La marge interprétative du JAG dans les opérations militaires
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Les « guerriers du droit » et le « lawfare » font partie intégrante des conflits armés modernes. Comprendre les influences derrière l'instrumentalisation du droit international humanitaire (DIH) est la clef de voute pour mieux analyser de tels conflits. En vue de répondre à cet impératif, cet article veut déterminer le degré d'influence des biais cognitifs sur les membres du Judge-Advocate General (JAG) lors des opérations militaires. Il établit tout d'abord que le DIH est un outil pour les JAG, qui utilisent la marge interprétative comme arme juridique au cours des conflits armés. Il expose ensuite la manière dont l’expertise des JAG est influencée par les biais bureaucratiques et pourquoi il est possible de parler de militarisation du droit (lawfare).

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Publié le 20 juin 2017
Nombre de lectures 102
EAN13 ISSN2492-248X
Licence : Tous droits réservés
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

OSINTPOL
Note d’analyse
20 juin 2017
La marge interprétative du JAG dans les opérations militaires Marion Dussuchal
Fonds de dotation OSINTPOL
Note d’analyse|La marge interprétative du JAG dans les opérations militaires
OSINTPOL
Note d’analyse
20 juin 2017
La marge interprétative du JAG dans les opérations militaires Marion Dussuchal
Fonds de dotation OSINTPOL
L’intelligence du bien commun
Le Fonds de dotation OSINTPOL est un laboratoire didées outhink tank. Il accomplit une mission dintérêt général en soutenant la recherche et la diffusion d’analyses en science politique, notamment les domaines liés à la paix et aux relations internationales. Il agit dans lintérêt du bien commun en conformité avec les valeurs humanistes qui sont les siennes et les idéaux de justice et de liberté énoncés dans la Déclaration universelle des droits de la personne. Les travaux d’OSINTPOL s’inscrivent pleinement dans les débats parcourant ses sphères dintérêt. La démarche est résolument critique et avant tout orientée vers la production et la diffusion aussi large que possible des savoirs relatifs à ses domaines dinterventions. OSINTPOL ne saurait accomplir efficacement sa missiond’information et de sensibilisation du public sans le soutien de donateurs motivés par la défense du bien commun. Rejoignez-nous sur osintpol.org.
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Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement une prise de position d’OSINTPOL125 rue de Longchamp 75116 Paris Courriel :contact@osintpol.org Tel : +33 (0) 659 849 292 Site Internet : osintpol.orgISSN : 2492-248X
Photographie: capture d’écran dela vidéo intitulée « Collateral Murder » (meurtre collatéral) éditée parWikiLeaks, tirée du film pris par une caméra d'un des deux hélicoptèresAH-64 Apacheimpliqués dans le raid aérien du 12 juillet 2007 à Bagdad. 18 personnes civiles ont été tuées dont deux journalistes de l’agence Reuters. La vidéo fait partie des documents écoulés par Chelsea Manning (alors Bradley) en 2010. Cette dernière est libre depuis le 17 mai 2017 après avoir vu sa sentence à 35 ans de prison commuée de sorte à permettre une libération anticipée. Les auteurs du raid du 12 juillet 2007 n’ont jamais été poursuivis.En juin 2011,l’organisation non gouvernementale allemande Vereinigung Deutscher Wissenschaftler (VDW)a attribué le Prix du lanceur d’alerte (Whistleblower Award) à la personne ayant permis la diffusion publique de la vidéo. Pour voir la vidéo, cliquer sur l’image ou sur ce lienafin d’accéder à la page Wikipedia dédiée à ce raid et à la diffusion de cette vidéo. Credit : WikiLeaks, vidéo mise en ligne le 5 avril 2010.
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Sommaire
Biographie de l’auteur........................................................................ ii
Remerciements.................................................................................. ii
Résumé ........................................................................................... iii
Abstract........................................................................................... iii
Introduction....................................................................................1
1. Le DIH et la marge interprétative : deux instruments pour le JAG 7
1.1. 1.2. 1.3.
Qu’est-ce que la marge interprétative? .................................................. 7 Marge interprétative et biais bureaucratiques ......................................11 L’influence du facteur national et de la bureaucratie militaire dans la prise de décision des JAG au cours des opérations militaires.............. 15
2. Entre expertise et bureaucratie : le DIH ou la poursuite de la guerre par d’autres moyens....................................................19
2.1.Les manuels de guerre et les règles d’engagements ou comment le militaire traduit les normes du DIH ..................................................... 19 2.1.1. Le manuel de Sanremo sur les ROE. .............................................20 2.1.2. Lemanuel de guerre de l’armée américaine et ROE.....................20 2.1.3. Le manuel de guerre de Tsahal (armée israélienne) et les ROE. ..22 2.2. Stratégie, opération et intervention militaire : trois exemples pour comprendre l’application concrète du «lawfare» et des distorsions cognitives induites par la bureaucratie militaire. .................................24 2.2.1.La légitimation de l’emploi des drones sous l’administration Obama. 24 2.2.2.L’État d’Israël et l’Opération plomb durci.2..7.................................. 2.2.3.Le rapport Chilcot et l’intervention britannique en Irak en 2003.  29
Conclusion ....................................................................................33
Bibliographie................................................................................... 35
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Biographie de l’auteur
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Marion Dussuchal est actuellement collaboratrice à laChaire-Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.Elle fait partie de l’équipe de recherche del’Observatoire de géopolitique sur les migrations, les frontières et les murs frontaliers, dirigée par la professeure Élisabeth Vallet. Elle a donné une conférence sur « La guerre du Vietnam : le poids des facteurs cognitifs dans la prise de décision du Président Lyndon Baines Johnson » lors du Colloque étudiant de l'Observatoire des États-Unisla de Chaire Raoul-Dandurand en mai 2016. Elle a participé auConcours Jean-Pictetdroit international en humanitaire en 2016 ainsi qu'auConcours de procès simulé en droit international Charles-Rousseaudroit international public en 2017 pour en représenter l'UQÀM. Diplômée d'un baccalauréat en relations internationales et droit international et d'une maîtrise en droit (droit international et politique internationale) de l'Université du Québec à Montréal, elle a participé, à deux reprises, à laClinique Internationale de Défense des Droits Humains de l'UQÀM.
Remerciements
L’auteure tient à remercier Monsieur Olivier Barsalou, pour sa grande disponibilité et ses précieux conseils dans l'élaboration de cette note d’analyse.
Pour citer ce document
Marion Dussuchal, « La marge interprétative du JAG dans les opérations militaires »,Note d’analysed’OSINTPOL, 20 juin 2017.
Note d’analyse|La marge interprétative du JAG dans les opérations militaires
OSINTPOL
Résumé
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iii
Les « guerriers du droit » et le « lawfare » font partie intégrante des conflits armés modernes. Comprendre les influences derrière l'instrumentalisation du droit international humanitaire (DIH) est la clef de voute pour mieux analyser de tels conflits. En vue de répondre à cet impératif, cettenote d’analyse veut déterminer le degré d'influence des biais cognitifs sur les membres du Judge-Advocate General (JAG) lors des opérations militaires. Elle établit tout d'abord que le DIH est un outil pour les JAG, qui utilisent la marge interprétative comme arme juridique au cours des conflits armés. Il expose ensuite la manière dont l’expertise des JAG est influencée par les biais bureaucratiques et pourquoi il est possible de parler de militarisation du droit (lawfare).
Abstract
"Lawriors" and "lawfare" are a big part of modern armed conflicts. Knowing influences behind the instrumentalization of the International Humanitarian Law (IHL), it is possible to get keys for a better understanding of these kind of conflicts. In response to this need, this paper wants to determine the degree of leverage of cognitives bias on members of the Judge-Advocate General (JAG) unit during military operations. First, it establishes the fact that IHL is an instrument for JAGs, who use interpretative edge as a legal weapon during armed conflicts. Secondly, it presents how JAG's expertise is influenced by bureaucratic bias and why it is possible to speak about militarization of law (lawfare).
Note d’analyse|La marge interprétative du JAG dans les opérations militaires
Introduction
Si le droit international humanitaire (DIH) existe pour protéger les civils et les combattants des maux de la guerre, il nen demeure pas moinsdépendant d’une1 volonté politiqueet en fait étatique de s’y conformer ou non. Les avocats militaires remplissent à cet égard un rôle bien particulier, puisquils permettent au politique de légitimer, par un outil juridique solide, une opération militaire. 2 Les membres du corps des «juges avocats militaires» (JAG) deviennent l’incarnation de cette arme juridique qu’est le DIH. Leur tâche est complexe étant donné qu’ils doivent trouver le difficile équilibre entreethosobjectifs et 3 militaires, cherchant par conséquent à ajouter de l’éthique au militaire. Comment arbitrer entre, d’un côté, dilemmes éthiques et moraux et, de l’autre,les enjeux de la guerre? Doit-on privilégier telle cible militaire ou telle autre? Des dommages collatéraux sont-ils nécessaires à la réalisation de tel ou tel objectif militaire?questions sont d Ces autant plus importantes que la 4 communauté internationale sy intéresse de près , aidée dans son suivi des enjeux par une couverture médiatique importante et diversifiée et les rapports des organisations non gouvernementales.
Dans ce contexte, le DIH est devenu une composante de l’action politique. Comme le souligne avec justesse David Luban, le «Lawfareest lutilisation du 5 droit en tant quarme de guerre contre un adversaire militaire». De fait, il est important de percevoir les différents enjeux entourant l’utilisation du jus in bello à des fins politiques.L’auteur explique aussi que
« laccusation formulée par le lawfare suppose implicitement que les guerriers du droittel que [quil appelle] ceux qui sengagent dans le lawfareabusent du droit en formulant des accusations infondées 6 pour des atrocités à lencontre de leurs ennemis . »
1 Éric Marclay, «Le silence assourdissant du droit humanitaire»,Le Devoir, 19 mai 2017. 2 Judge Advocate General. 3 Laura A. Dickinson, « Military lawyers on the battlefield: an empirical account of international law compliance »,op. cit.,p. 21. 4 Agence France Presse, «Irak/Syrie : la coalition reconnaît avoir tué 352 civils depuis 2014», Le Point, 1er mai 2017; Agence France Presse, «Pour les États-Unis, le bombardement de lhôpital de MSF en Afghanistan nest pas un crime de guerre»,Le Monde, 30 avril 2016. 5 «“Lawfare” is the use of law as a weapon of war against a military adversary»,David Luban, « Carl Schmitt and the Critique of Lawfare »,Case Western Reserve Journal of International Law, vol 43, issue 1, 2010, p. 457. 6 «the lawfare accusation implicitly assumes thatlawriorsas I shall call those who engage in lawfareare abusing the law by making unfounded accusations of illegality against their enemies » , Ibid., p. 458.
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27 Ainsi, les critiques envers le concept delawfarevirulentes sont .Schmitt, instigateur de la pensée critique de ce concept, estime que«même le mot 8 politique est politique», renforçantde factole fait que le droit est aussi affaire 9 du politique. Clausewitz souligne que la guerre est le continuum de la politique . La guerre est par conséquent un savant mélange de politique et de droit, où le 10 droit sert les intérêts du politique en vue de légitimer l’usage de la force. Il est dès lors devenu un marqueur de légitimité, puisquil est une arme à part en 11 tiers .
Ce désir de contrôler le droit au profit de la guerre et doncdu politique n’est pas un phénomène nouveau; l’ambition des militaires et des politiciens de définir 1213 l’acte de guerroyer datant de la fin du Moyen-âge . LeCode de Lieber(1863) est le premier outil qui a permis au droit international humanitaire de s’immiscer dans la conduite des hostilités. Prenant racine dans l’armée américaine, la création de ce code a suivi de peu la naissance desJudge Advocate 14 Generalen 1862 . Ces derniers sont, pour les institutions militaires, les experts qui permettent de justifier la guerre par le droit. Être expert suppose en principe d’être capable de faire des choix éclairés grâce à des connaissances précises sur un sujet. Il est donc intéressant de questionner cette vision claire et rationnelle qu’auraient les experts du DIH.
