Le boss, la machine et le scandale. La chute de la maison Médecin - article ; n°17 ; vol.5, pg 7-35
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Description

Politix - Année 1992 - Volume 5 - Numéro 17 - Pages 7-35
When tbe political machine leads a boss to scandal. The fall of the House of Médecin.
Alain Garrigou. [7-35].
The Médecin affair cannot be explained by its sole peculiarity. On the contrary, it enables an analysis of the links between corruption and political scandal. Based on the conflictual definitions of the reality of infringements, this investigation draws a line from the actual scandal to the mechanism disclosing the infringements ; and from then to the functioning of the local political machine. This machine has been built on the ancient system of clients, system which has been later on expanded, rationalized and strenghthened by the new ressources of decentralization. It then became the scene of a great competition for the appropriation of profit and generated frustrations and visibility. The first one to benefit by the machine, ils apparently almighty boss, was loosing control.
Le boss, la machine et le scandale. La chute de la maison Médecin.
Alain Garrigou. [7-35].
Loin de conduire à des explications par la singularité, l'affaire Médecin permet d'esquisser une analyse du lien entre corruption et scandale politiques. A partir des luttes sur la définition de la réalité des transgressions, cette enquête entreprend de «remonter» du scandale vécu aux mécanismes du dévoilement des transgressions, de ces dévoilements au fonctionnement de la machine politique locale. Edifiée sur un ancien système clientélaire qu'elle a étendu et rationalisé, renforcée par les nouvelles ressources de la décentralisation, cette machine fut le théâtre d'une concurrence pour l'appropriation des bénéfices, engendrant frustrations et visibilité. Le premier bénéficiaire, son boss apparemment tout-puissant, en perdait le contrôle.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 197
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alain Garrigou
Le boss, la machine et le scandale. La chute de la maison
Médecin
In: Politix. Vol. 5, N°17. Premier trimestre 1992. pp. 7-35.
Abstract
When tbe political machine leads a boss to scandal. The fall of the House of Médecin.
Alain Garrigou. [7-35].
The Médecin affair cannot be explained by its sole peculiarity. On the contrary, it enables an analysis of the links between
corruption and political scandal. Based on the conflictual definitions of the reality of infringements, this investigation draws a line
from the actual scandal to the mechanism disclosing the infringements ; and from then to the functioning of the local political
machine. This machine has been built on the ancient system of clients, system which has been later on expanded, rationalized
and strenghthened by the new ressources of decentralization. It then became the scene of a great competition for the
appropriation of profit and generated frustrations and visibility. The first one to benefit by the machine, ils apparently almighty
boss, was loosing control.
Résumé
Le boss, la machine et le scandale. La chute de la maison Médecin.
Alain Garrigou. [7-35].
Loin de conduire à des explications par la singularité, l'affaire Médecin permet d'esquisser une analyse du lien entre corruption et
scandale politiques. A partir des luttes sur la définition de la réalité des transgressions, cette enquête entreprend de «remonter»
du scandale vécu aux mécanismes du dévoilement des transgressions, de ces dévoilements au fonctionnement de la machine
politique locale. Edifiée sur un ancien système clientélaire qu'elle a étendu et rationalisé, renforcée par les nouvelles ressources
de la décentralisation, cette machine fut le théâtre d'une concurrence pour l'appropriation des bénéfices, engendrant frustrations
et visibilité. Le premier bénéficiaire, son boss apparemment tout-puissant, en perdait le contrôle.
Citer ce document / Cite this document :
Garrigou Alain. Le boss, la machine et le scandale. La chute de la maison Médecin. In: Politix. Vol. 5, N°17. Premier trimestre
1992. pp. 7-35.
doi : 10.3406/polix.1992.1487
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1992_num_5_17_1487Le boss , la machine et le scandale
La chute de la maison Médecin*
Alain Garrigou
Université de Nice
ÉVÉNEMENT RARE dans la vie politique française : le maire d'une grande
ville s'exilait dans une terre d'asile latino-américaine. Le 16 septembre
1990, la démission de Jacques Médecin était publique. Le maire de Nice,
président du Conseil général des Alpes-Maritimes, renonçait. La démission et
l'exil n'étaient une surprise, comme le déclaraient plusieurs commentateurs
avec plus ou moins de conviction, qu'au regard du caractère exceptionnel et
incongru de l'événement. Et peut-être aussi du dénouement soudain d'une
longue histoire à laquelle beaucoup avaient fini par s'habituer. Le fugitif
adressait une lettre aux Niçois depuis sa retraite de Punta del Este en Uruguay :
«L'endurance a ses limites et la mienne vient de les atteindre»1. De
l'endurance, il en avait fallu pour «tenir» aussi longtemps. Au regard de
plusieurs années de dénonciations du maire de Nice, la séquence finale ne
prenait que quelques mois. Après tout, Jacques Médecin avait été une des
cibles favorites du Canard Enchaîné depuis les années soixante-dix. Dès 1979,
des vérifications fiscales successives s'étaient soldées par d'importants
redressements. En janvier 1984, la gestion des associations paramunicipales
faisait l'objet d'un rapport alarmant et accusateur du préfet de police de Nice.
