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L’artiste contemporain chinois à la recherche de son identité 1976. Mao Zedong, le Grand Timonier, le « petit père du peuple » meurt. Avec lui, c’est tout un pan de la société chinoise qui est à refaire. Reprenant les rênes du pays derrière lui, Deng Xiaoping décide de rouvrir le pays au monde extérieur, à ses marchés, ses cultures, ses arts. C’est la naissance d’un art contemporain chinois enfin délesté du carcan du réalisme socialiste. Les artistes chinois, et leurs œuvres affluent sur le marché de l’art mondial. Un engouement neuf s’éveille. Les œuvres gagnent rapidement en valeur, le public et les professionnels s’intéressent de près à l’art chinois contemporain. Mais quand en 1989 éclatent les événements de Tian’anmen, l’espoir semble s’éloigner, l’engouement est de courte durée. Afin de conserver leur liberté nouvellement acquise, nombre d’artistes décident de quitter la Chine, de partir s’installer en Europe, aux États-Unis… L’Exil prend des proportions. L’art contemporain chinois croît en intérêt pour le marché mondial, tout le monde veut voir de « l’art chinois », y compris chez les exilés. Mais bientôt cet intérêt s’épuise, et les artistes chinois en ont eu assez de n’être vus que comme des « artistes du pays ». Ces événements conjugués font que de nombreux artistes d’origine chinoise tentent de s’affranchir de leur « identité chinoise ».

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Publié le 16 février 2013
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L’artiste contemporain chinois à la recherche de son identité
1976. Mao Zedong, le Grand Timonier, le « petit père du peuple » meurt. Avec lui, c’est tout un pan de la société chinoise qui est à refaire. Reprenant les rênes du pays derrière lui, Deng Xiaoping décide de rouvrir le pays au monde extérieur, à ses marchés, ses cultures, ses arts. C’estla naissance d’un art contemporain chinois enfin délesté du carcan du réalisme socialiste. Les artistes chinois, et leurs œuvres affluent sur le marché de l’art mondial. Un engouement neuf s’éveille. Les œuvres gagnent rapidement en valeur, le public et les professionnels s’intéressent de près à l’art chinois contemporain. Mais quand en 1989 éclatent les événements de Tian’anmen, l’espoir semble s’éloigner, l’engouementest de courte durée. Afin de conserver leur liberté nouvellement acquise, nombre d’artistes décident de quitter la Chine, de partir s’installer en Europe, aux États-Unis… L’Exil prend des proportions. L’art contemporain chinois croît en intérêt pour le marché mondial, tout le monde veut voir de « l’artchinois »,y compris chez les exilés. Mais bientôt cet intérêt s’épuise, et les artistes chinois enont eu assez de n’être vus que comme des « artistes du pays ».
Ces événements conjugués font que de nombreux artistes d’origine chinoise tentent de s’affranchir de leur «identité chinoise». Yi Zhou parcourt les nombreuses cultures occidentales de la Grèce antique à l’Italie, Shen Zhen refuse de n’être qu’un «peintre chinois »mais revendique une citoyenneté mondiale, etc. C’est la naissance dans l’art contemporain chinois d’un traumatisme de l’identité, d’une crise de l’individu. Peindre Mao n’intéresse plus les artistes, c’est un temps révolu, même si encore fortement présent dans les esprits. Ils veulent parler d’autre chose, s’exprimer autrement. Être vus comme des artistes sur le marché mondial, et non comme des artistes chinois uniquement. Jamais peut-être la question de l’origine de l’artiste n’a été aussi prépondérante que ces dernières années avec l’art contemporain chinois. Devoir constamment «faire avec» son origine, ou lutter contre, au risque de se perdre soi. D’une manière ou d’une autre, l’origine chinoise d’un artiste donne du symptôme dans son œuvre.
Comment s’exprime donc le «traumatisme chinois» dans l’art contemporain? Dans un monde où chaque culture, avec les moyens de communication actuels, peut se confronter, se mêler, se nourrir et apprendre d‘une autre, est-il possible de renier sa culture d’origine ?Nait-on chinois pour la vie ?
Au travers des analyses de plusieurs artistes exilés ou non, nous tenterons de donner une réponse à la question de l’identité dans l’art contemporain chinois. Mais commençons tout de suite par analyser l’œuvre d’un des plus fameux artistes chinois ayant eu feu sur le marché mondial : Shen Zhen.
Shen Zhen est connu comme étant l’un des grands noms de l’art contemporain chinois. L’artiste, mort en 2000 à Paris, a passé une grande partie de sa vie entre la Chine et la France. Né à Shanghai en 1955, il apprend ses bases à l’École des Beaux-Arts et Arts appliqués de Shanghai, où il devient professeur en 1976. Ayant affirmé ainsi sa maîtrise des arts en Chine, Shen Zhen part à Paris en 1986, et réévalue ses connaissances en étudiant dans l’École des
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Beaux-Arts de la capitale française. Il y reproduira son parcours chinois, en entrant comme professeur à la suite de ses études, à Paris et à Nancy.
Shen Zhen est donc un artiste certes d’origine chinoise, mais fortement occidentalisé. Ayant soumis ses connaissances et son savoir à la lumière des études d’Arts de Paris, il y est reconnu comme maître dans les arts tel que défini en occident. Et ce double parcours franco-chinois d’étude artistique révèle bien l’ambiguïté de sa relation à son identité.
«Même s’il m’est arrivé de participer à des expositions d’artistes chinois, je n’ai jamais eu le sentiment de représenter 1 la Chine» .