Pierre Bourdieu sinterroge sur la rationalité du droit dans la mesure où il considère quil existe une concurrence pour «le monopole de dire le droit». 15 Selon lui, différents «agents investis dune compétence inséparablement 16 sociale et technique» saffrontent en vue dinterpréter un«corpus de textes 17 consacrant la vision légitime, droite, du monde social». Il apparaît donc possible de mettre en doute lautonomie absolue du droit face aux influences
7 « the lawfare critic accuses the enemy lawrior of politicizing law», Ibid., p. 459. 8 Ibid., p.466. 9 David Kennedy,Of War and Law,Princeton University Press, Oxford, 2006, p. 13. 10 Ibid., p.45. 11 Ibid. 12 Christophe Wasinsky, «Valider la guerre: la construction du régime d’expertise stratégique»,Cultures et Conflits, n˚77, printemps 2010, CAIRN, p.43. 13 Instructions de 1863 pour les armées en campagne des États-Unis dAmérique (Lieber Code),Revue Internationale de la Croix-Rouge, 24 avril 1863.14 Laura A. Dickinson, «Military lawyers on the battlefield: an empirical account of international law compliance»,The American Journal of International Law, vol 104 :1, 2010, p.10. 15 Pierre Bourdieu, «La force du droit [Éléments pour une sociologie du champ juridique]», Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 64, septembre 1986.De quel droit ?, p.4 16 Ibid.17 Ibid.
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externes, tel que le politique. C’est cette réflexion critique autour du dr3oit qui 18 amène à questionner le concept de rationalité juridique des JAG.
19 Cette note d’analyse s’inspire des études de David Kennedy et de Martti 20 Koskenniemi . Comme le suggère Koskenniemi, «les juristes internationaux semblent toujours osciller entre le besoin de vérifier le contenu du droit en faisant référence à un comportement concret, à la volonté ainsi quà lintérêt des États (concret) et le besoin de vérification et dapplication impartiale du droit indépendamment du comportement, de la volonté ou de lintérêt des États 21 22 (normativité)».Le droit s’est donc immiscé dans la machine de guerreet est devenu une arme du politique. En ce sens, le concept delawfare, 23 principalement développé par David Kennedy, est fondamental. Il signifie utiliser le «droit comme une arme, un allié tactique, une assise stratégique et un 24 instrument de la guerre». Ainsi, les normes conventionnelles et coutumières du DIH sont sujettes, dans une certaine mesure, à l. Lainterprétation des JAG 25 hiérarchie dans l’armée américaine et sa structure permettent une certaine indépendance des JAG , ce qui explique que certaines préférences, intérêts ou 26 valeurs aient un impact dans le processus décisionnel de ces derniers. En effet, lorsque l’on pense le droit de manière managériale on peut l’envisager «par delà l’État comme un instrument au service de préférences, d’intérêts et de valeurs 27 particuliers».
Dune manière plus générale, il importe de souligner que le «droit est un acte denarration». Autrement dit, cest moyen de justifier le monde que nous 28
18 Ibid.19 David Kennedy, « Lawfare and Warfare »,The Cambridge Companion toInternational LawCrawford & Martti Koskenniemi eds., Cambridge University Press, 2012, pp.158-, James 183 ; David Kennedy,Of War and Law, Princeton University Press, Oxford, 2006, 206 p. 20 Martti Koskenniemi, « Le droit international et la voie de l’éducation juridique: entre “constitutionnalsimeet“gestionariat” »,European Journal of Legal Studies, 2007, issue 1, 21 p. 21 «international lawyers always seem to oscillate between the need to verify law’s content by reference to the concrete behavior, will and interest of States (concreteness) and the need of impartial ascertainment and application of law regardless of the behavior, will or interest of States (normativity) »,Jean d’Aspremont,« International Law as a grammar : Koskenniemi’s from apology to utopia revisited», The Structure of International Legal Argument (Reissue with new Epilogue), Cambridge University Press, 2005, p.1. Voir aussi John Yoo,War by other Meansan insider’s account of the war on terror, Atlantic Monthly Press, New York, 2006, p. 35. 22 Ibid.23 Ibid.,p. 160. 24 Ibid.25 David Kennedy,Of War and Law,op. cit.,p. 39. 26 Ibid.,p. 24. 27 Martti Koskenniemi,op. cit., p. 2. 28 Ibid.,p. 19.
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