Les trolls sont-ils incompétents ? Enquête sur les financiers amateurs - article ; n°52 ; vol.13, pg 73-97
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Description

Politix - Année 2000 - Volume 13 - Numéro 52 - Pages 73-97
Are the Trolls Incompetent ? Inquiry into the Financiers Amateurs Vincent-Antonin Lepinay, Fabrice Rousseau The recent booming development of Internet Sites allowing for a direct access to the financial markets goes with the related emergence of stakeholders seemingly ignorant of « financial logic ». Sticking to moral or political exigencies as much as to the monetary return, these amateur traders display very heterodox representations of finance and of its working. Drawing from some exemplary cases, this article makes an attempt at describing the enactment of financial practices by these amateurs devoid of the usual institutional competencies. Having to face the variety of the economic beings within their reach, they have devised original cognitive strategies that articulate periods of census and of exploration. This is the main object of this article. Buying and selling stocks, not only for making profit but also as an attempt to understand the economic and financial dynamics, these financier amateur — also dubbed traders-on-line or trolls — eventually look comparable to the professional ones. Between these two poles, one can observe a continuum. The variations seems to depend on the institutional constraints that bear on the operators.
Les trolls sont-ils incompétents ? Enquête sur les financiers amateurs Vincent-Antonin Lepinay, Fabrice Rousseau Le récent développement de sites Internet d'accès direct aux marchés financiers, qui semble connaître un certain succès, s'accompagne de l'apparition en bourse d'actionnaires apparemment étrangers aux « logiques financières ». Autant attachés à des exigences morales ou politiques qu'au profit monétaire, ces traders amateurs présentent des représentations particulièrement hétérodoxes de la finance et de son fonctionnement. A partir de quelques cas exemplaires, cet article tente de décrire la mise en œuvre d'activités financières de marché par ces amateurs dépourvus des compétences institutionnelles standard. Confrontés à la diversité des agents économiques qui leur sont accessibles, ils ont développé des stratégies cognitives originales qui articulent des moments de recensement et d'exploration auquel ce papier s'intéresse tout particulièrement. Pratiquant l'achat et la vente de titres non seulement pour réaliser des profits, mais également pour tenter de comprendre les dynamiques économiques et financières, ces financiers amateurs - autrement nommés traders-on-line ou trolls - paraissent au final pourvus de compétences comparables à celles des professionnels. Un continuum s'esquisse entre ces deux pôles, dont les variations semblent principalement tenir aux contraintes institutionnelles qui pèsent sur ces opérateurs.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Vincent-Antonin Lepinay
Fabrice Rousseau
Les trolls sont-ils incompétents ? Enquête sur les financiers
amateurs
In: Politix. Vol. 13, N°52. Quatrième trimestre 2000. pp. 73-97.
Citer ce document / Cite this document :
Lepinay Vincent-Antonin, Rousseau Fabrice. Les trolls sont-ils incompétents ? Enquête sur les financiers amateurs. In: Politix.
Vol. 13, N°52. Quatrième trimestre 2000. pp. 73-97.
doi : 10.3406/polix.2000.1120
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2000_num_13_52_1120Résumé
Les trolls sont-ils incompétents ? Enquête sur les financiers amateurs
Vincent-Antonin Lepinay, Fabrice Rousseau
Le récent développement de sites Internet d'accès direct aux marchés financiers, qui semble connaître
un certain succès, s'accompagne de l'apparition en bourse d'actionnaires apparemment étrangers aux «
logiques financières ». Autant attachés à des exigences morales ou politiques qu'au profit monétaire,
ces traders amateurs présentent des représentations particulièrement hétérodoxes de la finance et de
son fonctionnement. A partir de quelques cas exemplaires, cet article tente de décrire la mise en œuvre
d'activités financières de marché par ces amateurs dépourvus des compétences institutionnelles
standard. Confrontés à la diversité des agents économiques qui leur sont accessibles, ils ont développé
des stratégies cognitives originales qui articulent des moments de recensement et d'exploration auquel
ce papier s'intéresse tout particulièrement. Pratiquant l'achat et la vente de titres non seulement pour
réaliser des profits, mais également pour tenter de comprendre les dynamiques économiques et
financières, ces financiers amateurs - autrement nommés traders-on-line ou trolls - paraissent au final
pourvus de compétences comparables à celles des professionnels. Un continuum s'esquisse entre ces
deux pôles, dont les variations semblent principalement tenir aux contraintes institutionnelles qui pèsent
sur ces opérateurs.
Abstract
Are the Trolls Incompetent ? Inquiry into the Financiers Amateurs
Vincent-Antonin Lepinay, Fabrice Rousseau
The recent booming development of Internet Sites allowing for a direct access to the financial markets
goes with the related emergence of stakeholders seemingly ignorant of « financial logic ». Sticking to
moral or political exigencies as much as to the monetary return, these amateur traders display very
heterodox representations of finance and of its working. Drawing from some exemplary cases, this
article makes an attempt at describing the enactment of financial practices by these amateurs devoid of
the usual institutional competencies. Having to face the variety of the economic beings within their
reach, they have devised original cognitive strategies that articulate periods of census and of
exploration. This is the main object of this article. Buying and selling stocks, not only for making profit
but also as an attempt to understand the economic and financial dynamics, these financier amateur —
also dubbed traders-on-line or trolls — eventually look comparable to the professional ones. Between
these two poles, one can observe a continuum. The variations seems to depend on the institutional
constraints that bear on the operators.:
Les trolls sont-ils incompétents ?
