Parler en public - article ; n°31 ; vol.8, pg 5-19
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Description

Politix - Année 1995 - Volume 8 - Numéro 31 - Pages 5-19
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 211
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominique Cardon
Jean-Philippe Heurtin
Cyril Lemieux
Parler en public
In: Politix. Vol. 8, N°31. Troisième trimestre 1995. pp. 5-19.
Citer ce document / Cite this document :
Cardon Dominique, Heurtin Jean-Philippe, Lemieux Cyril. Parler en public. In: Politix. Vol. 8, N°31. Troisième trimestre 1995. pp.
5-19.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1995_num_8_31_1916Parler en public
Dominique Cardon
Jean-Philippe Heurtin
Cyril Lemieux
EN QUOI la notion d'«espace public» ou l'opposition «privé/public»
méritent-elles la sollicitude des politologues et des sociologues ?
Longtemps, ces disciplines ont semblé peu enclines à concéder une
valeur heuristique à de telles nouons. Elles les ont généralement traitées
comme des catégories de sens commun faisant écran à la compréhension des
phénomènes sociaux qu'il s'agissait d'analyser, ou encore comme des
concepts de nature essentiellement normative, tombant à ce titre hors de leur
domaine de pertinence. Par exemple, la différence entre situations publiques
et situations privées a souvent pu être ignorée ou tenue pour non intéressante
«en tant que telle», dans la mesure où le discours et le comportement des
acteurs en privé ou dans l'intimité étaient considérés révéler la réalité
profonde — et souvent le caractère stratégique — de ce qu'ils faisaient et
disaient lors de situations publiques.
Depuis quelques temps cependant, le climat de la recherche s'est quelque peu
modifié. Davantage de travaux mettent aujourd'hui l'accent à la fois sur les
contraintes pragmatiques qui pèsent sur les situations publiques et sur la visée
normative qui est étroitement associée à ces contraintes. Ceci a pour effet
immédiat de rendre moins «artificielles» les performances réalisées par les
acteurs dans les espaces publics et d'attirer l'attention sur ce qui se joue à la
jointure entre situations privées et situations publiques. L'ensemble du présent
numéro de Politix s'inscrit dans cette perspective. Il vise à faire apparaître
l'importance du concept de «publicité» dans l'analyse de nombreux
phénomènes observables dans nos sociétés.
L'opposition privé/public : une compétence partagée
Parmi les travaux publiés en France ces dernières années qui marquent
quelque considération pour la notion de «publicité» ou d'«espace public», il
en est un certain nombre qui se présentent comme des analyses en termes de
«compétences»1. On peut voir là un effet, plus ou moins direct, de la diffusion
dans notre pays des analyses d'inspiration interactionniste et
éthnométhodologique, mais c'est sans doute vers l'œuvre d'Erving Goffman
1. Quéré (L), -Agir dans l'espace public», in Pharo (P.), Quéré (L), dir., liaisons pratiques, 1, «Les
formes de l'action-, 1990 ; Thévenot (L.), «L'action qui convient», in Raisons op. cit. ;
Boltanski (L.), L'amour et la justice comme compétences, Paris, Métailié, 1990 ; Quéré (L.),
•L'opinion : l'économie du vraisemblable. Introduction à une approche praxéologique de
l'opinion publique», Réseaux, 43, 1990 ; Boltanski (L.), Thévenot (L.) De la justification. Les
économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991 ; Pharo (P.), Politique et savoir-vivre. Enquête
sur les fondements du lien civil, Paris, L'Harmattan, 1991 ; Boltanski (L.), La souffrance à distance,
Paris, Métailié, 1993 ; Dodier (N.), L'expertise médicale, Paris, Métailié, 1993-
Politix, n°31 1995, pages 5 à 19 5 Dominique Cardon, Jean-Philippe Heurtin, Cyril Lemieux
qu'il convient de se tourner pour saisir les origines profondes et l'heuristique
d'une telle approche. À la question de savoir dans quelles conditions les
partenaires d'une interaction traitent la présence réelle ou imaginée d'un
public comme une dimension pertinente de leur activité, E. Goffman a en effet
été l'un des premiers à éviter de répondre en invoquant l'autorité de contenus
sémantiques qui définiraient en propre les situations de publicité. Il a au
contraire choisi de se placer très en amont de ce que la théorie politique, par
exemple, entend habituellement par «publicité» pour identifier, dans les
situations réputées les plus «banales» et les plus «courantes», les obligations
très particulières que fait peser sur le comportement de chaque interactant le
fait d'être soumis «au regard des autres» et de devoir traiter la présence et
l'attitude d'autrui comme autant de points d'appui à la coordination d'une
commune activité. En ce sens, c'est bien le caractère «public» de la vie sociale,
si l'on entend par là le fait que les individus vivant en société sont
régulièrement amenés à «passer à travers» des situations de co-présence avec
les autres, qui a guidé E. Goffman dans l'étude des formes de vulnérabilité du
self — en particulier de toutes celles que rend manifeste l'opération consistant
à déplacer la situation d'observation de la familiarité des coulisses vers les
civilités rituelles de la scène1. Des notions comme le «tact», la «façade», le
«décor», la «maîtrise des impressions» ou encore l'«inattention polie»
témoignent chacune à sa façon de cette dimension «publique» : toutes ont en
commun de caractériser des «compétences», à la fois corporelles et
langagières, qui sont attendues des personnes dès lors que celles-ci s'engagent
dans un espace de circulation anonyme requérant «l'acceptation de
l'indétermination d'autrui».
Si les intuitions issues en ligne plus ou moins directe de la sociologie d'Erving
Goffman ont pu contribuer à renouveler l'approche de notions comme
«espace public» ou «publicité», c'est aussi sans doute qu'elles ont réussi à se
nouer, de façon assez inattendue, avec des préoccupations venues d'autres
traditions, en particulier de la philosophie politique et de la linguistique. Ces
disciplines s'interrogent, il est vrai depuis longtemps, sur le lien qui peut
exister entre intersubjectivité et critères de validité du discours, sur la
«scénarité» constitutive de l'action-en-commun ou encore sur les contraintes
de l'argumentation liées à la dimension institutionnelle-publique de certains
actes de parole. Les travaux sociologiques que nous avons déjà mentionnés,
peuvent être lus comme des tentatives visant à relier, au-delà des clivages
disciplinaires traditionnels, ces différentes façons de poser la question du
«public».
L'une des idées qu'il est possible de dégager très schématiquement de ces
travaux c'est qu'on peut distinguer — et que c'est là une «compétence»
partagée par la plupart des membres de nos sociétés — entre (au moins) deux
idéaltypes de situations :
• Des situations où les acteurs se coordonnent sans faire référence à un
Tiers2. De tels régimes d'action ont pour particularité d'être «dyadiques»,
1. Sur ce point, cf. en particulier Goffman (E.), La mise en scène de la vie quotidienne, Paris,
Minuit, 1973 ; Quéré (L), «La vie sociale est une scène», in Joseph (I.), et alii, Le parler frais
d'Erving Goffman, Paris, Minuit, 1989.
2. Sur cette notion, cf. notamment Quéré (L.), Des miroirs équivoques. Aux origines de la
communication moderne, Paris, Aubier, 1982 ; Boltanski (L.), La souffrance à distance, op. cit. Parler en public
dans la mesure où ils n'ont besoin pour être activés que de la co-présence
de deux acteurs ou de deux équipes d'acteurs. Ce sont, en ce sens, des
régimes de «publicité minimale» : leur principe de coordination est
désigné, selon les auteurs, sous les termes d'«arrangement particulier»1 ou
de rapport de «familiarité»2.
• Des situations où les acteurs se coordonnent sous le regard ou en
référence à un Tiers. De tels régimes d'action peuvent être dits
«triadiques», puisqu'ils réclament la présence non seulement de deux
acteurs ou

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