Les incertitudes des origines. Mai 58 et la Ve République - article ; n°47 ; vol.12, pg 27-62
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Les incertitudes des origines. Mai 58 et la Ve République - article ; n°47 ; vol.12, pg 27-62

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Description

Politix - Année 1999 - Volume 12 - Numéro 47 - Pages 27-62
Uncertainty About Origins. May 1958 and the Fifth Republic.
Brigitte Gaïti [ 27-62].
This article examines the political and scientific debates about the origins of the Fifth Republic, challenging the focus on the opposition between legalist and illegalist factions and between coup and change of political regime respectful to the constitutional forms. These debates are often settled thanks to the end of the story : the independence as conclusion of the Algerian war and the democratie evolution of the Fifth Republic would make unnecessary any questioning on the events of May 1958 and the political identity of Charles de Gaulle. The article shows how this boundary between legal and illegal has been drawned and naturalized.
Les incertitudes des origines. Mai 1958 et la Cinquième République.
Brigitte Gaïti [ 27-62].
L'article se propose d'étudier les controverses politiques et scientifiques qui entourent les origines de la Ve République et notamment la focalisation des questions sur le partage qui s'opère entre factieux et légalistes, entre coup d'État et changement de régime dans les formes constitutionnelles. Cette controverse est souvent réglée dans l'issue : la fin du conflit algérien dans l'indépendance et l'avenir démocratique de la Ve République rendraient inutiles tout questionnement sur les événements de mai et l'identité politique de Charles de Gaulle. L'article veut montrer comment a été produite et naturalisée cette frontière entre le légal et l'illégal.
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 322
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Brigitte Gaïti
Les incertitudes des origines. Mai 58 et la Ve République
In: Politix. Vol. 12, N°47. Troisième trimestre 1999. pp. 27-62.
Abstract
Uncertainty About Origins. May 1958 and the Fifth Republic.
Brigitte Gaïti [ 27-62].
This article examines the political and scientific debates about the origins of the Fifth Republic, challenging the focus on the
opposition between legalist and illegalist factions and between coup and change of political regime respectful to the constitutional
forms. These debates are often settled thanks to the end of the story : the independence as conclusion of the Algerian war and
the democratie evolution of the Fifth Republic would make unnecessary any questioning on the events of May 1958 and the
political identity of Charles de Gaulle. The article shows how this boundary between legal and illegal has been drawned and
naturalized.
Résumé
Les incertitudes des origines. Mai 1958 et la Cinquième République.
Brigitte Gaïti [ 27-62].
L'article se propose d'étudier les controverses politiques et scientifiques qui entourent les origines de la Ve République et
notamment la focalisation des questions sur le partage qui s'opère entre factieux et légalistes, entre coup d'État et changement
de régime dans les formes constitutionnelles. Cette controverse est souvent réglée dans l'issue : la fin du conflit algérien dans
l'indépendance et l'avenir démocratique de la Ve République rendraient inutiles tout questionnement sur les événements de mai
et l'identité politique de Charles de Gaulle. L'article veut montrer comment a été produite et naturalisée cette frontière entre le
légal et l'illégal.
Citer ce document / Cite this document :
Gaïti Brigitte. Les incertitudes des origines. Mai 58 et la Ve République. In: Politix. Vol. 12, N°47. Troisième trimestre 1999. pp.
27-62.
doi : 10.3406/polix.1999.1792
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1999_num_12_47_1792Les incertitudes des origines
Mai 1958 et la Ve République
Brigitte Gaïti
Groupe d'analyse des politiques publiques
Université de Poitiers
LE 4 SEPTEMBRE 1958, le général de Gaulle présente
solennellement son projet de Constitution place de la République
à Paris. Tout ici a pu être entendu comme symbolique : le nom de
la place qui affiche la continuité républicaine, comme en réponse aux
soupçons sur la nature des nouvelles institutions ; la date, encore, qui
évoque la proclamation de la République après la défaite de Sedan le 4
septembre 1870. Voilà bien, toute désignée dans cette mise en scène
éclatante, la naissance glorieuse d'un régime nouveau qui n'attend plus
que la consécration du suffrage. Elle sera triomphale trois semaines
plus tard. Le 4 septembre 1958 pouvait donc dire l'origine et les temps
nouveaux1. Pourtant, cette date, officielle, est concurrencée par une
autre, qui situe autrement le retour du général de Gaulle au pouvoir : le
13 mai et les semaines qui suivirent signifient plus que tout autre, le
temps du basculement. La date, cette fois, n'a pas la belle clarté des
moments officiels et rejoint les périodes troublées de l'histoire
gaullienne aux côtés de la guerre d'Algérie dont elle est un épisode, aux
côtés de la période du RPF2 ou encore de mai 1968. Mai 1958 est en
effet toujours susceptible de rappeler le baptême du régime sous les
auspices d'une manifestation de foule et d'une rébellion militaire.
Cette origine là fait davantage l'objet de controverses tant politiques
que scientifiques : certains ont raillé cette prise d'assaut du
1. Ici, le 4 septembre fait partie d'un ensemble de dates qui marquent la naissance de la
Constitution de la Ve République, à savoir le 28 septembre date de son approbation par
référendum et le 4 octobre, date de sa publication officielle. B. François, revenant sur
cette représentation héroïque et planifiée de l'écriture de la Constitution, a mis au jour
les conflits, les contingences, les bricolages propres à cette «entreprise de formalisation
de l'ordre politique» (Naissance d'une Constitution, Paris, Presses de Sciences Po, 1996).
Sur ^accomplissement ex nihilo» que réalise la Constitution, voir Lacroix (B.), «Les
fonctions symboliques des constitutions», m Seurin (J.-L.), dir., Le constitutionnalisme
aujourd'hui, Paris, Economica, 1984.
2. «Cette période écrit O. Guichard, fut dans la vie du général une parenthèse un peu
floue et il est souhaitable que cette impression demeure» (Un chemin tranquille, Paris,
Flammarion, 1975, p. 70). Le même rappelle que «Pour les historiens, les politiques, et
même pour la plupart des gaullistes - si l'on en juge d'après leur discrétion sur cette
période -, le RPF fut une erreur» (Mon général, Paris, Grasset, 1980, p. 297). O. Guichard
qui fut directeur de cabinet de Ch. de Gaulle de 1951 à 1958, se montre fort peu disert lui
même sur les événements de mai 1958
Politix, n°47, 1999, pages 27 à 62 Changer de régime
gouvernement général d'Alger emmenée par un leader étudiant en
tenue de parachutiste ; d'autres ont ironisé sur des conjurés grotesques,
nostalgiques de la Cagoule, généraux paranoïaques ou colonels
fascisoïdes, improvisant un plan rocambolesque de débarquement en
France après une prise folklorique de la préfecture de la Corse. Mai
1958 devient cette révolution-farce dans laquelle s'effondre un régime
vermoulu. On connaît cette version du suicide, voire de l'euthanasie de
la IVe République, thèse historienne qui rejoint la formule reprise par
le général de Gaulle selon laquelle le pouvoir n'était, à l'époque, pas à
prendre mais à ramasser. Pour d'autres, il s'agit d'une péripétie
nécessaire : «S'il n'y avait pas eu le 13 mai, écrit Michel Debré qui en
fut un des protagonistes les plus actifs, il y aurait eu un 14 juin ou un
15 juillet ou un 16 août... C'est la guerre d'Algérie qui a révélé qu'il n'y
avait plus d'État. Je le savais depuis dix ans»1. Il y a bien là une
réduction de l'événement à l'accessoire d'un destin qui s'accomplit
inéluctablement.
Dans toutes ces interprétations, la liaison opérée entre mai 1958 et le
nouveau régime se distend. Tout porte à valider cette dissociation :
sinon, comment faire le lien entre les tumultes, les incertitudes de mai
et la stabilité, la durée que va connaître la Ve République ? Comment
penser ensemble l'investiture gaulliste de juin par des députés agissant
sous la menace du coup de force militaire et la légitimité toute
démocratique d'une Constitution massivement approuvée par les
électeurs en septembre ? Comment établir une continuité sociologique
entre les militaires ou les activistes d'Alger et les fonctionnaires ou les
barons du gaullisme qui vont finalement peupler les institutions du
nouveau régime ? Bref, comment faire tenir ensemble ce qui se
rapproche par certains aspects d'un coup d'État et l'évolution reconnue
comme démocratique du régime ? Après tout, à partir de 1960, les pires
ennemis du régime et du gaullisme ne se trouvent-ils pas parmi les
protagonistes du 13 mai eux-mêmes ?
Cette «déliaison» entre le 13 mai et la Ve République a été dénoncée
sur le mode du ressentiment par les perdants de l'histoire, activistes
algérois, militaires ou hommes politiques qui se sont «obstinés» dans la
défense de l'Algérie française : pour eux, l'évolution de la Ve République
ne dédouane pas, bien au contraire, les dirigeants gaullistes. Dès 1960,
les principaux acteurs du printemps 1958 dénoncent la trahison du
mouvement né à Alger ; ils rappelleront sans faiblir ce péché originel
dans leurs mémoires, dans les procès, dans les journaux, à la tribune
de l'Assemblée. Dans leurs versions, les gaullistes ont utilisé si ce n'est
suscité la violence et la menace ; ils sont les véritables promoteurs d'un
coup d'État dont le seul objectif était la prise du pouvoir finalement
réalisée au prix de la confiscation du sens du mouvement et de la
1. Debré (M.), Trois Républiques pour une France. Mémoires, t. 2, Paris, Albin Michel,
p. 292.
28 Brigitte Gaïti
trahison de ceux qui

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