Le vote secret contre la démocratie américaine (1880-1910) - article ; n°22 ; vol.6, pg 69-83
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Politix - Année 1993 - Volume 6 - Numéro 22 - Pages 69-83
The secret vote against american democracy.
John Crowley. [69-83].
The secret ballot is generally regarded as a peculiarly democratic institution, challenged only by those who reject democracy itself. In the United States, however, the introduction of the secret ballot at the end of the nineteenth century (in the form of the so-called Australian ballot) was motivated by anti-democratic aims, which it was largely successful in achieving. This paradox can be explained only by taking into account the actual metbods of voting and the political and ideological context of the debates. In the American case, the secret ballot played the same role, in practice, as the public vote in otber variants of anti-democratic thought : to exclude from the political sphere the ignorant and the incompetent. Analysis of this episode sheds light on the more generai theoretical debate about tbe relations between tbe institutions of democracy and tbe democratie ethos.
Le vote secret contre la démocratie américaine.
John Crowley. [69-83]
Le vote secret est généralement considéré comme un mécanisme éminemment démocratique auquel ne s'opposent que ceux qui rejettent la démocratie elle-même. Pourtant, l'introduction du vote secret (sous la forme du suffrage dit australien) aux Etats-Unis à la fin du XIXème siècle avait des objectifs explicitement antidémocratiques, et les réalisa très largement. Ce paradoxe ne s'explique que si l'on tient compte des formes concrètes du suffrage et du contexte politique et idéologique dans lequel les débats s'inscrivirent. Dans le cas américain, le secret du vote joua en pratique le même rôle que son caractère public dans d'autres réflexions : exclure du champ politique les ignorants et les incompétents. L'analyse de cet épisode éclaire le débat théorique plus général sur les relations entre les formes institutionnelles de la démocratie et l'esprit démocratique.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

John Crowley
Le vote secret contre la démocratie américaine (1880-1910)
In: Politix. Vol. 6, N°22. Deuxième trimestre 1993. pp. 69-83.
Abstract
The secret vote against american democracy.
John Crowley. [69-83].
The secret ballot is generally regarded as a peculiarly democratic institution, challenged only by those who reject democracy
itself. In the United States, however, the introduction of the secret ballot at the end of the nineteenth century (in the form of the
so-called "Australian" ballot) was motivated by anti-democratic aims, which it was largely successful in achieving. This paradox
can be explained only by taking into account the actual metbods of voting and the political and ideological context of the debates.
In the American case, the secret ballot played the same role, in practice, as the public vote in otber variants of anti-democratic
thought : to exclude from the political sphere the ignorant and the incompetent. Analysis of this episode sheds light on the more
generai theoretical debate about tbe relations between tbe institutions of democracy and tbe democratie ethos.
Résumé
Le vote secret contre la démocratie américaine.
John Crowley. [69-83]
Le vote secret est généralement considéré comme un mécanisme éminemment démocratique auquel ne s'opposent que ceux
qui rejettent la démocratie elle-même. Pourtant, l'introduction du vote secret (sous la forme du suffrage dit "australien") aux Etats-
Unis à la fin du XIXème siècle avait des objectifs explicitement antidémocratiques, et les réalisa très largement. Ce paradoxe ne
s'explique que si l'on tient compte des formes concrètes du suffrage et du contexte politique et idéologique dans lequel les
débats s'inscrivirent. Dans le cas américain, le secret du vote joua en pratique le même rôle que son caractère public dans
d'autres réflexions : exclure du champ politique les ignorants et les incompétents. L'analyse de cet épisode éclaire le débat
théorique plus général sur les relations entre les formes institutionnelles de la démocratie et l'esprit démocratique.
Citer ce document / Cite this document :
Crowley John. Le vote secret contre la démocratie américaine (1880-1910). In: Politix. Vol. 6, N°22. Deuxième trimestre 1993.
pp. 69-83.
doi : 10.3406/polix.1993.2044
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1993_num_6_22_2044Le vote secret
contre la démocratie américaine
(1880-1910)
Institut d'études politiques John Crowley de Paris
IDENTIFIER LA PLACE SPECIFIQUE du vote secret dans les débats
américains sur les institutions démocratiques est une entreprise difficile.
L'une des particularités du fédéralisme américain ayant été de rejeter en
principe (et très largement en pratique, au moins jusqu'aux années I960)
toute définition fédérale des règles de suffrage, une analyse exhaustive devrait
s'intéresser à une multitude de débats locaux, souvent sans rapport entre eux,
s'étalant sur plus de trois siècles depuis les premiers temps de la période
coloniale. Par ailleurs, le vote secret n'a jamais été un thème majeur de débat
autour duquel seraient venus se placer deux camps idéologiques clairement
déterminés. Il faut, pour en retrouver la trace, fouiller aux interstices de
clivages portant sur des objets fort disparates.
