Quelle solidarité intergénérationnelle ? - article ; n°1 ; vol.14, pg 27-90
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Description

Revue française d'économie - Année 1999 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 27-90
Ecart grandissant entre les niveaux de vie des jeunes et des vieux ; envolée préoccupante des transferts publics à destination des plus âgés (santé, retraite) ; bouleversement des rela- tions et comportements familiaux entre générations (co-résidence prolongée avec les jeunes enfants adultes par exemple). Ces difficultés conduisent à s'interroger sur le bien fondé des solidarités générationnelles (publiques ou privées), censées réduire l'incertitude et mettre en œuvre des réciprocités indirectes, ascendante ou descendante, entre trois générations successives. La discussion permet d'opposer deux visions de l' Etat-providence. Pour les uns, ce rôle serait devenu néfaste : l'action publique serait créatrice d'incertitude et avantagerait indûment les plus vieux dans la lutte des générations. Pour d'autres au contraire, comme G. Becker, l'Etat-providence conduirait à une coopération efficace et équitable entre générations : en les déchargeant du souci du financement de leurs vieux jours, il aiderait les familles modestes ou moyennes à consacrer les investissements appropriés dans l'éducation de leurs enfants. Appliquée aux retraites, cette analyse montre que le débat technique entre répartition et capitalisation n'est souvent que le reflet d'un autre débat, plus politique, concernant l'âge de la retraite ou la durée d'activité.
The widening gap between the well- being of old and young people ; the worrying increase in public transfers towards elderly people ; the change in intergenerational family relations and behaviours (such as the lengthened coresidence with young adult children). These difficulties moti- vate a reassessment of the functioning of (private or public) « solidarities » between generations, which should reduce uncertainty and enforce rules of « indirect » (ascending or descending) reciprocity between three succeeding generations. The discussion enlights two opposite views concerning the role of the welfare state. According to some (liberal) economists, this role has become harmful : public policy now creates uncertainty ; in the conflict between generations, moreover, the state takes sides with the old ones. For others, including Gary Becker, state intervention is part of an advantageous and profitable cooperation between generations, the public support of the elderly allowing poor or middle class families to achieve efficient levels of human capital investments in their children. As far as pensions are concerned, this analysis shows that the technical debate between pay- as-you-go and funded schemes usually conceals a more crucial and political issue, concerning the age of retirement.
64 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

André Masson
Quelle solidarité intergénérationnelle ?
In: Revue française d'économie. Volume 14 N°1, 1999. pp. 27-90.
Citer ce document / Cite this document :
Masson André. Quelle solidarité intergénérationnelle ?. In: Revue française d'économie. Volume 14 N°1, 1999. pp. 27-90.
doi : 10.3406/rfeco.1999.1073
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1999_num_14_1_1073Résumé
Ecart grandissant entre les niveaux de vie des jeunes et des vieux ; envolée préoccupante des
transferts publics à destination des plus âgés (santé, retraite) ; bouleversement des rela- tions et
comportements familiaux entre générations (co-résidence prolongée avec les jeunes enfants adultes
par exemple). Ces difficultés conduisent à s'interroger sur le bien fondé des solidarités générationnelles
(publiques ou privées), censées réduire l'incertitude et mettre en œuvre des réciprocités indirectes,
ascendante ou descendante, entre trois générations successives. La discussion permet d'opposer deux
visions de l' Etat-providence. Pour les uns, ce rôle serait devenu néfaste : l'action publique serait
créatrice d'incertitude et avantagerait indûment les plus vieux dans la lutte des générations. Pour
d'autres au contraire, comme G. Becker, l'Etat-providence conduirait à une coopération efficace et
équitable entre générations : en les déchargeant du souci du financement de leurs vieux jours, il aiderait
les familles modestes ou moyennes à consacrer les investissements appropriés dans l'éducation de
leurs enfants. Appliquée aux retraites, cette analyse montre que le débat technique entre répartition et
capitalisation n'est souvent que le reflet d'un autre débat, plus politique, concernant l'âge de la retraite
ou la durée d'activité.
Abstract
The widening gap between the well- being of old and young people ; the worrying increase in public
transfers towards elderly people ; the change in intergenerational family relations and behaviours (such
as the lengthened coresidence with young adult children). These difficulties moti- vate a reassessment
of the functioning of (private or public) « solidarities » between generations, which should reduce
uncertainty and enforce rules of « indirect » (ascending or descending) reciprocity between three
succeeding generations. The discussion enlights two opposite views concerning the role of the welfare
state. According to some (liberal) economists, this role has become harmful : public policy now creates
uncertainty ; in the conflict between generations, moreover, the state takes sides with the old ones. For
others, including Gary Becker, state intervention is part of an advantageous and profitable cooperation
between generations, the public support of the elderly allowing poor or middle class families to achieve
efficient levels of human capital investments in their children. As far as pensions are concerned, this
analysis shows that the technical debate between pay- as-you-go and funded schemes usually
conceals a more crucial and political issue, concerning the age of retirement.André
MASSON
Quelle solidarité
intergénérationnelle ?
J. qu'un la temps autrement l'épargne Rawls mesure « avantage phénomène [1971] et pour où du ces travail des inéluctablement souligne dernières auteurs naturel de rai leurs que comme tant », profitent le aînées. il de les déroulement rappelle Alexander la générations justice Si sans lui-même qu'il entre Herzen contrepartie irréversible en futures, générations, allait ne ou voit Kant. dans tout du de là 28 André Masson
Le philosophe de Kônisberg s'avouait notamment déconcerté
par le fait que les générations antérieures doivent se sacrifier
dans l'intérêt des suivantes : l'idée que l'on puisse agir pour
sa postérité mais que celle-ci ne puisse rien, en retour,
vous lui paraissait une véritable injustice chronologique.
Cette vision kantienne reflète sans doute une « forme
extrême d'aliénation - d'aliénation à l'égard de sa propre exis
tence » : elle oublie en effet que la survie par les siens — ou, plus
généralement, le fait de constituer le maillon actuel d'une chaîne
indéfinie de générations — offre le moyen de transcender sa
condition mortelle et de se projeter dans l'avenir au-delà de sa
propre finitude (Dasgupta [1994] pp. 126-127). Mais elle manif
este aussi une croyance indéfectible dans le progrès qui n'est plus
guère partagée de nos jours. Les legs positifs ou prometteurs
laissés par les générations précédentes comportent de plus en
plus souvent une contrepartie négative ou inquiétante : pollu
tion et exploitation des ressources non renouvelables sont la ran
çon de capacités de production élevées ; l'énergie nucléaire comp
orte des dangers civils ou militaires ; la sécurité sociale engendre
des droits acquis particulièrement lourds en faveur de nos aînés...
Une injustice chronologique à rebours
Le philosophe F. Guery suggère ainsi que nous serions entrés dans
une nouvelle ère de la culpabilité et de la responsabilité. Si les
anciens n'étaient comptables que du poids de leurs fautes per
sonnelles dans la quête de leur salut, nous sommes devenus au
XIXe siècle, avec l'émergence de l'Etat-providence, des êtres
sociaux, liés indissociablement aux autres par des responsabilit
és et des obligations mutuelles, puis, plus récemment sans doute,
des êtres générationnels : nous devons assumer les charges comme
les héritages laissés par nos prédécesseurs, et prendre à notre
tour, en matière d'environnement, d'assurance sociale ou de
dette publique..., des décisions lourdes de conséquence qui enga
gent le sort de nos descendants sur un avenir incertain et tou
jours plus lointain (cf. F. Guéry [1996] « Le temps du souci », Masson 29 André
Magazine littéraire n° 345 juil.-août : l'auteur évoque « ces années
grises qui s'annoncent à perte de vue »).
Succédant à l'embellie des « Trente glorieuses », les vingt
dernières années de croissance ralentie, qualifiées entre autres
de « molles », « pâteuses » ou même « piteuses », n'ont fait que
renforcer et répandre cette vue pessimiste de l'évolution. La der
nière période a en effet été marquée par une dégradation rela
tive, voire absolue depuis 1990, du sort des jeunes ménages,
s'accompagnant d'une amélioration constante du niveau de vie
des plus âgés. Pour la première fois depuis longtemps, les jeunes
risquent de ne pas faire (au moins) aussi bien que leurs parents.
A l'inverse, un nombre croissant de personnes âgées, naguère en
majorité pauvres, vulnérables et démunies, bénéficiera d'une
condition plus enviable que celle de leurs enfants - ce qui n'est
pas sans conséquence sur la direction et le contenu de l'entraide
familiale.
De nouveaux défis
Simultanément, un discours en vogue souligne la montée de
l'individualisme et la crise des solidarités tant publiques que pri
vées. La solidarité familiale pâtirait de l'instabilité des unions, de
l'augmentation des divorces et de la multiplication des familles
monoparentales1 ; et le soutien aux parents âgés deviendrait de
plus en plus problématique en raison de l'allongement de l'e
spérance de vie, du suivi médical prolongé, de la dispersion géo
graphique de la fratrie, du relâchement de certaines valeurs famil
iales et de la moindre disponibilité des femmes actives.
Surtout, l'Etat-providence apparaît menacé d'explosion :
le ralentissement de la croissance et le vieillissement de la popul
ation ont engendré une augmentation des prélèvements obli
gatoires de moins en moins bien supportée, alors que la montée
de l'exclusion et la diffusion de poches de pauvreté révèlent les
pannes de plus en plus préoccupantes du système de protection
sociale. En outre, l'envolée des dépenses en faveur des plus âgés
(retraite, santé) et l'absence de perspectives claires, à long terme, 30 André Masson
pour les politiques de redistribution créent des incertitudes pour
l'avenir (« on paie, mais on ne sait plus à quelle sauce on sera
mangé »).
Ce

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