Lettre du député Dominique Lefebvre à son ami Jérôme Cahuzac
5 pages
Français

Lettre du député Dominique Lefebvre à son ami Jérôme Cahuzac

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
5 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

"Jérôme,
Je veux te dire avec des mots que j’écris pour que tu les lises et pour que tu les gardes, mais que je te redirai de vive voix de la même manière, pourquoi la décision que tu dois prendre rapidement, en toute liberté, en pleine responsabilité et en dehors de toutes pressions, doit être de démissionner maintenant et sans attendre davantage de ton mandat de député, pour toi, pour la République, pour ton pays, pour tes plus proches."

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 15 avril 2013
Nombre de lectures 148
Langue Français

Extrait




Dominique LEFEBVRE
Député du Val d’Oise

Paris, le 5 avril 2013



Jérôme,
Je veux te dire avec des mots que j’écris pour que tu les lises et pour que tu les gardes, mais que je te
redirai de vive voix de la même manière, pourquoi la décision que tu dois prendre rapidement, en toute liberté,
en pleine responsabilité et en dehors de toutes pressions, doit être de démissionner maintenant et sans attendre
davantage de ton mandat de député, pour toi, pour la République, pour ton pays, pour tes plus proches.
Tu m’as dit dans l’une de nos conversations vouloir résister. « Résister, c’est déjà exister ! », c’est que
j’avais trouvé écrit sur les murs d’un village palestinien de Cisjordanie en 2007 et je suis heureux que tu en sois
revenu là, toi aussi, c’est-à-dire à vouloir exister. Repartons donc de là dans notre conversation et donc de ce
terme « résister ». Mais résister à qui et à quoi, résister comment, résister pourquoi ? Voilà donc les questions
qui te sont désormais posées.
Je veux te dire qu’il faut résister oui, mais qu’il faut résister au nom d’un idéal pour l’homme et pour la
société et contre tous les totalitarismes, qu’il faut résister dans l’honneur et dans la dignité au nom même de
cet idéal, qu’il faut résister non pas pour soi-même mais pour les autres, qu’il faut résister non par esprit de
vengeance mais parce que notre vie doit avoir un sens et que ce sens ne peut être que porté par un idéal.
Je comprends, je te l’ai dit, ce que tu exprimes à ce moment et dans la situation où tu te trouves, en
réaction à la déferlante des accusations dont tu es l’objet que tu estimes bien au-delà des actes graves, jugés
par toi-même inqualifiables, que tu as commis, des actes dont tu as la claire conscience des conséquences
néfastes pour la République et pour notre pays.
Tu le sais, ce que j’ai décidé de dire à ton sujet contre ton avis, toi qui ne voulait pas que je m’expose à
cause de toi et pour toi à une critique née de l’incompréhension ou résultant d’une instrumentalisation politique
de ma démarche, je l’ai fait pour une seule raison : celle de te donner encore des raisons de croire dans la vie et
d’espérer.
C’est toujours cette raison qui justifie cette lettre, une lettre sans concessions aucunes et exigeante, la
lettre qu’un ami et le parlementaire que je suis devenu te doivent, une lettre qui est pour toi et ce que je
souhaite pour toi, une lettre qui est aussi et tout autant pour mon pays et ce que je souhaite pour lui.
Car, à la réflexion, aucun, je dis bien aucun des arguments que tu m’as avancés pour justifier une
décision de ta part de rester parlementaire, et dont certains que je n’évoquerai pas ici sont totalement
inacceptables à mes yeux, ne tient.
Bien évidemment, certainement pas la nécessité pour toi d’avoir du temps (tu m’as parlé de six mois)
pour tenter de reconstruire une nouvelle vie, en dehors de la vie politique.
Assemblée nationale 126, rue de l’Université 75355 PARIS cedex 07 SP
Tél : 01 40 63 60 00 - dlefebvre@assemblee-nationale.fr - kberger@assemblee-nationale.fr
2

Pas davantage l’argument, certes de droit mais qui n’a à mes yeux pas de légitimité politique en la
circonstance, qui voudrait que seuls les électrices et électeurs qui t’ont confié ce mandat pourraient le reprendre
et que rien, dans notre ordre juridique, ne t’oblige à démissionner et donc que personne ne peut te le demander.
Et enfin et surtout pas cette idée que ce serait là résister à ce que tu considères comme une injustice, je
veux parler de ce que tu vis comme une chasse à l’homme, un homme à abattre dont la fin de la vie politique
devrait aussi s’accompagner d’une exclusion sociale définitive et à perpétuité, sans aucune possibilité de se
racheter au mépris de toute notre conception de la justice, cette conception qui est au cœur des valeurs de
notre République et qui est pour les femmes et les hommes de gauche un combat essentiel.
Je te l’ai dit, tu te trompes de raisons de résister comme tu trompes de méthode en pensant que rester
député, ne serait-ce que quelques mois, te permettra de poursuivre ce combat là et de le gagner.
Tu y perdras l’honneur et je me souviens de tes propos, après le 5 décembre, lorsque tu me disais,
conscient que ta vie politique s’arrêtait du seul fait des accusations portées contre toi, que ton seul combat alors
était celui de retrouver ton honneur tout en me laissant croire, comme à tous les autres et par le mensonge, que
tu étais innocent des accusations dont tu étais l’objet.
Tu rendras aussi un mauvais service à ton pays, ce pays au service duquel tu t’es mis en t’engageant
dans la vie politique et en acceptant le poste ministériel le plus difficile et l’un des plus exposés du
gouvernement dans cette période.
Tu donneras enfin raison à tes détracteurs et en particulier à celles et ceux qui, par faiblesse, par
manque de courage ou tout simplement par jalousie de ta réussite politique, s’acharnent aujourd’hui sur toi, au-
delà de toute raison et, pour certains, en contradiction totale avec nos valeurs de gauche.
Si tu prends cette décision, tu ajouteras à la fin de ta vie politique et à l’exclusion sociale qui te sont
infligées une déchéance morale. Et cela, c’est toi-même qui te l’infligeras. Je ne veux pas cela pour toi qui perdra
tout et au-delà, je ne veux pas cela pour notre pays et pour notre République.
Jérôme, tu dois comprendre et je sais que tu l’as compris, mais tu dois aussi complètement apprécier à
leur juste mesure, ce que tu sous-estimes encore manifestement, la portée des actes que tu as toi-même avoués
comme celui que tu dois maintenant poser.
Tu as reconnu avoir, dans une vie antérieure, et ce que la justice aura à confirmer et préciser, cédé à la
facilité et commis par faiblesse un délit. Ce délit, celui de la fraude fiscale et du blanchiment, simplement cela
mais tout cela, est d’une toute autre importance lorsque l’on est ministre, a fortiori ministre chargé du contrôle
fiscal et non simple citoyen, et tu le sais.
Un jour viendra où tu pourras me dire pourquoi tu t’es laissé entraîner dans cette facilité à laquelle tu
n’étais nullement obligé et qui ne t’aurait finalement en aucun cas bénéficié sur le plan matériel puisque je
comprends de tes dires que tu n’aurais pas profité de cet argent resté sur un compte à l’étranger et que tu le
destinais à tes enfants.
Assemblée nationale 126, rue de l’Université 75355 PARIS cedex 07 SP
Tél : 01 40 63 60 00 - dlefebvre@assemblee-nationale.fr - kberger@assemblee-nationale.fr
3

Tu le sais, c’est non seulement un délit, c’est aussi pour l’homme de gauche que tu es une faute
politique puisque totalement contraire à nos engagements essentiels aux yeux de ceux que l’on veut représenter
et défendre. Ce délit et cette faute, tu les as reconnues publiquement, tu dois devant les juges, seuls à même
dans notre Etat de droit de les apprécier et de les qualifier, les reconnaître tous dans une vérité totale et
complète, et tu dois en subir la juste condamnation. Je sais que tu l’acceptes.
Mais ce n’est pas là l’essentiel qui est en jeu en ce qui concerne ton mandat parlementaire, hélas. Car
pour nos concitoyens et pour la République, il y a beaucoup plus grave et tu le sais, c’est le déni et le mensonge
dans lequel tu t’es fourvoyé comme tu l’as dit toi-même et courageusement reconnu dans le communiqué que
tu as publié le jour où tu t’es rendu devant le juge. Tu m’as dit alors que tu ne supportais plus le mensonge et
que tu en mourrais si tu ne soulageais pas cette conscience qui est la tienne, cette conscience morale que
d’aucuns te dénient aujourd’hui.
Les raisons qui t’ont conduit, devant la représentation nationale et dans cet hémicycle dont tu me
disais l’autre jour savoir que, jamais, tu ne pourrais y retourner alors que tu l’aimais tant, cet hémicycle qui est
le cœur battant de notre démocratie et que nous devons préserver, ces raisons donc qui t’ont c

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents