La République des Pictons - article ; n°3 ; vol.126, pg 532-559
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1982 - Volume 126 - Numéro 3 - Pages 532-559
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 118
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Gilbert-Charles Picard
La République des Pictons
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 126e année, N. 3, 1982. pp. 532-
559.
Citer ce document / Cite this document :
Picard Gilbert-Charles. La République des Pictons. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, 126e année, N. 3, 1982. pp. 532-559.
doi : 10.3406/crai.1982.13972
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1982_num_126_3_13972COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 532
COMMUNICATION
LA RÉPUBLIQUE DES PICTONS,
PAR M. GILBERT CHARLES PICARD, CORRESPONDANT DE L* ACADÉMIE
La plus vaste des « républiques » gallo-romaines est aussi une des
plus mal connues1. Sous l'empire, le territoire des Pictones ou Pictavi
couvrait non seulement en entier celui des actuels départements de
la Vienne, des Deux-Sèvres et de la Vendée, mais aussi le sud du
Maine-et-Loire et de la Loire-Atlantique, la Loire leur servant de
frontière avec les Namnètes, les Andecaves et les Turons, soit plus
de 25 000 km.
J. Hiernard2 a établi que jusqu'à César, leur domaine était beau
coup plus restreint ; ayant pour cœur le seuil du Poitou, il se prolon
geait au nord jusqu'au territoire turon, qui commençait au même
endroit que le département d'Indre-et-Loire, à Ingrandes-sur-
Vienne (Equoranda) ; au nord-ouest, il englobait le pays de Loudun ;
au sud et au sud-ouest il contrôlait le golfe dont le colmatage a
donné le marais poitevin et qui était alors le centre d'une intense
activité maritime avec l'embouchure de la rivière Canentelos et son
port3 (fig. 1).
1. Il n'existe aucun ouvrage d'ensemble consacré aux Pictons. G. Dez a traité
des siècles de romanisation dans Histoire du Poitou, Paris, 1976, p. 50-89, et
de Poitiers antique dans Histoire de Poitiers (Mem. de la Soc. des Antiquaires de
l'Ouest, 1969). Goessler, Pictones, R.E. XX, 1, 1941 c. 1203-1213. R. Thouvenot,
Limonum dans Princeton Enciclopedia of Classical Sites. Notre connaissance du
Poitou antique a été renouvelée depuis 1942 par les fouilles de la Direction des
Antiquités de Poitou-Charentes, dont les responsables ont été, après F. Eygun,
admirable connaisseur de la région, G. Nicolini et J. C. Papinot. Les résultats
sont exposés dans les chroniques de Gallia, dans le Bulletin de liaison de la Direc
tion des Antiquités (cité ci-après BLI), ainsi que dans les catalogues d'expositions :
Poitiers gallo-romain, 1978 ; Poitiers, Archéologues d'hier, archéologie d'aujour
d'hui, (1981) La Vienne à l'époque gallo-romaine, 1982 (cités ci-après Exp. avec
la date).
2. Géographie monétaire du Poitou antique, Bull, de la Soc. des Antiquaires de
l'Ouest (BSAO) XIV, 1977, pp. 39-55 ; Poitou et Vendée avant les Romains,
Ann. Soc. Emul. Vendée, CXXVI, 1979, p. 45-111.
3. Ptolémée II, 7, 1, nomme du sud au nord de Santonion acron, Kanentelos
potamos, Pictonion acron, Sicor limen. A. Grenier, MAGR, VI, 51, identifie le
Canentelos à la Vie ; mais ce cours d'eau insignifiant n'a gardé aucune trace
notable d'activité, tandis que les rivages de l'ancien golfe sont d'une extrême
richesse archéologique ; il vaut mieux donc avec L. Maurin et F. Tassaux,
Gallia, 37, 1979, 2, p. 270 voir dans le cap Picton l'entrée du golfe et dans le
Ganentelos la Sèvre Niortaise, avec pour port soit une ville homonyme, soit
Niort. RÉPUBLIQUE DES PICTONS LA 533
• IVLIUMAGUS AESARODUNUM
CONDEVINOUM^v— >^_
BITUFEES CUBI
RGENTO^AGUS ^"
HHBliBiMlB^ MEDIOLARUM
Fio. 1. — Carte archéologique du Poitou,
L'extension considérable de l'état picton à la fin de la guerre des
Gaules fut le fruit de la politique d'un homme qui dès le début avait
secondé César, Duratios. On devine déjà son action lorsqu'en fin 57,
le jeune Crassus vient hiverner en Anjou avec la VIIe Légion. Pour
approvisionner ses hommes, le légat fit réquisitionner du blé chez
les Armoricains : les Vénètes du Morbihan, les Coriosolites des Côtes-
du-Nord, et les Ésu viens de l'Orne, c'est-à-dire sur des terres
impropres aux céréales du Massif armoricain, épargnant les riches
plaines calcaires du Poitou. Il s'agissait évidemment de provoquer
sciemment les Armoricains, en favorisant les Pictons et les Santons
qui s'étaient rangés dans l'alliance romaine ; le but recherché était
l'anéantissement du monopole commercial des Vénètes en Atlan
tique et en Manche, qui indisposait aussi bien les hommes d'affaires
romains que les négociants et armateurs de ces deux peuples. Santons
et Pictons mirent d'ailleurs leur flotte à la disposition de Brutus
contre les Vénètes.
En 52 cependant un contingent picton de 8 000 hommes participe COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 534
à l'expédition de secours d'Alésia. Hirtius garantit que Duratius
n'avait pas approuvé cette décision ; en fait une partie de la civitas
avait fait défection et s'était révoltée contre lui4. Tandis qu'une
partie des insurgés marchait au secours de Vercingétorix, les autres
bloquaient Duratios dans le plus important des oppida pictons,
Limonum, dont il restait maître. Ses adversaires étaient renforcés
d'alliés venus des cités voisines et commandés par l'Ande Dum-
nacus.
Délivré en 51 par les légats Caninius et Fabius, Duratius reçoit
de César le gentilice de Iulius, véritable titre de noblesse, qu'il fut
un des premiers à obtenir5. Pour mieux marquer son lien personnel
avec le dictateur, il met au droit de ses monnaies la tête de Vénus.
Investi ainsi d'un pouvoir vraiment royal, il règne sur un territoire
élargi vers le nord jusqu'à la Loire, englobant notamment l'impor
tant port de Ratiata en face de Condevincum, la capitale des Nam-
nètes, et toute la Vendée, où J. Hiernard situe l'habitat des Ambi-
liati, petit peuple appartenant jusque-là à la confédération armor
icaine6.
Ces mesures nous paraissent caractéristiques de la politique per
sonnelle de César ; loin de vouloir démanteler les civitates gauloises
pour les ramener à la taille de poleis méditerranéennes, il cherche à les
élargir, en fait de véritables royaumes qu'il confie à ses fidèles, avec
qui il établit un lien personnel en leur conférant son gentilice.
Nous ignorons la durée du règne de Duratius. Mais les dispositions
prises en sa faveur par César vont dominer toute l'histoire de son
peuple jusqu'à la fin du 11e siècle de notre ère. D'une part elles
donnent à la respublica les moyens d'un rapide essor économique ;
mais d'autre part elles introduisent entre ses habitants une discrimi
nation qui ne sera jamais surmontée, faisant des uns des privilégiés
et des autres des déshérités. Cette discrimination engendrera des
haines qui se transmettront de génération en génération, et qui
finiront par entraîner la ruine de la civitas.
Les fouilles extrêmement précises menées ces dernières années en
Poitou par la Direction régionale des Antiquités, sous la conduite
de G. Nicolini et J. C. Papinot, permettent d'affirmer que la civitas
a connu une grande prospérité de la conquête au milieu du 11e siècle
(fig- 2).
Cette prospérité se marque d'abord dans le développement de la
4. B. G. VIII 26, 1 : (Duratius) qui perpetuo in amicitia manserat Romanorum
cum pars quaedam civitatis eius defecisset.
5. J. F. Drinkwater, The rise and fall ofthe Gallic Julii, Latomus, XXXVIII,
4, 1978, p. 826, n. 55. Monnaies de Duratius : B.N. 4479-4482. A. Blanchet, Traité,
p. 298 ; G. Fabre, L'art gaulois, pi. XVI, 29. J.B. Colbert de Beaulieu, Hom.
A. Grenier, 1962, p. 431 sq.
6. Supra, n. 2. LA REPUBLIQUE DES PICTONS 535
•S-
2. — Plan de Poitiers gallo-romain. Fig.
capitale7. Limonum est restée implantée sur le site de l'oppidum
de Duratius : un éperon déterminé par le confluent de la Boivre avec
le Clain, accessible seulement par le sud. Au temps de l'indépendance,
le centre de l'agglomération paraît avoir coïncidé avec le sommet de
l'oppidum, occupé par un sanctuaire proche de l'actuelle préfecture ;
les fouilles menées depuis 1973 ont permis d'identifier le forum
romain nettement plus à l'est, au centre de la pr

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