Le bazar de la rationalité. Vers une sociologie des formes concrètes de raisonnement - article ; n°52 ; vol.13, pg 17-56
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Description

Politix - Année 2000 - Volume 13 - Numéro 52 - Pages 17-56
The Bazaar of Rationality. Towards a Sociology of Concrete Forms of Reasoning Olivier Godechot Contrary to the majority of economic theories which give ex ante a defined rationality to the actors, this text seeks to account in an inductive way for ordinary reasoning, with its sequences, its computations, its associations and its imperfections. It is all the more interesting to study with such a research program the financial markets that they do not only consist in a high level of calculation, but also in a plurality of winning strategies used by the actors. Encouraged to maximise the profit of the bank, people of the dealing room here studied do not find a « one best way ». They can choose among several winning strategies possible: mathematical arbitrage, economic analysis, chartist analysis, or «feeling ». Those strategies differ from one another so much by the degree of clarification and of constitution in the universe of the dealing room and of the market, than by the type of knowing, more or less academic, which each one mobilise, than by the forms of conjectures, calculations and associations which those strategies imply. This choice - which may be an addition - is partly imposed by the dealing room, by its history, by the function, by the economic situation, or by the product. But as people are here relatively autonomous at work, they can partly avoid those constraints or seek to occupy the positions where they will be able to use the strategy of their heart. One can thus regard the set of winning strategies as a real bazaar of rationality, within which people find their way not only according to their position and to the associated constraints, but also according to their dispositions acquired during their primary socialisation in the family or during secondary socialisation at school or at work.
Le bazar de la rationalité. Vers une sociologie des formes concrètes de raisonnement Olivier Godechot Contrairement à la plupart des théories économiques qui attribuent a priori aux acteurs une rationalité définie, le présent texte cherche à rendre compte de manière inductive des raisonnements ordinaires, avec leurs séquences, leurs computations, leurs associations et leurs imperfections. Les marchés financiers, ont, pour un tel programme de recherche, l'intérêt de présenter non seulement un niveau élevé de calcul, mais aussi une pluralité des stratégies gagnantes déployées par les acteurs. Incités à maximiser le profit de la banque, les opérateurs de la salle de marché étudiée ne trouvent pas de « one best way », et peuvent choisir parmi plusieurs stratégies gagnantes possibles : l'arbitrage mathématisé, l'analyse économique, le chartisme, ou le feeling, lesquelles diffèrent tant par le degré d'explicitation et de constitution dans l'univers de la salle de marché, par le type de savoir, plus ou moins scolaire, que chacune mobilise, par les formes de conjectures, de calculs et d'associations qu'elles suscitent. Ce choix - qui bien souvent peut être un cumul - est en partie imposé par la salle de marché, son histoire, la fonction, la conjoncture, le produit. Mais sachant que les opérateurs sont relativement autonomes au travail, ils peuvent d'une part se soustraire plus ou moins à la contrainte ou bien chercher à occuper les postes où ils pourront utiliser la stratégie de leur cœur. On peut donc considérer l'ensemble des stratégies gagnantes comme un véritable bazar de la rationalité, et les opérateurs s'y orientent non seulement en fonction de leur position et des contraintes associées mais aussi en fonction de leurs dispositions acquises au cours de leur socialisation primaire dans la famille, secondaire au sein de l'institution scolaire, ou encore professionnelle.
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Olivier Godechot
Le bazar de la rationalité. Vers une sociologie des formes
concrètes de raisonnement
In: Politix. Vol. 13, N°52. Quatrième trimestre 2000. pp. 17-56.
Citer ce document / Cite this document :
Godechot Olivier. Le bazar de la rationalité. Vers une sociologie des formes concrètes de raisonnement. In: Politix. Vol. 13,
N°52. Quatrième trimestre 2000. pp. 17-56.
doi : 10.3406/polix.2000.1118
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2000_num_13_52_1118Abstract
The Bazaar of Rationality. Towards a Sociology of Concrete Forms of Reasoning
Olivier Godechot
Contrary to the majority of economic theories which give ex ante a defined rationality to the actors, this
text seeks to account in an inductive way for ordinary reasoning, with its sequences, its computations,
its associations and its imperfections. It is all the more interesting to study with such a research program
the financial markets that they do not only consist in a high level of calculation, but also in a plurality of
winning strategies used by the actors. Encouraged to maximise the profit of the bank, people of the
dealing room here studied do not find a « one best way ». They can choose among several winning
strategies possible: mathematical arbitrage, economic analysis, chartist analysis, or «feeling ». Those differ from one another so much by the degree of clarification and of constitution in the
universe of the dealing room and of the market, than by the type of knowing, more or less academic,
which each one mobilise, than by the forms of conjectures, calculations and associations which those
strategies imply. This choice - which may be an addition - is partly imposed by the dealing room, by its
history, by the function, by the economic situation, or by the product. But as people are here relatively
autonomous at work, they can partly avoid those constraints or seek to occupy the positions where they
will be able to use the strategy of their heart. One can thus regard the set of winning strategies as a real
bazaar of rationality, within which people find their way not only according to their position and to the
associated constraints, but also according to their dispositions acquired during their primary
socialisation in the family or during secondary socialisation at school or at work.
Résumé
Le bazar de la rationalité. Vers une sociologie des formes concrètes de raisonnement
Olivier Godechot
Contrairement à la plupart des théories économiques qui attribuent a priori aux acteurs une rationalité
définie, le présent texte cherche à rendre compte de manière inductive des raisonnements ordinaires,
avec leurs séquences, leurs computations, leurs associations et leurs imperfections. Les marchés
financiers, ont, pour un tel programme de recherche, l'intérêt de présenter non seulement un niveau
élevé de calcul, mais aussi une pluralité des stratégies gagnantes déployées par les acteurs. Incités à
maximiser le profit de la banque, les opérateurs de la salle de marché étudiée ne trouvent pas de « one
best way », et peuvent choisir parmi plusieurs stratégies gagnantes possibles : l'arbitrage mathématisé,
l'analyse économique, le chartisme, ou le feeling, lesquelles diffèrent tant par le degré d'explicitation et
de constitution dans l'univers de la salle de marché, par le type de savoir, plus ou moins scolaire, que
chacune mobilise, par les formes de conjectures, de calculs et d'associations qu'elles suscitent. Ce
choix - qui bien souvent peut être un cumul - est en partie imposé par la salle de marché, son histoire,
la fonction, la conjoncture, le produit. Mais sachant que les opérateurs sont relativement autonomes au
travail, ils peuvent d'une part se soustraire plus ou moins à la contrainte ou bien chercher à occuper les
postes où ils pourront utiliser la stratégie de leur cœur. On peut donc considérer l'ensemble des
stratégies gagnantes comme un véritable bazar de la rationalité, et les opérateurs s'y orientent non
seulement en fonction de leur position et des contraintes associées mais aussi en fonction de leurs
dispositions acquises au cours de leur socialisation primaire dans la famille, secondaire au sein de
l'institution scolaire, ou encore professionnelle.Le bazar de la rationalité
Vers une sociologie des formes concrètes
de raisonnement
Olivier GODECHOT
Tant au sein des disciplines philosophique, sociologique
qu'économique, la rationalité est un concept qui est enjeu de débats
et qui fait l'objet de définitions plurielles. Trait commun des
différents usages en économie, la rationalité, qu'elle soit paramétrique ou
stratégique, parfaite ou limitée, est un comportement attribué à l'homme
a priori^. La rationalité devient alors une catégorie causale (en tant qu'elle
permet notamment l'écriture de modèles économiques « micro-
économiquement "fondés" ») mais qui est elle-même sans cause. Cette
attribution unilatérale, uniforme et univoque de rationalité est justifiée par
un « comme si » instrumentante qui ne prend généralement pas la mesure
de l'écart introduit avec les comportements concrets des acteurs. Etudier
sociologiquement la rationalité revient au contraire, non pas à affirmer
dogmatiquement « tout est calcul » ou « rien n'est calcul » mais à essayer de
rendre compte de manière inductive des raisonnements ordinaires des
1. Cette posture théorique participe d'une démarche courante et plus générale en sciences
sociales qui consiste à équiper les acteurs de compétences pour faire émerger des équilibres, des
accords ou des disputes voire des mondes aux propriétés particulières (cf. Boltanski (L.), Thévenot
(L.), De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991). Une telle démarche
qui a le mérite de faire voir des configurations nouvelles ne doit pas pour autant faire oublier
qu'à un autre niveau d'analyse, ce n'est plus au chercheur d'attribuer des compétences mais qu'il
doit s'efforcer de montrer comment les acteurs « s'auto-équipent » et analyser l'inégalité et la
diversité des formes d'équipement.
Politix. Volume 13 - n° 52/2000, pages 17 à 56 Politix n° 52 18
personnes ordinaires. Pour cela, il faut s'efforcer, dans la mesure où cela est
possible2, de décrire la diversité des formes de raisonnement et d'essayer de
trouver ce qui les détermine socialement - ou ne les détermine pas (la
question étant ouverte3).
Il est peu de milieux de travail où le calcul soit aussi affiché et généralisé que
dans les salles de marché : calcul des équivalences, des arbitrages, des taux
de change, des actualisations, des profits instantanés, mais aussi des efforts,
des investissements, des coups et des opportunités de carrière au sein de la
salle. Les salles de marché sont donc ce lieu privilégié pour étudier
sociologiquement (et non plus simplement logiquement) la rationalité ou,
plus exactement - puisque le terme de rationalité, attribut essentiel donné à
l'homme par de nombreuses disciplines, comprend sa propre perfection -, le
raisonnement avec ses trouvailles et ses imperfections, ses raccourcis, ses
associations et ses computations. En outre, les marchés financiers se
caractérisent non seulement par un niveau élevé de calcul économique et
mathématique, mais aussi par une pluralité des stratégies gagnantes. Incités
à maximiser le profit de la banque, les opérateurs financiers (traders et
commerciaux) ne disposent pas de « one best way » et sont obligés de choisir
une des stratégies gagnantes (ou de les cumuler, ce qui est une forme de
choix). Ce choix est en partie imposé par la salle de marché, son histoire, la
fonction, la conjoncture, le produit, etc. Mais sachant que les opérateurs sont
relativement autonomes au travail, ils peuvent se soustraire plus ou moins à
la contrainte ou bien chercher à occuper les postes où ils pourront utiliser la
stratégie de leur cœur. On peut donc considérer l'ensemble des stratégies
gagnantes comme un véritable bazar de la rationalité. Les opérateurs s'y
orientent non seulement en fonction de leur position et des contraintes
associées mais aussi en fonction de leurs dispositions acquises au cours de
leur socialisation primaire dans la famille, secondaire au sein de l'institution
scolaire ou encore professionnelle. La valorisation de leur stratégie gagnante
n'est d'ailleurs pas seulement une financière par accumulation
de p

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