La fermentation des partis politiques en Algérie - article ; n°2 ; vol.2, pg 124-147
25 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La fermentation des partis politiques en Algérie - article ; n°2 ; vol.2, pg 124-147

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
25 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politique étrangère - Année 1937 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 124-147
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1937
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Montagne
La fermentation des partis politiques en Algérie
In: Politique étrangère N°2 - 1937 - 2e année pp. 124-147.
Citer ce document / Cite this document :
Montagne Robert. La fermentation des partis politiques en Algérie. In: Politique étrangère N°2 - 1937 - 2e année pp. 124-147.
doi : 10.3406/polit.1937.5587
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1937_num_2_2_5587LA FERMENTATION DES PARTIS POLITIQUES
EN ALGÉRIE1
En essayant de définir la situation politique des partis de la société
indigène de l'Algérie, depuis le début de 1 936 jusqu'à ces dernières semaines,
nous ne nous dissimulons pas la difficulté de notre tâche.
Tout d'abord, il est presque impossible de faire la synthèse de mou
vements aussi divers, aussi contradictoires que ceux qui se développent
aujourd'hui dans les trois départements de l'Algérie, parce qu'ils ne
présentent pas d'unité véritable. Ils nous apparaissent comme autant de
petits tourbillons, dont les courants s'opposent, se contrecarrent, se réunis
sent capricieusement. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux se forment autour
d'un homme plutôt qu'autour d'une idée. Nous avons affaire plus souvent
à des conflits d'individus qu'à des conflits de partis, et, quand les partis
s'opposent les uns aux autres, nous avons le sentiment qu'il s'agit de forces
sociales adverses plutôt que de courants d'idées et d'opinions.
De plus, il est assez périlleux d'analyser les doctrines qui animent les
différents groupes. On sait que les mots de « nation », de « patrie », de
« liberté de conscience » n'ont pas le même sens lorsqu'on les emploie
successivement dans un pays occidental ou dans une société islamique
modernisée. De même, d'ailleurs, « fascisme » et « communisme » n'ont pas
la même acception sur les deux rives de la Méditerranée; chez les autoch
tones ou les Français d'Algérie, ces mots recouvrent des réalités parfois
bien différentes de celles qu'ils cachent en France.
Enfin, il est un autre péril qu'il faut, il est vrai, savoir affronter : quelle
que soit l'objectivité avec laquelle on s'efforce d'observer ces mouvements
sociaux, on risque, de nos jours, d'être mal compris et d'être suspecté de
tendresse pour l'un ou pour l'autre.
Un auditoire du Centre d'Études de Politique Etrangère 2 étant certa
inement celui qui est le plus conscient de ces difficultés et de ces dangers,
1. En mars 1937.
2. Communication présentée devant le groupe d'études de l'Islam. LA FERMENTATION DES PARTIS POLITIQUES EN ALGÉRIE 125
j'essaierai résolument de faire l'analyse d'une situation obscure et compliquée
que la plupart des Français connaissent seulement par la lecture de nouvelles
tendancieuses dont la presse nous apporte le trop généreux tribut quotidien.
Le climat politique de l'Algérie d'aujourd'hui
Depuis l'accession au pouvoir du Front Populaire en France, l'Algérie
se trouve, au point de vue politique, dans un climat vraiment nouveau :
les manifestations populaires du début de juin, les revendications sociales
et politiques, la promesse et la publication du projet Viollette, les événe
ments d'Espagne ont véritablement créé une atmosphère qu'on n'avait
pas observée jusqu'à présent. Nous sommes d'ailleurs dans un climat
rude ; les querelles qui éclatent dans ce pays atteignent toujours un diapa
son plus élevé que celui de la France métropolitaine; les ferments politiques,
qu'il s'agisse de l'antisémitisme, de l'agitation agraire, du syndicalisme, de
l'organisation des ligues fascistes ou anti-fascistes, agissent toujours avec
une violence plus grande que sur notre continent. Il suffit de rappeler, dans
l'histoire de l'Algérie, les crises violentes de l'anti-sémitisme au temps de
Max Régis pour évoquer des situations qui ne doivent pas être jugées avec
les mêmes règles qu'en France. C'est ainsi que pendant l'hiver 1935-36,
au moment où le mouvement agraire battait son plein dans la campagne,
certains colons enrégimentaient les indigènes dans leurs ligues; on organis
ait çà et là le refus de l'impôt et le cri général était : « L'Algérie aux Algér
iens. » Quelques mois après, c'était : « La France aux Français! » Des
escadrilles d'avions de tourisme étaient, dit-on, en formation pour survoler
la Méditerranée jusqu'au moment où s'organiseraient, pour défendre le
Front Populaire, des escadrilles rivales, « les sauterelles algériennes... ».
