) (4), régul
iers, aux vers libres qui les précèdent.
Sur ces points, les deux théoriciens resteront d'accord.
(3) Sigle Dec. — Voir dans nos Cahiers ma communication au XIe Cong
rès, 1959.
(4) Sigle Prem. — Pagination de Premiers poèmes (Paris, Société du
Mercure de France) : Palais nomades (pp. 42-152), Chansons d'amant (155-
286), etc., et Préface (3-38) reproduisant (23-28) le manifeste de la Revue
indépendante de déc. 1888 (481-485)- LA DOCTRINE DU VERS LIBRE DE GUSTAVE KAHN 39
Dans sa présentation rétrospective de « la réforme proso
dique » {Mêlée, pp. 120-128), et parlant de ses collègues du
Décadent, Raynaud écrira : « II ne nous suffisait pas de voul
oir imposer la " rime pour l'oreille ". Il fallait encore lutter
pour la liberté de la césure et de l'hiatus » {ibid, p. 124-125).
En 1902, Kahn dira du groupe de Raynaud : « Ils négligeaient
de placer exactement la césure, admettaient l'hiatus, abo
lissaient la rime pour l'œil » {Symb., p. 267-268) : Kahn traite
ce genre de « vers libéré ». A Verlaine, il accorde « un vers
modifié, libéré, assoupli, qui n'est pas le vers libre, mais qui
s'en rapproche » {id., p. 176). Kahn prétend encore que
Moréas « recherchait une sorte de vers libre » {id., p. 48),
Laforgue « négligeait de parti pris l'unité strophe » et arrivait
à « une liberté idéologique » plutôt qu'à une versification libre
{Prem., p. 17). Il nous assure que « les vers de Rimbaud...,
affranchis de bien des entraves, n'étaient point le vers libre,
non plus que ceux de Verlaine » {Prem., p. 15).
L'ensemble des déclarations de part et d'autre établit
certaines distinctions objectives. On peut concevoir un
alexandrin libéré en fonction de l'hiatus, du déplacement de
la césure et des accents intérieurs, d'un certain mépris pour
Ye caduc, et enfin des comptes impairs. Un quatrain libéré
serait marqué, en plus, de rimes pour l'oreille. Si on accepte
d'aller plus loin, jusqu'à la pseudo-rime et l'assonance, et
aux strophes mêlées de vers de longueurs différentes, on
arrive à la technique de Kahn, qui fait un dernier pas en se
servant parfois, selon certaines règles, de vers non-rimés.
La réforme de la strophe, plus importante, pose des pro
blèmes parallèles. Une strophe complexe, dont les vers sont
de longueurs différentes, peut garder cette même forme à
travers un poème entier, qui est donc symétrique, ou varier
grâce à des irrégularités mineures ; ou bien le poème peut
réunir une série de strophes chacune différente. Les Comp
laintes de Laforgue sont pour la plupart symétriques, ses
« Derniers poèmes » consistent en strophes de formes dis
tinctes, ou amorphes. Le vers-librisme de Kahn part d'un
concept de la strophe en tant qu'unité autonome ainsi conçue
grâce à certains vers nommés « principaux ». 4O FRANCIS CARMODY
Dès juillet 1886, dans les poèmes publiés dans la Vogue et
destinés à former les Palais nomades, Kahn se sert de cette
formule strophique, complexe et en apparence amorphe. Sa
priorité est reconnue tant par le Décadent que par certains
historiens modernes, tel Mondor, dans la Vie de Mallarmé (5).
Tenant compte des autres candidats à cette gloire, Mondor
constate que « le premier livre en vers libres, c'est bien Palais
nomades, de Kahn ; vinrent ensuite les Moralités légendaires
de J. Laforgue, les Litanies de Dujardin... » (Vie, p. 690). Le
Ier juillet 1888, Léo d'Arkaï, chargé de la rubrique poétique
du Décadent, écrit des Palais nomades : « Ce fut Gustave Kahn
qui parvint le premier à faire d'un volume de vers un Tout
homogène... En outre, Gustave Kahn ... affranchit de la
règle (au passé) le retour et l'emploi des (fortes ou vagues)
rimes et assonances et le rythme des strophes... » (Dec, p. 12).
Cinq mois plus tard, le Ier décembre, Jules Maus note que
Sarcey et compagnie « reprochent à M. Kahn d'user du vers
libre, ignorant sans doute que La Fontaine estimait cette
sorte de vers et s'en servait » (id., p. 6).
Un heureux concours de circonstances [Kahn gardait les
lettres que lui adressait son ami Laforgue (6)] nous permet
d'examiner objectivement sa technique poétique avant la
publication, le 11 avril 1886, du premier poème qui va figurer
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