Le projet d établissement en France : mythe et réalité
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le projet d'établissement en France : mythe et réalité

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Le projet d'établissement en France : mythe et réalité

Informations

Publié par
Nombre de lectures 151
Langue Français

Extrait

 
1
Jean-Pierre Obin   Le projet détablissement en France : mythe et réalité (Article pour Politiques déducation et de formation n°1, 2001)   « Envisager » lavenir Il ne fait aucun doute que le projet est une des grandes figures de la modernité : il lui est consubstantiel. Lhistoire, qui situe en effet sa genèse à laube des Temps modernes, en apporte la preuve. Tout sest joué dans une étonnante unité despace et de temps, à Florence au 15 ème siècle, comme dans une pièce en trois actes relatant chacun une évolution essentielle du rapport de lhomme au monde, cest-à-dire de la culture. Au premier acte se place lémergence de lindividu. Le temps des cathédrales , luvre maîtresse de Georges Duby sur le Moyen Age 1  sachève par une phrase qui marque pour lhistorien la rupture culturelle que constitue la Renaissance et lavènement des Temps Modernes : « Van Eyck,  écrit-il,  lorsquil décida un jour de peindre le visage de sa femme, Masaccio lorsquil plaça son propre visage parmi ceux des apôtres du Tribut , affirmaient lun et lautre, superbement, pour la première fois, que le grand artiste lui-même est un prince, et quil a le droit, comme Dieu, de créer librement ce quil veut » . Remplaçant les figures hiératiques, anonymes et stéréotypées des saints de pierre des cathédrales, la représentation de visages dhommes, tous différents, signe en effet léclosion dune civilisation nouvelle, celle où lartiste dabord, lindividu ensuite , vont conquérir  contre ce que Hannah Arendt appellera au 20 ème  siècle « la Sainte Trinité romaine de lautorité, de la tradition et de la religion » 2  la liberté, laudace, la témérité de vouloir donner à lavenir un visage humain, se situant ainsi en rival de Dieu. Le deuxième acte se joue encore à Florence. Quelques années après que Masaccio a terminé son Tribut , un sculpteur devenu architecte, Brunelleschi, imagine pour lédification du Dôme  dont il est le maître duvre, le moyen technique de ce rêve dartiste. Voici la seconde révolution florentine, celle du projet architectural , qui consiste précisément à se doter de la capacité technique d envisager lavenir , de lui donner un visage. Jusque-là, comme le note Boutinet, larchitecte nétait que « le chef dun ensemble de personnes spécialisées dans les divers travaux et larbitre de conflits interminables entre corps de métiers rivaux » 3 . Avec la séparation dans lespace de latelier et du chantier, et donc dans le temps de la conception et de lexécution, il se donne les moyens de sa liberté et devient le véritable maître de sa création. Reste encore à mettre cette liberté et cette capacité de concevoir au service dune ambition encore plus grande et plus folle : celle de conduire le monde selon une volonté proprement humaine, et non plus de le subir selon les manifestations de la volonté divine. Au troisième acte de notre pièce, quelques dizaines dannées plus tard à peine, et toujours à Florence, Machiavel met en forme la doctrine politique qui va donner à cette aspiration de lindividu au pouvoir une redoutable efficacité, avec ce que nous nommons aujourdhui la pensée stratégique . Ses principes en sont universellement répandus et fondent notamment ce quil est convenu dappeler les démarches de projet . Il sagit dabord pour le noyau dirigeant de définir un but suprême, une grande priorité, de se doter dune vision de lavenir, dune fin transcendante. Pour Machiavel sadressant à son prince, Laurent de                                                           1 Georges DUBY, LEurope au Moyen Age , Paris : Flammarion, 1990, p.268 2 Hannah ARENDT, La crise de la culture , Paris : Gallimard Idées, 1972 3 Jean-Pierre BOUTINET, Anthropologie du projet , Paris : PUF, 1990, p.25
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents