G U E R R EÈ C L A I R ,D O U T EP E R S I S T A N T
SociÉtÉmonde contre terreurmonde par Edgar Morin
Shakespeare est l’un des nombreux auteurs invoqus par Edgar Morin dans son dernier livre, L’humanitÉ de l’humanitÉ: « Nous sommes de l’Étoffe dont sont faits les rves ». Aprs plus d’un demisicle de brassage incessant des connais sances, ce penseur foisonnant voque ici les conditions propres À nous viter de devenir de l’toffe dont sont faits les cauchemars
« Le contraire de la violence n’est pas la douceur c’est la pensÉe » (Etienne Baulieu, auteur romand)
NE question de vocabulai re, tout d’abord. l’intUernationale djihadiste AlQai Terrorisme.La notion de terrorisme est valable pour da qui agit par attentats et meur tres de masse sur des populations civiles, mais elle est fort rductrice quand elle s’applique aux formes violentes de rsistances nationales prives de moyens dmocratiques pour s’exprimer. Ainsi le terme uti lis par les nazis pour les rsistants europens futil rducteur, comme appliqu par Poutine la rsistan ce tchtchne, qui comporte vi demment une branche terroriste, mais ne peut s’y ramener. La violen ce d’Etat qui frappe un peuple en mme temps que ceux qui lui rsis tent est ellemme une violence de terreur. AlQaida constitue un stade nouveau du terrorisme. La mon dialisation technoconomique a permis une mondialisation terroris te, se transformant dans et par cette mondialisation en menace mondiale. Islamiste.Le terme islamiste est riche de malentendus. Dsignant en principe tout croyant en l’islam, il est devenu, pour bien des Occi dentaux, synonyme de fanatique. Trop proche d’islamique (notion qui dsigne ce qui relve de l’is lam), il risque de se contaminer en fanatisme et terrorisme. De fait, l’islamisme, quand il comporte le retour au Coran et l’application de la charia, comporte un rejet de la civilisation occidentale, y compris le libralisme politique et la dmo cratie. Mais il n’implique pas de lui mme guerre sainte et terrorisme, bien qu’on puisse glisser de l’is lamisme au djihadisme. Une conta mination analogue affecte le terme de fondamentaliste (qui n’est pas en luimme agressif). Quant l’internationale djihadis te d’AlQaida, il s’agit d’une dvian ce religieuse hallucine laquelle on ne saurait rduire l’islam. Mais le mot islamiste, tel qu’il est usuel lement employ dans les mdias occidentaux, rduit tout islamique un islamiste et tout islamiste un terroriste potentiel, ce qui emp che de percevoir le visage complexe de l’islam. Toute erreur de pense conduit des erreurs d’action qui peuvent aggraver les prils que l’on veut combattre. Il faut penser dans leur complexit non seulement l’islam mais aussi les EtatsUnis, Isral, la mondialisation ellemme, en reconnaissant les contradictions incluses dans chacun des termes. Les EtatsUnis sont la plus ancienne dmocratie du globe, ils constituent une socit ouverte et par ce trait dsormais vulnrable. Ils ont sauv l’Europe occidentale du nazisme, ils l’ont protge de l’URSS qui tait loin d’tre un tigre en papier. Ils ont secouru des peu ples islamiques en Bosnie et au Kosovo. Les EtatsUnis ne sont pas responsables de la guerre meurtri re IrakIran, de la terreur en Alg rie, de tous les conflits interarabes. Leur culture ne se rduit pas au
Edgar Morin NÉ en 1921, Edgar Morin est sociologue. Cherchant À articuler des ÉlÉments tirÉs d’un grand nombre de disciplines, il est considÉrÉ comme le penseur de la complexitÉ. Il vient de publier (Seuil) le cinquiÈme et avantdernier tome deLa MÉthode, son œuvre matresse, en chantier depuis 1977.
McDo ni au CocaCola, mais elle s’est montre cratrice dans la science, la littrature, le film, le jazz, le rock, et l’Amrique s’euro panise autant que l’Europe s’am ricanise. Mais ils constituent une puissan ce impriale dominatrice par l’arme ment et par l’conomie. Leur dmo cratie ne les empche nullement de soutenir des dictatures quand leur intrt le commande. Leur huma nisme comporte une tache aveugle d’inhumanit : ils ont pratiqu des bombardements de terreur sur les villes allemandes, puis les hcatom bes de Hiroshima et Nagasaki. Les bombardements continus de l’Afghanistan rvlent un autre ter rorisme frappant des populations civiles victimes, non seulement de bombes ou de missiles lancs de trop haut et de trop loin, mais de la peur et de la famine qui les contraint l’exode. Sensibles la souffrance des 5000 victimesdu World Trade Center, ils sont insensi bles aux dsastres humains que leurs bombardements infligent aux populations afghanes. Ils sont
S’il est vrai que la domination de l’Occident fut la pire de l’histoire humaine, il faut dire aussi que tous les constituants de l’Émancipation des asservis sont nÉs au sein de l’Occident
inconscients de la contradiction que comporte la terreur de leurs bombardements antiterroristes. Les deux tours orgueilleuses taient la fois hyperrelles et hypersymboliques ;elles taient l’incarnation et le symbole de la richesse, de la puissance amricai nes, de son capitalisme et de sa dmocratie, de sa domination et de son ouverture ; la statue de la Libert tait devenue une allgorie ancillaire. Leur croulement a creu s un trou noir incommensurable en notre vision non seulement de Manhattan mais aussi du monde. Pour certains, c’est une blessure inflige l’imprialisme amricain et au capitalisme, pour d’autres qui s’en angoissent c’est une brche ouverte dans la dmocratie et la
PACIFISME OU DÈFAITISME Les quelques hommes politiques et autres ptitionnaires qui s’opposaient aux actions cibles et la stratgie des allis en Afghanistan se sont bien tromps: ils avaient prvu un enlisement comme du temps des Sovitiques dans ce pays, et le pays est en bonne voie de libration, ils avaient prdit une guerre de religion, un conflit de civilisation entre l’islam et la chr tient, et, les populations arabomusulma nes sont restes relativement calmes, ils avaient envisag une catastrophe humani taire, et, l’on apprend que des rfugis sont de retour dans certaines provinces, ils avaient prvu une riposte terroriste la riposte amricaine, « la riposte la ripos te »,avec des attentats dans le monde entier, et rien ne s’est produit. (…) Qu’il faille peser les ventuelles cons quences d’une intervention militaire est une chose, que l’on prenne prtexte d’im probables consquences pour se rfugier
civilisation ; ces deux vrits anta gonistes sont complmentaires. Certes, les EtatsUnis suscitent dans le monde misrable des aspi rations, dont celles y migrer, ain si que d’innombrables dsirs d’en trer dans leur civilisation ; ils inspi rent respect et obissance leurs vassaux, et le sentiment de solidari t occidentale demeure puissant en Europe. Mais en mme temps la contemplation de leur richesse et prosprit, du sein du manque et du dnuement – dans ce monde misrable –, suscite une immense frustration. Leur domination pro voque d’innombrables humilia tions, un complexe d’infriorit technique (monde Sud), un complexe de supriorit culturelle (Europe) qui l’un et l’autre veillent l’animosit. Le maldveloppement dont ont souffert tant de nations est attri bu au surdveloppememt cono mique amricain. L’extrme dnue ment alimentaire, mdical auquel sont rduites d’immenses popula tions dsarmes devant pidmies et sida nourrissent ressentiments l’gard des populations hyper nourries, hypersoignes de l’Occi dent et surtout des EtatsUnis. L o il y eut d’antiques et glorieuses civilisations qui se sentent aujour d’hui amoindries ou menaces, le monde amricain suscite allergies, inimitis, agressivit. Les consquences nfastes de la libralisation du march mondial, l’accroissement des ingalits, les crises conomiques multiples aggravent les animosits. Dans les esprits o a rgn ou rgne encore la vulgate marxiste lniniste, le modle du socialisme « rel » s’est certes effondr (sans qu’ils en aient jamais mesur la pourriture), mais la conviction que le capitalisme et l’imprialisme amricain sont le mal absolu demeure. Ils ont gard la satanisa tion de l’Amrique, foyer du capita lisme et de l’imprialisme, ignorant que le communisme sovitique fit pire que le capitalisme, ignorant les vertus de la dmocratie et les vices du totalitarisme, ignorant que l’imprialisme amricain est moins atroce que les imprialismes passs, notamment sovitique. Ainsi, l’ensemble des ressenti ments issus des parts les plus diver ses de la plante suscite une haine fantastique et parfois fantasmati que des EtatsUnis coupables de tous les maux de la plante. Ma tres du monde (ce qu’ils ne sont que partiellement), on les rend res ponsables des maux du monde (ce qu’ils ne sont qu’encore plus par tiellement). Les EtatsUnis sont ainsi consid rs comme le mal suprme et actuel du mal occidental, de cet Occident qui s’est dchan sur la e plante partir du XVI sicle, l’a conquise, colonise, exploite, et a gnocid des populations entires. Toutefois, ici encore, il est ncessai re de maintenir ensemble deux vri ts opposes. S’il est vrai que la domination de l’Occident fut la pire de l’histoire humaine dans sa dure et son extension plantaire, il faut dire aussi que tous les consti tuants de l’mancipation des asser vis sont ns et se sont dvelopps au sein de l’Occident, et ont permis l’mancipation des coloniss
quand ceuxci se sont empars des valeurs humanistes ouesteuro pennes :droits de l’homme, droits des peuples, droits la nation, dmocratie, droits des fem mes. On peut mme dire que le retard d’une grande partie du mon de intgrer la dmocratie, les droits humains, le respect des droits des femmes est une des cau ses de l’tat prilleux du monde actuel. L’islam ne saurait tre lui non plus rduit une vision unilatrale. L’histoire nous a enseign claire ment que la tolrance religieuse fut du ct de l’islam l’gard des
La conduite de Sharon est non seulement mauvaise, elle conduit Isral au suicide À terme, mme si ce suicide s’accompagne du feu d’artifice des deux cents ttes nuclÉaires israÉliennes
chrtiens et des juifs tant en Anda lousie que dans l’Empire ottoman. L’islam fit natre la plus grande civi lisation du monde au temps du cali fat de Bagdad. Or la nostalgie du pass glorieux, au sein d’un pr sent infortun, sous le poids de dic tatures corrompues policires ou militaires, aprs l’chec du dvelop pementalisme, du socialisme, du communisme, l’absence d’espoir dans le progrs et dans un futur occidentalis, tout cela suscite un retour aux racines religieuses de l’identit. De plus, la formidable frustra tion s’intensifie en humiliation et rage devant la quotidienne humilia tion et rpression endure par les Palestiniens, l’injustice subie (deux poids deux mesures en IsralPales tine), tout cela dans l’impuissance des Etats arabes, vassaliss ou non. Le soutien inconditionnel accord par les EtatsUnis Isral conduit considrer Isral comme l’instru ment de l’Amrique et faire de l’Amrique l’instrument d’Isral, et plus largement des juifs. Cette iden tification aggrave par le « sharo nisme »est fatale l’Amrique comme Isral. Dans la situation actuelle, la frus tration, le ressentiment, la nostal gie d’une grande civilisation pas se, ressuscitent le rve de l’Oum ma, grande communaut islami que transnationale, et font d’un milliard de musulmans un vivier mondial o peuvent se recruter les djihadistes. Pour toute une jeu nesse, du Maghreb au Pakistan, Ben Laden est un superman de la foi qui a dcapit les tours d’une Babel qui tait en mme temps Sodome et Gomorrhe; c’est un annonciateur de la rdemption de l’islam, de la rsurrection de l’Oum ma, du retour du califat. Un nou veau messianisme est n, dont on
LA TRIBUNE DES LECTEURS
derrire l’inaction et le dshonneur, cela n’est pas normal. Au moment o les com battants de l’Alliance du Nord deman daient aux allis d’intensifier leurs bombar dements sur les lignes talibanes, certains hommes politiques contestaient l’intrt de ces bombardements. Sans ces actions cibles, le front afghan serait rest aussi immobile que depuis cinq ans, les talibans rgneraient sur Kaboul et les terroristes con tinueraient leur entranement sur leurs bases en Afghanistan. Andrè Sillam, Noisiel (SeineetMarne)
LA GUERRE ET LES CIVILS Les attentats du 11 septembre aux Etats Unis ont peuttre montr la fragilit de la distinction entre civils et militaires dans la nouvelle forme de guerre que nous vivons. Chaque citoyen, ds lors qu’il participe la sant conomique de son pays, est aussi un soldat dans la mesure o il approuve et sert
tacitement la position et la politique cono mique de son pays dans l’conomie globa le, et donc, les injustices de la globalisation (…). Les «Etats terroristes» ont compris cela, alors qu’aux yeux des «Etats victi mes » d’attentats l’attaque des civils consti tue une ignominie. Mais ne s’agitil pas l d’une hypocrisie ? (…). Le terrorisme rappel le aux nations riches et dmocratiques leur vulnrabilit. N’estce pas cela qui est terrorisant : la prise de conscience et l’exprience doulou reuse de notre vulnrabilit alors que nous nous tions accoutums cette ide terri ble : la vulnrabilit, c’est pour les autres ? Ds lors, l’radication du terrorisme se pose comme une entreprise des forts visant priver les faibles de la seule arme vrai ment dangereuse, et malheureusement effi cace, dont ils disposent. Mais n’estce pas les forts euxmmes qui les ont pousss cette extrmit ? (…) Ne faudraitil pas rap peler aussi que l’intgrisme religieux trouve
ne peut encore mesurer le dvelop pement. Toutefois, en sens inverse, il y a de multiples aspirations vers le meilleur de la civilisation occidenta le contemporaine : les autonomies individuelles, les liberts politi ques, le droit la critique, l’manci pation de la femme. La vraie bataille se livre dans les esprits d’un grand nombre d’islamiques, dont beaucoup veulent la fois sauvegarder leur identit, le res pect de leurs traditions et l’acces sion des possibilits et droits dont jouissent les Occidentaux. La victoire sera ceux qui sauront fai re la synthse entre l’identit cultu relle et la citoyennet plantaire. Nation refuge, mancipatrice de juifs mais spoliatrice de Palesti niens, menace d’extermination sa naissance par ses voisins arabes mais devenue militairement plus puissante qu’eux, toujours incer taine de sa survie mais opprimant le peuple palestinien de plus en plus cruellement, Isral tend lier son existence une domination qui exa cerbe la haine arabe ; il hsite s’en gager dans la voie alatoire qui lui permettrait une insertion au Moyen Orient en reconnaissant un Etat palestinien dans les frontires de 1967. Au cours de l’ultime Intifada notamment, les hritiers des juifs, qui ont subi 2000 ansd’humilia tions et de perscutions, sont deve nus des perscuteurs capables de ghettoser les Palestiniens, d’exer cer la responsabilit collective sur familles et civils, bref de faire des Palestiniens des humilis et offen ss comme le furent leurs anctres. La question isralopalestinien ne est devenue le cancer non seule ment du MoyenOrient, mais des relations IslamOccident, et ses mtastases se rpandent trs rapi dement sur la plante. L’interven tion internationale pour garantir la naissance, l’existence et la viabilit d’un Etat palestinien est devenue d’une urgence vitale pour l’huma nit. Au cours de la dernire dcen nie, une socitmonde a, demi, merg ; elle a sa texture de com munications (avion, tlphone, fax, Internet) dj partout multi ramifie ; elle a son conomie de fait mondialise, mais o man quent les contrles d’une socit organise ;elle a sa criminalit (mafias, notamment de la drogue et de la prostitution) ; elle a dsor mais son terrorisme. Mais elle ne dispose pas d’organi sation, de droit, d’instance de pou voir et de rgulation pour l’cono mie, la politique, la police, la bio sphre. Il n’y a pas encore la conscience commune d’une citoyennet plantaire. La mondialisation du terrorisme constitue un stade de ralisation de la socitmonde, car AlQaida n’a ni centre tatique ni territoire national, il ignore les frontires, transgresse les Etats, et se ramifie sur le globe ; sa puissance financi re et sa force arme sont transna tionales. Elle dispose, mieux que d’un Etat, d’un centre occulte mobi le et nomade. Son organisation uti lise tous les rseaux dj prsents de la socitmonde. Sa mondialit est parfaite. Sa guerre religieuse est une guerre civile au sein de la socitmonde.
dans la misre conomique un terreau favo rable sa prolifration ? Mathieu Schultz, courriel FEMMES D’AFGHANISTAN Ce qu’on appelle l’Alliance du Nord n’a pas de programme politique ou social, et le manque d’un tel projet fut l’origine de l’anarchie qui a rgn Kaboul entre 1992 et 1995, avec les viols et les meurtres que l’on sait, faisant des dizaines de milliers de victimes. L’arrive des talibans au pouvoir a fait chuter massivement les meurtres et les viols, certes avec des mthodes punitives trs svres mais avec l’aval de la popula tion qui cherchait d’abord et surtout la sta bilit et la scurit. (…) L’extrmisme social des talibans ne s’est jamais manifest, ni par un encouragement au viol ni par aucu ne tolrance de celuici. Tristement, l’Alliance du Nord, aujour d’hui encourage reprendre son «pou
RITA MERCEDES
Cette machine de terreur sans frontires, ramifie dans le monde entier, nourrie d’immenses frustra tions et dsespoirs, anime par une foi hallucine, a soudain rvl un pouvoir dvastateur o la violence meurtrire d’une barbarie fanati que a pu utiliser les avances les plus raffines de la barbarie techni que. La lutte contre AlQaida ne relve pas d’une guerre (toujours entre nations) mais d’une police et d’une politique. Or, en bombar dant l’Afghanistan, on transforme une mtaphore de guerre en rali t de guerre (Max Pags) et on fait les victimes d’une guerre, cela au dtriment d’une action adapte la lutte contre un ennemi plantai rement ramifi, laquelle ncessite une action plantaire commune autrement plus complexe. Livre ellemme, la dynami que issue du 11 septembre multi plie et aggrave les risques. Le risque èconomique.L’inter dpendance propre au march mondialis dtermine une fragilit, aggrave par l’absence de vrai sys tme de rgulation ; une crise gn ralise, devenue envisageable, serait le bouillon de culture de nou velles dictatures, voire de totalita rismes, comme le fut la crise de 1929. Plus largement, l’interdpen dance de tout ce qui constitue l’re plantaire fragilise le destin mme de la plante. Le risque hystèrique. La mena ce permanente et multiforme sur les EtatsUnis, le dchanement de l’antiamricanisme ne peuvent que favoriser des surexcitations
hystriques qui exacerbent les manichisations et satanisations rciproques. Le cancer isralopalestinen s’ag grave ; ses mtastases seront irr mdiables s’il n’y a pas solution rapide au conflit. L’onde antiisra lienne devenue la fois antismite et antiamricaine ressuscite les visions mdivales europennes des juifs buveurs de sang d’enfant, pollueurs des esprits et des corps (rpandant le sida), œuvrant perfi dement dominer le monde. La conduite de Sharon est non seulement mauvaise, elle conduit Isral au suicide terme, mme si ce suicide s’accompagne du feu d’artifice des deux cents ttes nuclaires israliennes qui dtrui raient une grande partie de l’huma nit arabe. L’incapacit des Etats Unis, des nations europennes, des Nations unies imposer une inter vention militaire internationale entre les combattants, sparant les deux territoires selon les frontires de 1967, conduirait une catastro phe historique d’une ampleur inoue. Sous l’effet de l’onde de choc benladniste, on peut envisager la dcomposition en chane des rgi mes islamiques en place, au profit non de la dmocratie, mais du fana tisme religieux. Enfin le risque nuclaire, bact riologique, chimique, qui planait de faon stratosphrique audes sus de la plante est devenu visi ble, pressant, urgent. e Le XX sicle a vu se nouer l’al liance entre deux barbaries, l’une
voir »(ou son anarchie), pourrait faire beaucoup rgresser la condition des fem mes si l’on s’en tient son comportement rcent et ce qui s’est pass quand elle contrlait Kaboul. Ce n’est pas en proposant d’imposer brusquement les modes vestimentaires occidentales qu’on arrivera amliorer la situation des femmes dans ce pays trs peu moderne. Il faut une action d’ensei gnement et d’intgration de trs longue haleine… Yasser Taima, Los Altos, (Californie)
CONSTATATION Les Amricains ont demand Bayer de rduire drastiquement le prix des mdica ments contre le charbon. (…) Si je me sou viens bien, les EtatsUnis ont soutenu les grands laboratoires pharmaceutiques contre l’Afrique du Sud et le Brsil propos de la production bon march de
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de destructions et massacres venus du fond des ges historiques, l’autre intrieure notre civilisa tion, venue du rgne anonyme et glac de la technique, d’une pense qui ignore tout ce qui ne relve pas du calcul et du profit. Le benlad nisme constitue une nouvelle allian ce entre les deux barbaries. Cela dit, il ne faut pas nous cacher qu’il y a une barbarie incluse dans notre civilisation, que celleci produit des forces de dcomposition et de mort, et qu’ notre hyperdvelop pement scientifique et technique correspond un sousdveloppe ment mental et moral. Toutefois, cette civilisation dispose encore de deux vertus irremplaables : lacit et dmocratie, mme si cette dernire est atrophie. Les EtatsUnis et plus largement l’Occident oscillent entre deux voies :celle de la folie, terme catastrophique et celle de la sages se, difficile et alatoire. La voie de la folie est celle de la croisade, de la diabolisation, du manichisme aveugle (car il y a du mal dans le bien mais aussi du bien dans le mal) et, dveloppant l’hys trie de guerre, elle est la voie des massacres de masse de part et d’autre. Par contre la conscience des prils peut tre un coup de fouet pour aller dans la voie de la sagesse. La voie de la sagesse com porte la prise de conscience capita le de l’intersolidarit humaine et de la communaut de destin plan taire. Plus que lesommes« nous tous amÉricains», nous sommes tous enfants et citoyens de la Ter
re, et, en mme temps, des Etats Unis devrait s’lever un« nous ne sommes pas qu’amÉricains ». Elle comporte la conscience que non seulement, comme le rappe lait Paul Valry, aprs la premire guerre mondiale, les civilisations sont mortelles, mais aussi que l’hu manit plantaire est mortelle. Elle comporte la conscience qu’au
La La voie de la sagesse comporte la prise de conscience capitale de l’intersolidaritÉ humaine et de la communautÉ de destin planÉtaire
jourd’hui la seule alternative la dmocratie est la haine. Car rien d’autre que la chane ne peut triom pher dans la destruction de la dmocratie. Elle comporte la reconnaissance de ce principe thique minimum : on n’aura jamais un monde noble par des moyens ignobles. Elle comporte la conscience que l’dification d’une socitmonde est devenue vitale ; seule une soci tmonde peut rpondre une ter reurmonde. D’o la ncessit de
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mdicaments antisida. Une nouvelle fois, ils nous dmontrent qu’une seule idolo gie les anime : leur gosme sacr… Robert Vernet, courriel
ISLAM ET RÈPUBLIQUE LAQUE Les mdias se sont donn pour mission, depuis un mois, de nous prsenter l’islam comme une religion ouverte, librale, tol rante, bref comme une religion sympa. Sans doute agissentils ainsi par mauvaise conscience postcoloniale et amiti pour les musulmans de France : ce sont l deux mobiles trs honorables mais qui n’autori sent pas utiliser tous les moyens, y com pris ceux de la mauvaise foi, pour mainte nir une vision enchante. Ainsi, le renfor cement de la pratique religieuse chez les musulmans franais nous estil prsent comme une excellente chose. Toute criti que rationnelle de l’islam dit modr est assimile du racisme antiarabe ou, pis,
du racisme antipauvres. Quant aux 18 % de jeunes musulmans franais qui se font une ide positive d’Oussama ben Laden, ce sont des «tchatcheurs »pleins d’hu mour. L’islam doit tre soumis au mme rgi me, c’estdire au mme regard critique, que toutes les autres religions. (…) Notre rgime de sparation (celui de 1905, dont on espre que le centenaire sera clbr avec clat) ne vise pas protger les int rts des croyants mais mettre galit les croyants et les incroyants. Un des droits fondamentaux de l’homme, qui est aussi du reste une des conditions du pro grs scientifique, est le droit l’hrsie, la dissidence et l’incroyance (…). Dans un pays libre, aucune intimidation ne sau rait valoir contre ce droit fondamental – et les autorits britanniques l’ont admira blement dfendu en protgeant sans fai blir l’crivain Salmann Rushdie lorsque sa tte fut mise prix, en fvrier 1989.
