Perspectives marocaines - article ; n°3 ; vol.16, pg 259-278
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Description

Politique étrangère - Année 1951 - Volume 16 - Numéro 3 - Pages 259-278
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 67
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Montagne
Perspectives marocaines
In: Politique étrangère N°3 - 1951 - 16e année pp. 259-278.
Citer ce document / Cite this document :
Montagne Robert. Perspectives marocaines. In: Politique étrangère N°3 - 1951 - 16e année pp. 259-278.
doi : 10.3406/polit.1951.2717
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1951_num_16_3_2717PERSPECTIVES MAROCAINES
Un des premiers auteurs qui ait présenté, il y a trente-cinq ans, le Maroc
moderne au public français, dans un livre d'ailleurs assez léger, avait trouvé,
pour son recueil d'impressions, un titre heureux dont la valeur n'a pas
changé : « Au pays du paradoxe. »
Nulle expression, en effet, ne rend mieux la situation exceptionnelle de
ce pays d'Islam. Placé à l'entrée de la Méditerranée dans une position
géographique et stratégique qui eût dû faire de lui un trait d'union entre
l'Orient et l'Occident — entre l'Afrique, l'Europe et l'Amérique, — le
Maroc est cependant volontairement resté, plus que tout autre pays au
monde, jusqu'au début du XXe siècle, jalousement fermé à toutes les
influences extérieures, et importe encore le lourd fardeau de cet isolement
rigoureux. Pays de la gloire islamique au Moyen Age, centre d'empires qui
rayonnaient sur l'Espagne et le Maghreb tout entier, le Maroc était aussi
devenu l'État le plus débile de l'Occident musulman, secoué par des
explosions anarchiques. Doté, depuis l'établissement du Protectorat, d'ad
ministrations modernes qui utilisent les techniques les plus nouvelles, il
demeure encore, dans sa presque totalité, attaché au régime social de la
tribu, dont les institutions sont comparables à celles de l'ancienne Gaule.
Recevant aujourd'hui en nombre sans cesse croissant des milliers d'immig
rants occidentaux qui apportent avec eux un immense pouvoir créateur,
il n'en est pas moins habité par un peuple attardé à des techniques rurales
et pastorales étonnamment primitives. Si, depuis dix ans, l'influence idéo
logique de l'Orient arabe s'est exercée sur la bourgeoisie musulmane des
villes, si les partis politiques nationalistes se réclament plus violemment
qu'ailleurs de Tarabisme, ce mouvement se développe dans un pays peuplé
presque exclusivement de berbères, dont on feint d'ignorer l'origine.
Enfin, malgré quelques appels timides à la démocratie — une démoc
ratie selon le Coran — on a vu à nouveau s'affirmer au Maroc, depuis
quelques années, le principe de l'absolutisme sultanien, et le despotisme
théocratique y a repris une force nouvelle au moment où dans le monde ROBERT MONTAGNE 260
entier on prétend donner aux masses le moyen de faire entendre leur voix.
C'est dire qu'au milieu de ces contradictions les problèmes d'évolution
qui se posent dans l'Empire chérifien, récemment unifié par les soins de la
France, seront difficiles à résoudre. Dans un pays si singulier, les modèles
de transformation moderne que nous offrent d'autres pays musulmans
d'Asie et d'Afrique ne nous donneront pas nécessairement des précédents
qu'il suffirait d'imiter pour trouver des solutions convenables. Il est
prudent, « au pays du paradoxe », de formuler nos jugements en tenant
compte des possibilités d'évolution particulières de ce qui fut, pendant de
longs siècles, le camp retranché de la Berbérie.
Les crises politiques marocaines
Sans prétendre ici refaire l'histoire du nationalisme marocain, dont le
lecteur retrouvera aisément les grands traits dans des publications anté
rieures (1 ), il est peut-être utile de rappeler brièvement au lecteur la succes
sion des manifestations qui ont fait connaître à l'opinion internationale
l'existence des partis qui se réclament de l'Indépendance avec l'appui de
l'Orient arabe.
Le drame de la révolte d'Abd el Krim contre l'Espagne, dont la consé
quence fut une intervention française décisive en mai 1926, poussée jus
qu'à Targuist et Snada, n'avait été en fin de compte qu'une insurrection
de tribus berbères soulevées par l'esprit de guerre sainte. C'est cinq ans
plus tard que devait apparaître le nationalisme marocain. En juillet 1930,
un petit groupe de jeunes étudiants à peine sortis des écoles prenait l'occa
sion d'une malencontreuse législation sur la justice berbère pour affirmer
l'unité du Maroc sous la loi de l'Islam. Cette protestation recueillait l'appui
actif du nationalisme oriental et éveillait jusqu'en Asie la solidarité isl
amique. Depuis cette époque, l'évolution du Maroc est devenue le cauche
mar de la politique pan-arabe.
En 1 934, au moment même où s'achevait pour la première fois l'unifica
tion politique de l'Empire chérifien, un nombre accru d'étudiants soutenait
à Paris, sans plus attendre, le projet d'une émancipation rapide du pays en
présentant solennellement au gouvernement français un « plan de réformes ».
1' « Istiqlal », le parti de Ces jeunes gens, qui furent les vrais fondateurs de
l'Indépendance, développèrent d'une manière continue leur action pendant
les trois années suivantes, jusqu'à réussir à constituer un groupe de quelques
(1) Cf. nos articles : La crise nationaliste au Maroc, Politique étrangère, décembre 1937.
Abd el Krim, ibid, juillet 1947. PERSPECTIVES MAROCAINES 261
milliers d'adhérents dans les villes. Mais, à cette époque, le parti national
iste était encore isolé et limité ; son action était nulle en tribu et il n'avait
pas la faveur du souverain qui considérait avec suspicion son action comme
dirigée contre son autorité absolue. Pendant la guerre, la prudence de l'autor
ité française dans un pays où siégeaient les commissions d'armistice, dont
on redoutait les intrigues , eut pour conséquence un accroissement inattendu
de la puissance autoritaire du Sultan. En même temps s'esquissa une évolu
tion importante : là soumission du parti de l'Indépendance à la volonté du
souverain. C'est dans ces conditions qu'en janvier 1 944, après une préparat
ion secrète conduite par l'Istiqlal, réunissant alors une dizaine de milliers
d'adeptes, les nationalistes cherchèrent, avec l'appui actif du Sultan, à prof
iter de la faiblesse de la puissance protectrice, que les événements de Syrie
venaient de mettre en évidence, pour obtenir l'abrogation du traité de Fès.
Le ferme accueil qui fut réservé par le résident général à cette requête
suffit à provoquer le désaveu des nationalistes par le Sultan lui-même.
De 1945 à 1947, le parti de l'Indépendance, soutenu par le Sultan, repren
ait sa propagande, rassemblant un nombre accru d'adhérents et de symp
athisants dans les villes et quelques partisans parmi les caïds et notables
de tribu. En avril 1 947, le Sultan, après avoir cherché à consolider son pres
tige auprès de la hiérarchie rurale des caïds, profitait d'un voyage à Tanger
pour affirmer sa solidarité complète d'idéal avec les nations du Proche-
Orient, au moment où s'engageait le conflit judéo-arabe en Palestine. Cet
appel, qui avait pour but de provoquer une intervention éventuelle de
l'Orient dans les affaires marocaines, perdit de son importance avec la vic
toire d'Israël. Mais, par la suite, l'apparition de nouveaux États indépend
ants en Asie et en Afrique entretint, par l'exemple, la force du nationalisme
arabe au Maroc dans l'esprit des élites citadines.
Au cours d'un voyage en France en septembre 1 950, le souverain demand
ait avec insistance au gouvernement français l'ouverture de négociations
destinées à faire triompher « les droits du peuple marocain » et à abolir le
traité de Fès. Au mois de décembre, de vifs incidents soulevés au Conseil
consultatif du gouvernement par dix délégués nationalistes élus, encourag
és par le Palais, provoquaient une réaction inattendue. Les caïds et pachas
d'une partie du territoire, parmi lesquels le pacha de Marrakech, gouver
neur de nombreuses tribus du Haut Atlas et du Sud, tentaient, sans succès
d'ailleurs, d'obtenir du Sultan qu'il se désolidarisât du parti de l'Istiqlal
soutenu par la jeunesse et une partie de la bour

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