Cette étude n'essaie pas de présenter une archéologie complète du vote secret
aux États-Unis. Je me limiterai à une courte période, correspondant à peu près
à ce qu'il est convenu d'appeler l'«Age de la Réforme»1, marquée par un débat
national sur les caractéristiques essentielles de la démocratie américaine. Dans
ce débat, animé aussi bien par les défenseurs de principes aristocratiques
(diversement définis) que par des mouvements attachés à une démocratisation
accrue, le vote secret a joué un rôle secondaire significatif. L'analyse présente
d'ailleurs un intérêt qui n'est pas seulement historique. On pourrait être tenté
de faire du secret du vote une exigence démocratique évidente, corollaire
naturel du suffrage universel, à laquelle ne s'opposeraient que les adversaires
de la démocratie elle-même. La manière dont les anti-démocrates américains
se sont appropriés le vote secret montre que les choses sont plus complexes,
et souligne par là la pertinence de l'ambivalence de Mill (l'un des principaux
inspirateurs des réformateurs américains du suffrage) sur la compatibilité du
suffrage universel avec la démocratie au sens plein du terme2.
Les débats de la fin du XIXe siècle intègrent un héritage institutionnel et
idéologique qui s'étend des premières colonies à la fondation de la
République. La diversité institutionnelle des (les règles de suffrage
n'étant à cet égard qu'un détail3) était considérable, d'autant plus que leur
1. L'étude classique est celle de Hofstadter (R.), The age of reform, New York, Random House, 1955-
2. Mill 0- S.), Considerations on representative government, 186l, chapitre X.
3. Pour des exemples de débat portant explicitement sur le caractère secret du vote, voir par
exemple Seymour (C), Frairy (D. P.), How the world votes : the story of democratic development
in elections , Springfield, C. A. Nichols Co, 1918, t. 1, p. 218-223 ; ainsi que Chute (M.), The first
liberty. A history of the right to vote in America 1619-1850, Londres, J.-M. Dent, 1970, p. 21-23.
Politix, n°22, 1993, pages 69 à 83 69 John Crowley
organisation était généralement, à l'origine, au moins ostensiblement non-
politique : communauté religieuse1 (le Massachusetts) ou société commerciale2
(la Virginie), par exemple. L'Angleterre n'a jamais cherché à imposer une
quelconque uniformité politique. Par ailleurs, on peut percevoir dès cette
période la tension constitutive entre démocratie (au sens de Tocqueville) et
aristocratie (importée d'Angleterre, dans les colonies royales du Sud, ou
théocratique en Nouvelle-Angleterre).
Cet héritage fut cristallisé par la fondation de la République. Le Bill of Rights
de 1776, par exemple, ne mentionnait le suffrage que pour préciser que «the
right of suffrage in the election for members of both houses shall remain as
exercised at present^. En ouvrant la possibilité d'une intervention fédérale
dans ces questions4, la Constitution de 1787 peut sembler représenter une
évolution significative. Les commentaires particulièrement autorisés de
Madison, Hamilton et Jay — rédigés au cours de la campagne pour la
ratification de la Constitution dans l'Etat de New York et rassemblés sous le
titre de Federalist Papers — suggèrent un jugement nuancé à cet égard.
L'intervention du Congrès dans les règles de suffrage enfreindrait sérieusement
le principe fédéral et ne saurait être admise qu'à titre exceptionnel, et encore
pour les seuls scrutins fédéraux5. On peut noter, dans le même sens, que les
principales modifications ultérieures du suffrage (concernant l'extension des
droits et non pas ses modalités pratiques) furent le fruit d'amendements
constitutionnels plutôt que de lois fédérales. C'est le cas de l'interdiction de
restrictions du droit de vote selon la race (15e amendement, 1870) ou le sexe
(19e amendement, 1920), ainsi que de l'abaissement de l'âge du vote à dix-huit
ans (26e 1971). Aujourd'hui encore, les Etats-Unis n'ont pas à
proprement parler de code électoral national. Cela ne signifiait nullement que
le vote secret ne fût pas un enjeu politique^, mais simplement que les
conditions institutionnelles d'un débat national faisaient défaut.
La période fondatrice perpétua également l'ambivalence idéologique du
système politique américain. La Constitution avait résulté d'un compromis
entre les positions parfois très différentes de Madison, Hamilton, Adams ou
Jefferson ; sa praüque devait, à partir de la présidence de Jefferson (1801-1808),
favoriser l'ascendance de sa variante «démocratique» mais sans pour autant
supprimer la tension entre celle-ci et la tendance aristocratique. Le point
culminant symbolique de cette phase de l'histoire politique américaine fut
l'élection en 1829 du président Jackson, dont le nom a été retenu par les
historiens pour la caractériser. Cette démocratie «jac

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