Ah dans ses propres pas que marcher estétrange Comme tout a changéet comme rien ne change Cette ville n’est plus la même après vingt ans Et c’est toujours la même et c’est la même neige Lesétoiles des tours les longs murs le Manège Mais la nuit n’est plus noire et j’ai les cheveux blancs Je ne reconnais plus les endroits oùje passe Pouchkine a traversédepuis longtemps la place Et maladroitement comme des motsécrits Les grilles des jardins sur la candeur d’hiver Semblent recopier pour les couples ses vers Le long des boulevards faits pour la flânerie On sourira de nous pour le meilleur de l’âme On sourira de nous d’avoir aiméla flamme Au point d’en devenir nous-mêmes l’aliment Et comme il est facile après coup de conclure Contre la main brûlée en voyant sa brûlure On sourira de nous pour notre dévouement Quoi je me suis trompécent mille fois de route Vous chantez les vertus négatives du doute Vous vantez les chemins que la prudence suit Eh bien j’ai donc perdu ma vie et mes chaussures Je suis dans le fosséje compte mes blessures Je n’arriverai pas jusqu’au bout de la nuit Qu’importe si la nuitàla fin se déchire Et si l’aube en surgit qui la verra blanchir Au plus noir du malheur j’entends le coq chanter Je porte la victoire au coeur de mon désastre Auriez-vous crevéles yeux de tous les astres Je porte le soleil dans mon obscurité