Esthétique et schéma dans la peinture d'Herbin (1882-1960)

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Esthétique et schéma dans la peinture d’Herbin (1882-1960)

Madeleine Bruch Critique d'art http://www.artemis.jussieu.fr/hermes/hermes/actes/ac9495/09ac9495mb.htm#d%E9but

Ce sont les théories de Goethe dont se prévaudra le peintre Auguste Herbin et principalement dans la dernière partie de son œuvre, correspondant à la création d’un " alphabet plastique " basé sur un " schéma " élaboré par lui-même, ainsi qu’à la série de tableaux réalisés avant sa mort.

Pour ces raisons, je me suis intéressée à l’évolution de ce peintre né en 1882, qui a traversé successivement la plupart des mouvements esthétiques novateurs de la première moitié de notre siècle, - hormis le surréalisme et le dadaïsme - d’où la présente communication intitulée " Esthétique et schéma dans la peinture d’Herbin ".

Années de jeunesse

Herbin a reçu, à l’école municipale du Cateau-Cambrésis où résident ses parents, ouvriers dans une usine de filature et de tissage de la laine, une formation de dessinateur industriel. C’est après avoir obtenu les plus hautes récompenses de cette école, qu’il obtient une bourse lui permettant d’embrasser la carrière artistique.

Les premières toiles, dès les années 1900-1901 montrent comme le remarque Serge Fauchereau un bel usage de la couleur malgré les thèmes choisis, tels que : " Paysage nocturne à Lille " ou " Toits de Paris sous la neige ". La technique est impressionniste et donne des effets de vibrations lumineuses ; mais déjà les tableaux sont structurés avec des oppositions de lignes horizontales et verticales, des formes géométriques qui s’affirment. Les façades rectangulaires des maisons et les grands troncs verticaux des arbres rythment le " Paysage nocturne à Lille ". Dans le " Quai vert à Bruges " et le " Lac d’amour à Bruges ", les arcs de cercles parfaits dessinés par les arches d’un pont et leur reflet dans l’eau, une coupole, le cylindre d’une tour et le cône d’un clocher net comme une épure, mettent en présence les éléments de la célèbre formule Cézanienne :" traiter "la nature par le cylindre, la sphère, et le cône , bien que la facture ne rappelle en rien ce maître, comme le feront d’autres toiles postérieures.

Ainsi par exemple, le modelé et le rendu des fruits et objets de la " Nature morte aux fruits " datée de 1904 ; cependant dans ce tableau, le traitement du fond correspond à une vision novatrice de l’espace, avec des taches rectangulaires verticales ponctuant régulièrement le mur, sur lequel se détachent les objets et les fruits, le plan de la table étant indiqué en continuité de ce fond, par des taches similaires mais orientées horizontalement. Herbin cherche déjà des formules nouvelles d’expression. Les œuvres qu’il peint à partir de 1907 présentent des affinités avec les expressionnistes allemands du groupe " Die Brücke ", et avec les Fauves français. Cette année là, Herbin a rencontré en Corse le marchand Wilhelm Uhde, qui s’intéresse à ce type de peinture.

Il est certain qu’une toile telle que " Le Pont de bois ", pourtant datée de 1906, rappelle par l’ampleur de la touche et l’audace des couleurs, Kirchner, Nolde et encore plus Schmidt-Rottluff, par la puissance de vision.

Les " Quais du port de Bastia " apparaissent par contre liés au fauvisme avec des taches divisionnistes pour représenter l’eau et une grande liberté dans l’emploi de la couleur. Le peintre cherche à interpréter la nature plus qu’à la reproduire.