Les frontières de l art à l épreuve de l expertise. Politique de la décision dans une commission municipale - article ; n°38 ; vol.10, pg 111-135
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Les frontières de l'art à l'épreuve de l'expertise. Politique de la décision dans une commission municipale - article ; n°38 ; vol.10, pg 111-135

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Description

Politix - Année 1997 - Volume 10 - Numéro 38 - Pages 111-135
Les frontières de l'art à l'épreuve de l'expertise. Politique de la décision dans une commission municipale.
Nathalie Heinich [111-135].
Le suivi des délibérations d'une commission municipale d'achat d'art contemporain, permet d'analyser la pluralité des logiques à l'œuvre dans l'intervention des pouvoirs publics en ce domaine. L'article éclaire la manière dont se construit, dans l'interaction entre experts et acteurs politiques, une cohérence entre différents critères de jugement des artistes et des œuvres.
The Frontiers of Art Confronted to Expertise. The Politics of Decision in a Local Council.
Nathalie Heinich [111-135].
The observation of the deliberations of a local purchasing commission of contemporary art allows to analyse the plurality of logics which make up the public policy in this matter. The article sheds light on the contraction of a consistency of such decisions despite the heterogeneity of actors (experts and politicians) and criteria of judgment.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Nathalie Heinich
Les frontières de l'art à l'épreuve de l'expertise. Politique de la
décision dans une commission municipale
In: Politix. Vol. 10, N°38. Deuxième trimestre 1997. pp. 111-135.
Résumé
Les frontières de l'art à l'épreuve de l'expertise. Politique de la décision dans une commission municipale.
Nathalie Heinich [111-135].
Le suivi des délibérations d'une commission municipale d'achat d'art contemporain, permet d'analyser la pluralité des logiques à
l'œuvre dans l'intervention des pouvoirs publics en ce domaine. L'article éclaire la manière dont se construit, dans l'interaction
entre experts et acteurs politiques, une cohérence entre différents critères de jugement des artistes et des œuvres.
Abstract
The Frontiers of Art Confronted to Expertise. The Politics of Decision in a Local Council.
Nathalie Heinich [111-135].
The observation of the deliberations of a local purchasing commission of contemporary art allows to analyse the plurality of logics
which make up the public policy in this matter. The article sheds light on the contraction of a consistency of such decisions
despite the heterogeneity of actors (experts and politicians) and criteria of judgment.
Citer ce document / Cite this document :
Heinich Nathalie. Les frontières de l'art à l'épreuve de l'expertise. Politique de la décision dans une commission municipale. In:
Politix. Vol. 10, N°38. Deuxième trimestre 1997. pp. 111-135.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1997_num_10_38_1671Les frontières de Fart
à Fépreuve de l'expertise
Politique de la décision
dans une commission municipale
Nathalie Heinich
Groupe de sociologie politique et morale
Ecole des hautes études en sciences sociales
INSCRITE dans une longue tradition, l'intervention des pouvoirs
publics la vie culturelle a subi de considérables
transformations, génératrices de contraintes accrues. Pour s'en
tenir aux arts de l'image, le mécénat d'État est passé d'une logique de
gratifications aux personnes et de commandes d'œuvres, au service de
la gloire du roi ou du prestige de la nation, à une logique de subventions
et d'acquisitions, dans un double objectif d'enrichissement du
patrimoine et de soutien à la création, notamment lorsque le régime
«néo- académique» prévalant au XIXe siècle a cédé la place aux institu
tions modernes1. Contribution des créateurs au patrimoine national,
contribution de la Nation aux intérêts de la création : le cumul de ces
deux impératifs symétriques s'est imposé avec l'entrée dans un «régime
de singularité», privilégiant l'avant-garde ; alors la sanction du mérite
artistique s'est trouvée clivée entre une réussite à court terme sur le
marché de l'art (modèle propre au régime artisanal dominant jusqu'à la
Renaissance, puis au régime professionnel de l'âge classique), et une
excellence définie par la reconnaissance de l'élite des pairs et des
spécialistes (modèle propre au régime «vocationnel» de l'époque
romantique) - reconnaissance elle-même transmuable, sur le long
terme, en succès marchand et en renom auprès du grand public.
Cette duplication entre notoriété étendue dans l'espace d'un marché