N'oublions pas d'autre part qu'il est fréquent, en ce pays, de voir des
hommes politiques, aux opinions les plus diverses et les plus opposées,
se succéder dans les mêmes circonscriptions; par contre, tel se fait élire
ici aujourd'hui, par la « droite », qui sollicitera ensuite dans le même heu
les voix des Juifs et de la « gauche ». La personne compte seule; son dyna
misme l'emporte sur des convictions intimes, les idées et les partis appar
aissent trop souvent comme des forces à capter. Toutes ces querelles se
préparent au grand jour. Le clergé ressemble davantage, par sa vie exté
rieure, à celui d'Espagne ou d'Italie. Les loges maçonniques ont pignon
sur rue et lancent leurs convocations dans les journaux. Certaines parties
de l'Algérie, l'Oranie surtout, donnent parfois l'impression d'être sur
la terre d'Afrique un prolongement des provinces d'Espagne qui leur font LA FERMENTATION DES PARTIS POLITIQUES EN ALGÉRIE !26
face en Méditerranée1. Tout ceci doit nous inciter à la prudence lorsqu'il
s'agit d'identifier des mouvements politiques en France et en Algérie.
Mais si cette agitation politique européenne bruyante est bien loin d'exer
cer sur les partis indigènes une action décisive, elle a pour conséquence
d'apporter des exemples. Un désordre en entraîne un autre; le goût des
manifestations bruyantes et des rassemblements se développe chez des foules
dont l'esprit collectif est hyper-sensible. Certaines régions de l'Algérie
baignent ainsi, par instant au moins, dans une atmosphère électrique où
s'exaspèrent les passions. Puis, bien vite, le calme règne, et il faut, pour
déceler les mouvements en profondeur, l'enquête précise d'un observateur
avisé.
La nature des forces en jeu dans la société indigène.
Essayons donc tout d'abord de saisir les causes et de bien distinguer la
nature des forces en jeu dans la société indigène.
La crise politique de cette année se trouve préparée par des faits sociaux
importants : tout d'abord on observe, dans de nombreuses régions, l'usure,
souvent irrémédiable, des grandes familles, ruinées par une prodigalité
ostentatoire ou affaiblies par la médiocre valeur des héritiers. Souvent,
aussi, se manifeste une crise d'autorité du fonctionnaire local : le Caïd.
Autrefois recruté dans une ancienne famille du pays, il est choisi souvent,
aujourd'hui, parmi les vieux militaires ou les petits fonctionnaires. Aussi
voyons-nous grandir près de lui le président de la Djemaa de douar qui
tient son pouvoir de l'élection. Dès à présent, certains administrateurs,
en Kabylie surtout, exercent leurs fonctions plutôt avec l'aide du président
de la Djemaa qu'avec celle du Caïd devenu sans autorité. Ailleurs, dans
des régions où le peuplement a été bouleversé par la colonisation, il n'existe
même plus de cadres dans la société indigène dégénérée, mais une poussière
de métayers et d'ouvriers agricoles que le vent qui souffle de droite ou de
gauche, d'Orient ou d'Occident, peut aisément soulever. Il faut encore
tenir compte du rôle social de l'école française primaire, que fréquentent,
en grand nombre, dans les centres de colonisation, les petits indigènes
eux-mêmes, assis sur les mêmes bancs que les fils de colons. Les enfants
se séparent de leurs pères par la langue et par l'esprit. Il n'est pas rare
d'observer que des parents, favorables aux idées de la Renaissance Arabe,
honorables commerçants de bonne origine, ont des héritiers qui s'intéres

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents