Réflexions sur la crise actuelle (I) - article ; n°2 ; vol.2, pg 35-60
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Description

Revue française d'économie - Année 1987 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 35-60
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Boyer
Réflexions sur la crise actuelle (I)
In: Revue française d'économie. Volume 2 N°2, 1987. pp. 35-60.
Citer ce document / Cite this document :
Boyer Robert. Réflexions sur la crise actuelle (I). In: Revue française d'économie. Volume 2 N°2, 1987. pp. 35-60.
doi : 10.3406/rfeco.1987.1141
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1987_num_2_2_1141Robert
BOYER
Réflexions sur la crise
actuelle (I)
'un des traits marquants de la der
nière décennie a sans doute été de faire jaillir un paradoxe
majeur : c'est au moment même où les sociétés industrielles et
le système international sont soumis à des tensions sans pré
cédent et à des remises en cause parfois radicales que la profes
sion des économistes prend conscience de l'extrême fragilité
de ses constructions théoriques, tout particulièrement en
matière d'analyse macro-économique. 36 Robert Boyer
Le caractère incertain des conseils de politique
économique, loin de constituer un simple accident, résulte,
semble-t-il, de difficultés profondes, révélatrices de l'état des
économies comme de celui de la théorie. D'abord, celle de
reconstruire une théorie permettant d'analyser rétrospectiv
ement les conditions de succès puis les difficultés croissantes de
la représentation keynésienne et de ses conceptions en
matière d'interventions publiques. Même si le message novat
eur de la Théorie générale n'a pas encore livré tous ses fruits et
que s'amorce un retour du balancier, il se pourrait que les suc
cesseurs de Keynes aient été quelque peu aveugles sur les con
ditions structurelles qui faisaient de leur modèle simplifié une
approximation satisfaisante en vue de stabiliser les petites flu
ctuations d'une économie en forte croissance. Ensuite et sur
tout, ce sont les ressorts de cette dernière qui font aujourd'hui
problème, alors même que les enchaînements conjoncturels
apparaissent de plus en plus erratiques. Cette incertitude n'est
pas sans relations avec l'ampleur et la variété des transformat
ions qui affectent les bases de la croissance passée : la remise
en cause de l'ancien système technique, la vigueur des inno
vations financières, la multiplication des pressions faisant de
l'Etat le lieu de socialisation de la plupart des déséquilibres
accumulés dans l'économie, le basculement des conventions
qui régissaient les relations capital/travail, ou encore le pro
tectionnisme rampant sous l'adhésion aux vertus du libre-
échange, témoignent de l'éloignement par rapport aux
« trente glorieuses»... tout comme de l'intérêt d'un retour sur
l'entre-deux-guerres qui permit l'émergence du fondamental
isme keynésien.
Le présent article avance l'hypothèse que les diff
icultés contemporaines des théories économiques tiennent
pour une part notable à l'évacuation du concept de crise, et,
simultanément, à une quasi mise en jachère des analyses de la
croissance. Or cette alternance rythme l'histoire longue des
économies capitalistes et fait mieux ressortir le caractère Robert Boyer 37
exceptionnel des évolutions économiques et sociales enregis
trées après la Seconde Guerre mondiale. S'impose donc la
construction d'un modèle de croissance, même simple, incor
porant les traits essentiels de cette période. Il est ainsi possible
d'expliciter les différentes transformations structurelles
conduisant au basculement d'une croissance rapide et stable
vers une quasi-stagnation marquée par d'amples mouvements
conjoncturels. On peut alors caractériser certains des effets de
moyen-long terme des politiques actuelles, et, a contrario,
réfléchir sur certaines stratégies alternatives.
I/arlésienne ou la crise introuvable
II n'est peut-être pas inintéressant de dresser une brève chro
nologie des perceptions de la crise par les gouvernements et
l'opinion publique, avant d'insister sur les ambiguïtés sémant
iques de ce vocable. En effet, dans les années soixante, seuls
quelques économistes marxistes continuaient à faire référence
à la possibilité, voire à la nécessité d'un retournement du
dynamisme de l'accumulation. Le reste de la communauté
des économistes avait fini par se persuader que les politiques
contra-cycliques d'inspiration keynésienne permettaient aux
économies modernes d'opérer durablement au voisinage du
plein-emploi. Pour sa part, le rythme de croissance à moyen-
long terme était déterminé par l'intensité de la substitution
capital/travail et par les évolutions supposées exogènes de la
population active et du progrès technique.
Aussi ne fallut-il pas moins d'une décennie pour que
soient perçues l'ampleur et la profondeur du renversement
intervenu à la fin des années soixante. Pourtant, les problè
mes de productivité et de rentabilité aux Etats-Unis, les
premières crises financières de la livre, puis du dollar, et l'accé
lération de l'inflation constituaient autant de signes avant-
coureurs. Dans ces conditions, renchérissement des matières 38 Robert Boyer
premières puis le premier choc pétrolier furent d'abord inter
prétés comme une confirmation des idées popularisées par le
club de Rome, à savoir le blocage de la croissance par épuis
ement des ressources naturelles. Mais, dans un second temps,
l'extraordinaire souplesse dont fit preuve le système financier
pour recycler les pétrodollars suggéra que les déséquilibres ne
concernaient finalement que le secteur énergétique : sector
iels, ils ne désignaient qu'une phase d'ajustements transitoi
res à des tendances de long terme quasi inchangées.
Il fallut attendre la fin des années soixante-dix
pour que percent les premiers doutes : échec des relances
nationales, difficulté d'une reprise concertée à l'échelle inter
nationale, danger d'une inflation à deux chiffres pour la stabil
ité du système financier international, renforcement de la
contrainte extérieure et impératif de compétitivité. En France,
le gouvernement Barre est représentatif de cette perception :
implicitement tout au moins, il était supposé qu'une paren
thèse dans la croissance du salaire réel et un contrôle plus
strict de la monnaie devaient, à terme, replacer l'économie
française sur sa trajectoire de croissance.
Ce n'est qu'avec la montée rapide du chômage, puis
le basculement quasi général vers les politiques conservatrices,
que commencent à être reconnus les facteurs structurels de
blocages. C'est le long travail de sape de la crise que de faire
apparaître comme nécessaires, à une fraction croissante de
l'opinion publique, différentes transformations affectant les
bases mêmes de la croissance antérieure. Dans l'organisation
de la production, on délaisse les grandes usines rigides, traver
sées de conflits sociaux, pour les petites unités conviviales et
flexibles. Au sein des relations patronat-syndicats apparais
sent une décentralisation des négociations et une différencia
tion des salaires en fonction des résultats financiers de l'entre
prise et du mérite individuel. Parallèlement les interventions
publiques se réduisent grâce aux déréglementations, aux
dénationalisations et à la rigueur accrue dans la gestion des Robert Boyer 39
systèmes de couverture sociale.
Pourtant, ce n'était pas là le terme du chemin de
Damas des gouvernements et de leurs conseillers. En effet, les
économistes prônant un retour aux bons vieux mécanismes
du marché et de la concurrence promettaient des résultats
rapides, et spectaculaires en matière d'investissement, de
croissance et donc d'emploi. Ils n'étaient pas sans sous-estimer
les obstacles à un tel programme dont la cohérence, au
demeurant, était loin d'être acquise. En ce milieu de l'année
1987, bien des illusions sont tombées : rares sont ceux qui
osent encore présenter comme un succès la politique des
conservateurs anglais. Quant aux Etats-Unis, l'euphorie de la
reprise de 1984 est aujourd'hui dissipée, au point que tout un
chacun est à m&

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