Enquête sur les financiers amateurs*
Vincent- Antonin LEPINAY
Fabrice ROUSSEAU
La « nouvelle économie », qui aurait vu le jour ces dernières années,
prend essentiellement appui sur un support technique désormais
bien connu, l'internet. Or parmi toutes les entreprises de services qui
tentent de se développer dans ce créneau commercial, les sites financiers se
distinguent par des stratégies de communication particulièrement voyantes.
Ils visent à faciliter l'accès de la bourse, plus précisément du marché des
actions, à des investisseurs non professionnels, des trolls1, dépourvus des
compétences financières institutionnelles, peu au fait des analyses
techniques et peu soucieux de faire valoir leurs droits de vote aux conseils
* Les auteurs tiennent à remercier toutes les personnes qui ont contribué par leurs remarques et
leurs commentaires à faire évoluer ce travail, en particulier Luc Boltanski, Michel Callon,
Laurent Thévenot et François Vatin, ainsi que Jean-Philippe Heurtin, dont les analyses
rigoureuses sont pour beaucoup dans la mise au point de ce texte.
1. Le Trading on line ou TR-O-L, est la pratique des trolls. Nos trolls sont d'authentiques trolls ils
ont une position similaire aux trolls des contes nordiques. Un troll est « petit » (il gère peu
d'argent et il a peu d'influence sur les marchés financiers), il est en marge de l'activité des non-
trolls (on pourrait dire qu'il est en forêt financière) et il a des modes de raisonnement qui nous
échappent quelquefois (le financier lira certains extraits d'entretiens avec effroi ou amusement).
Récemment, les non-trolls tendent à soutenir la thèse selon laquelle ils peuvent être néfastes au
bon fonctionnement des marchés financiers. Ainsi est apparue une demande de réglementation
du marché des nouvelles technologies américaines (NASDAQ) par les investisseurs de grosses
tailles. Le fond de l'argumentation consiste à pointer la mauvaise information des traders de
petite taille qui faussent les prix lorsqu'ils interviennent en masse.
Politix. Volume 13 - n° 52/2000, pages 73 à 97 Politix n° 52 74
d'administration des entreprises. Au-delà de l'innovation marchande, ces
sites financiers amènent avec eux le problème de l'ouverture des opérations
financières à des non-spécialistes. Partant de travaux antérieurs ou en cours
sur les traders professionnels2, nous souhaitons tenter de cerner les
éventuelles différences et proximités entre ces deux manières d'agir en
finance.
Les traders professionnels exercent une activité fortement encadrée qui ne
saurait être limitée aux seules opérations d'achat et de vente de titres ou de
produits financiers. Dès leur recrutement, ils se voient désigner un type de
produit (actions, obligations, bons du trésor, devises, produits dérivés),
éventuellement un secteur économique spécifique (valeurs européennes ou
asiatiques, valeurs industrielles, par exemple pour les traders actions), ainsi
que des manières d'opérer (arbitrage, market-making, etc.). Au sein de la salle
des marchés, ils doivent de plus pouvoir justifier leurs « positions », les
investissements qu'ils ont réalisés, en fonction de referents acceptables :
théories financières fondamentalistes ou chartistes, éventuellement en
référence à une forme d'intuition personnelle3. Mais à cette première
contrainte s'en ajoute une seconde, dans le contrôle effectué par les
analystes-risques, évaluant les positions prises et pouvant le cas échéant
contraindre les traders à les solder. Le trading professionnel apparaît ainsi
comme une activité fortement encadrée, tant dans le choix du secteur
d'investissement que dans le type de produits à manipuler et dans les
conceptions économiques mobilisables pour prendre et justifier la décision
d'investissement.
Les financiers amateurs, quant à eux, sont des acteurs séculaires de la vie
financière, cristallisés dans la figure du « petit porteur » déjà largement
décrite par Emile Zola4. Les petits porteurs se réfèrent essentiellement, pour
gérer leurs placements, aux conseils de la presse spécialisée qui reprend elle-
même les études des analystes financiers. Valorisant une analyse
fondamentaliste, ces conseils d'achat ou de vente de titres reposent sur une
triple comparaison des résultats et stratégies de l'entreprise considérée, de
l'évolution du cours de son titre en bourse et de la conjoncture du secteur
économique auxquelles elle est rattachée. Cette conception standard de
l'investissement en bourse suppose également que le petit porteur diversifie
son portefeuille afin d'équilibrer les risques qu'il prend, entre des valeurs de
2. Cf. Abolafia (M.), Making Markets. Opportunism and Restraint on Wall Street, Cambridge,
Harvard University Press, 1996 ; Rousseau (F.), Les compétences des traders, Mémoire de DEA
Economie des institutions, Université Paris X-Nanterre, 1996. Cf. également la thèse en cours de
V.-A. Lépinay sur les formalismes en finance et Godechot (O.), « Le bazar de la rationalité », ce
numéro.
3. Sur ce point, cf.

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