LE MONDE / JEUDI 22 NOVEMBRE 2001 /VII
dpasser l’idologie conomistique qui donne au march mondial la mission de rguler la socitmon de, alors que c’est la socitmonde qui doit rguler le march mondial. Le nouveau type de guerre nces site un nouveau type de paix. Il comporte la ncessit de dclarer la paix l’islam en dclarant la guerre au terrorisme, afin de spa rer radicalement les fanatiques hal lucins de l’ensemble des islami ques. Ce qui ncessite le plus rapi dement possible l’tablissement d’une paix quitable au Moyen Orient. Une politique confdrale plan taire doit se substituer une politi que impriale. Outre la Chine, l’In de, l’Europe, l’Amrique latine, il importe que se constituent de grands ensembles confdraux qui deviendraient les grandes provin ces de la plante, notamment un grand ensemble araboislamique renouant en termes contempo rains avec le califat. Une politique de la civilisation est la seule riposte la guerre des civilisations. Concrtement, un plan Marshall pour les zones de pire misre de la socitmonde ; entre autres une mobilisation mas sive de la jeunesse des pays aiss pour venir en aide sur place aux pays dshrits ; une agence mon diale des mdicaments et soins mdicaux pour les populations incapables d’en assurer les frais. Enfin, le nouveau type de guerre ncessite un centre mondial de lut te contreterroriste adquatement ramifi.
Le fait que l’islam soit pratiqu en Fran ce par des populations injustement humi lies ne rend pas moins interrogeable ou critiquable la religion qui est la leur. Les musulmans sont des individus, qui doivent bnficier de toutes les liberts individuelles, y compris celle de ne pas croire. (…) Les musulmans qui nous entou rent ont trs exactement les mmes quali ts et les mmes dfauts, les mmes droits et les mmes devoirs que les chrtiens, les juifs, les agnostiques et les athes. Ce que je n’admets pas, c’est la dmission de l’in telligence face aux religions, l’intimidation discrte, l’autocensure paresseuse ou prudente. (…) Pierre Albertini, courriel LES COMMENTATEURS ET LA GUERRE L’ensemble des mdias nous a docte ment expliqu que la stratgie militaire
La politique amricaine a com menc en zigzag entre folie et sagesse, entre guerre impriale et guerre confdrale, entre rgres sion de conscience et prise de conscience. Aprs ce zigzag entre les deux voies, l’intervention massi ve et continue en Afghanistan va vers la mauvaise, mais la seconde demeure possible. Le temps de rpondre au dfi de la complexit plantaire est venu : il faut reconnatre les ambivalen ces et contradictions prsentes dans tous les champs et tous les camps, il faut reconnatre les rela tions et rtroactions entre le tout et les parties. Nous sommes somms de mener en chacun de nous un grand combat spirituel. L’esprit humain porte en lui les pires des maux, ceux de l’incomprhension, de l’aveuglement, de l’illusion, de la folie. Mais il porte aussi la possibili t de rationalit, de lucidit, de comprhension, de compassion. Dans l’tat barbare actuel du monde, il n’est pas de solution actuelle qui serait vraiment ver tueuse. Il faut la fois viter le pire et aller dans la bonne direction : vers la socitmonde et la terrepatrie. Peuttre faudratil avancer encore plus vers l’abme pour qu’il y ait un vritable sursaut de salut, pour que la socitmonde s’ac tualise en socit des nations et des cultures unies contre la mort. A condition de n’y point sombrer, la catastrophe devient l’ultime chance.
des EtatsUnis tait inepte, incohrente et totalement inefficace, qu’elle provoquait beaucoup de victimes civiles, qu’elle reje tait la population dans les bras des tali bans. Aujourd’hui, on dcouvre que cette stra tgie tait la fois bien conue et efficace, qu’elle a produit un effondrement rapide des talibans et de ses allis et que dans la majorit des cas la population s’est soule ve et a accueilli en librateurs l’opposi tion arme. On peut alors se poser srieusement la question de la dsinformation induite par l’a priori antiamricain qui semble guider la majorit des commentateurs. Ce traite ment partisan de l’information, sous pr texte d’affirmer son indpendance d’es prit, cette faon de se faire le porteparole de la propagande du camp rput adverse, me semble particulirement pervers. Georges Spitzer, SaintCloud (HautsdeSeine)