«hétéronome», extérieur aux considérations proprement artistiques, et
postérité étendue dans le temps d'une consécration «autonome»,
privilégiant les déterminations internes à la création, est devenue un
paradigme de la vie culturelle à partir du moment où s'est popularisée
son incarnation dans les vies exemplaires des grands artistes
1. Cf. Heinich (N.), «Publier, consacrer, subventionner : les fragilités des pouvoirs
littéraires», Terrain, 21, 1993, et Être artiste. Les transformations du statut des peintres
et des sculpteurs, Paris, Klincksieck, 1996 ; Laurent (J.), Arts et pouvoirs en France de
1793 à 1981. Histoire d'une démission artistique, Saint-Etienne, CIEREC, 1983 ; Monnier
(G.), L'Art et ses institutions en France. De la Révolution à nos jours, Paris, Gallimard,
1995 ; Moulin (R.), L'artiste, l'institution et le marché, Paris, Flammarion, 1992.
Politix, n°38, 1997, pages 111 à 135 111 Varia
modernes1. Et c'est cette duplication qui a rendu nécessaire la
compensation par les pouvoirs publics de ce que le marché à court terme
ne peut octroyer aux créateurs les plus innovants : d'où les mécanismes
de soutien à la création, qui alimentent largement cette «économie de la
qualité»2 propre non seulement aux arts plastiques3, mais aussi à la
littérature et au théâtre4, à la musique5, au cinéma6.
Les conditions de l'expertise
Dans toutes ces disciplines existent aujourd'hui des commissions
chargées de distribuer des financements, soit par l'achat ou la
commande d'œuvres, soit par des subventions directes aux personnes :
ce sont ces «académies invisibles», qui définissent l'excellence tout en
l'encourageant7. Car une telle logique de soutien à la création entraîne
des contraintes accrues par rapport à l'objectif classique de contribution
au prestige de l'État et d'enrichissement du patrimoine national, qui
n'exigeait guère que la mise en œuvre d'un goût moyen, défini dans le
court terme des œuvres disponibles et dans le cercle étroit des réseaux
de proximité au pouvoir. Dès lors que l'intervention d'État inscrit sa
responsabilité dans un horizon créatif largement déterminé par le futur,
et dans la personnalisation d'un soutien à apporter à des créateurs,
alors le pouvoir de commander, d'acheter, de subventionner, ne peut
plus se contenter d'obéir à l'arbitraire d'une décision individuelle : il doit
s'appuyer sur une expertise spécifique, capable d'évaluer la création en
anticipant l'avenir, et de garantir une juste distribution des ressources
publiques, conforme aux mérites artistiques des postulants et aux
procédures démocratiques. La décision doit se déléguer du politique au
professionnel, ou plutôt aux professionnels, puisque la collégialité est,
avec la spécialisation des compétences, une exigence incontournable
pour éviter l'arbitraire des goûts et garantir le maximum de capacités.
L'expertise ici ne consiste pas à reconstituer l'origine de l'œuvre en
l'attribuant à un artiste, une école, une région, une époque8, mais à
déterminer la position d'un artiste dans l'espace des créateurs, à
1. Heinich (N.), La gloire de Van Gogh. Essai d'anthropologie de l'admiration, Paris,
Minuit, 1991.
2. Karpik (L.), «L'économie de la qualité», Revue française de sociologie, 30 (1), 1989.
3. Moulin (R.), L'artiste, l'institution et le marché, op. cit. et Urfalino (Ph.), Viklas (C),
Les Fonds régionaux d'art contemporain. La délégation du jugement esthétique, Paris,
L'Harmattan, 1996.
4. Bourdieu (P.), Les règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris,
Seuil, 1992.
5. Menger (P. -M.), Le paradoxe du musicien. Le compositeur, le mélomane et l'État dans
la société contemporaine, Paris, Flammarion, 1983, et «Rationalité et incertitude de la vie
d'artiste», L'Année sociologique, 39, 1989.
6. Bonneil (R.), Le cinéma exploité, Paris, Seuil, 1978, et Becker (H.), Les mondes de l'art,
Paris, Flammarion, 1988.
7. Urfalino (Ph.), «Les politiques culturelles : mécénat caché et académies invisibles»,
L'Année sociologique, 39, 1989.
8. Moulin (R.), Quemin (A.), «La certification de la valeur de l'art. Experts et expertises»,
Annales ESC, 48 (6), 1993.
112 Nathalie Heinich
évaluer ses chances de succès dans la postérité et, corrélativement, son
droit à bénéficier d'une aide de l'Etat. Elle est donc complémentaire du
travail des critiques d'art, des conservateurs, des marchands, qui
fournissent d'ailleurs l'essentiel des membres siégeant dans ces
commissions1. Or il ne peut exister en la matière de critériologie définie
une fois pour toutes, stabilisée et universalisable : c'est plutôt la
conjonction des critères mis en œuvre par les diff&#

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