Le 5 octobre 1985, TF1 diffusait sur «Droit de réponse» une accablante
interview d'une ancienne amie et associée du maire de Nice et d'autres
révélations compromettantes. Il est impossible de rendre compte rapidement
de toutes les péripéties, contrôles fiscaux et perquisitions concernant la
situation financière du maire, des associations paramunicipales ou de sociétés
diverses. Peu d'élus ont eu à affronter aussi constamment et longuement
d'aussi nombreuses mises en cause, tout en étant sans cesse réélu.
Aux élections municipales de mars 1989, Jacques Médecin, héritier de son père
Jean Médecin, maire de 1928 à sa mort en 1966, était réélu maire pour la
cinquième fois consécutive. Elu au premier tour des élections municipales
précédentes avec 66% des suffrages, le maire sortant n'en obtenait que 48% au
* Ce travail aurait été impossible sans l'aide d'initiateurs à la politique niçoise. Je tiens à les
remercier et à souligner l'indispensable contribution de leur connaissance indigène. Je revendique
bien entendu la responsabilité d'éventuelles faiblesses.
1. Nice-Matin, 16 septembre 1990.
PoHtix, n°17, 1992, pages 7 à 35 Alain Garrigou
deuxième tour. Presqu'un revers. Obligé de choisir entre ses mandats du fait
de la limitation du cumul, Jacques Médecin avait offert sa succession de député
à son attachée parlementaire Martine Daugreilh et avait parrainé les deux
autres députés niçois, Christian Estrosi et Rudy Salles, significativement
surnommés les «bébés Médecin». Elément nouveau des élections municipales
de 1989, le score de près de 20% du Front national traduisait la concurrence
s'exerçant auprès de l'électorat du maire de Nice. Le fief électoral paraissait
vulnérable. Jacques Médecin n'avait-il pas largement jusqu'alors dicté sa loi
aux états-majors des partis de droite qui n'avaient osé lui opposer une liste ?
Ni l'UDF, ni le RPR ne pouvaient gagner à compter leurs électeurs dans ce fief
médeciniste. La nouvelle donne politique niçoise affectait aussi les
anticipations sur un éventuel après-Médecin. Les soutiens devenaient moins
sûrs. N'était-il pas temps pour certains de songer à d'éventuels reclassements ?
La question intervint très directement dans le scandale. Deux séries
partiellement indépendantes se recoupèrent rapidement.
La question du Front national préoccupait suffisamment Jacques Médecin pour
qu'après la rencontre secrète Pasqua-Le Pen, tenue à Nice et divulguée, il
cherche personnellement à en savoir plus. En se déclarant à 99,9% d'accord
avec les thèses du Front national dans National-Hebdo, organe de ce parti, le
maire de Nice contre-attaquait. Le 22 mars, les conseillers municipaux du Front
national votaient le budget municipal. Le maire se mettait et était mis en
porte-à-faux avec la communauté juive. Prenant prétexte de la venue du leader
du Parti républicain allemand, Franz Schœnhuber, ancien Waffen SS, lors du
congrès du Front national tenu à Nice, les trois conseillers municipaux juifs de
la majorité démissionnaient. Non sans réticence et sans que les fidèles du
maire le restent. Un acte symbolique contraint en quelque sorte. Fort d'une
grande familiarité avec cette communauté, Jacques Médecin croyait pouvoir
rappeler une vieille complicité par une plaisanterie comme on en fait entre
intimes dans les relations inter-ethniques : «Je ne connais pas un israélite qui
refuse un cadeau qu'on lui offre même s'il ne lui plaît pas», déclarait-il le 3
avril. De l'humour juif ? Plus tard, Jacques Médecin soutenait amèrement :
«Dans l'affaire des prétendus propos antisémites que j'aurais tenus, alors qu'il
s'agissait d'une phrase de sympathie à l'égard de la communauté juive, la
presse mondiale a déversé un torrent d'anti-médecinisme»1. Dans le contexte
national, le propos fut jugé antisémite. La phrase suivante en était oubliée : «Je
ne connais pas pour ma part un maire qui puisse dire : "Je refuse les voix qui
me sont apportées"»2. La plaisanterie fut exactement l'inverse du rappel des
relations de connivence et de sympathie qu'il était de fait, et qu'il aurait pu
rester s'il avait été prononcé en petit comité ; dit publiquement face à un
1. Le Figaro Magazine, 21 septembre 1990.
2. J. Médecin insistait pour s'excuser : «En tant qu'homme politique, je suis obligé de choisir entre
les 20% du Front national et les 4% que représente le vote juif».
8 Le boss, la machine et le scandale
micro, donc dans un contexte inapproprié, il était

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