Quand l’artiste présenteLa Chose la plus importante (1990), sa carte d’identité chinoise couplée avec son passeport provisoire français, c’est en réaction à la tendance du public à s’attendre d’un chinois de l’« artchinois ».Face à cette attitude naïve, le geste premier de l’artiste pour Shen Zhen doit être de montrer sa pièce d’identité, de rétablir ainsi la « vérité » sur son identité et de balayer toute attente faussée et spéculative de l’œuvre, en occultant ainsi son interprétation correcte (s’il y a lieu de parler ainsi). Oui, Il est d’origine chinoise, mais il n’est pas QUE chinois, et le réduire à cette identité serait une erreur préjudiciable pour lui comme pour le public.
Ainsi, Shen Zhen comprend rapidement après son arrivée à Paris qu’il doit écarter ce pan oppressant de son origine afin de pouvoir toucher le public de la manière qu’il souhaite. Une naissance dans un pays n’enferme pas son ressortissant entre les murs ethniques. L’homme évolue, change,c’est un droit inaliénable. L’artiste se revendique «citoyen mondial». Il se nourrit de toutes les cultures, et son travail reflète fortement son double héritage culturel et artistique franco-chinois. Ainsi, lorsqu’il nous présenteFu Dao/Fu Dao, Upside-down Buddha – Arrival at Good Fortune (1997),un bosquet de bambous où sont suspendues des figurines de Bouddha noyées au milieu d’objets de récupérations, c’est pour ensuite nous montrer en 2000 uneBlack Room, grand balai constitué de tubes de transfusion sanguine et de seringues qui raclent et saignent l’objet à nettoyer dans un élan de purification par la douleur toute christique. Une double ascendance orientale et occidentale baignée dans la biosphère naturelle, mêlant dans une exposition les images de la méditation et de la purification, de la rédemption… Et ces instruments de la médecine occidentale sont mis face à face avec l’art médicinal orientale dans laDiagnostic Room, toujours en 2000, où sont exposées des schémas du corps humain, géographie à étudier dans la pratique de l’acupuncture. Un constant va-et-vient de l’artiste dans ses références culturelles, avec à chaque fois comme point de mire l’homme à soigner, l’homme éphémère et diversifié, chinois, français ou autre, au milieu de la nature immuableet éternelle.
Mais après un artiste qui dans son Œuvre fait un trait d’union entre deux cultures et deux pays, voyons une artiste qui elle diffuse son origine chinoise dans une multiplicité de cultures occidentales : Yi Zhou.
Yi Zhou, jeune artiste sino-italienne, est elle aussi un exemple de double culture. Quittant la Chine à 9 ans pour Rome où elle étudie les beaux-arts, elle travaille maintenant entre Paris et Hong-kong. Son Œuvre s’inspire clairement autant de la Grèce antique dans ses mythes et son architecture ( laDaphné Roomde 2005 inspirée du mythe grec de Daphné et Apollon, et
1 http://www.palaisdetokyo.com/chenzhen/lachoselaplusimportante.html.
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son travail sur les colonnes dans1280 Towers) que dans la littérature italienne ( comme le prouve sonThree Cantos -Prefiguration : Inferno, Purgatotio, Paradisoinspiré de laDivina commediade Dante) , mais toujours sous-tendue par la question de l’identité. Car n’essaie-t-elle pas, dans cette multiplicité de références à l’art et la culture européenne, de revendiquer en quelque sorte son appartenance à cette culture, en «reniant »de ce fait son origine chinoise ? On dit que lorsque l’on quitte son pays d’origine, la langue d’origine reste figée à l’état du traumatisme. En est-il de même pour l’identité culturelle ?
Lorsque nous regardonsAbout Seana, une de ses œuvres vidéo, nous sommes en droit de penser que oui: une silhouette toute blanche de fillette modélisée en trois dimensions se désagrège lentement dans des explosions de pétales jusqu’à ce qu’il ne reste rien d’elle explicite clairement l’impression de fragmentation, de déstructuration de son identité à l’époque de son enfance, époque que l’on sait fondamentale dans la construction de l’individu. Yi Zhou tenterait-elle de faire l’impasse sur un passé qui la poursuit malgré elle, en invoquant un héritage italien et grec pour lui venir en aide à la manière de Daphné demandant 2 l’aide de son père qui la transforme en laurier pour échapper à Apollon? Ouest-ce un assassinat, une mise en scène de la disparition de cette fillette chinoise qu’elle était, et qui restait probablement tapie en elle? Quoi qu’il en soit, l’acte, comme le souvenir, est douloureux, et c’est accompagné deLacrymosadu requiem de Mozart que nous assistons à la défragmentation d’une fillette pâle comme un fantôme, et qui semble vouloir retourner à la poussière.
De même, dans «Dreamscape »,à la galerie Jérôme de Noirmont de Paris en 2005, la division de son exposition en plusieurs salles à l’univers et au caractère à chaque fois bien défini ne reflète-t-elle pas les multiples chemins empruntés par l’artiste touche-à-tout dans la construction de son univers hétéroclite ? Après uneDaphné Roombasée sur le mythe grec de la transformation, laRed Thin Line Room semblerépondre à l’imagerie des flux taoïstes chinois : une ligne rouge, sorte de fil d’Ariane, court sur les murs, le sol, le plafond… Et au travers d’un écran qui anime et donne un mouvement aléatoire à ce fil. Un fil qui oscille, mais qui peut aussi renvoyer à des jeux d’enfants, où un simple fil de laine peut prendre toutes les formes possibles entrelacées dans les doigts. Enfin laDrawing Room, où Yi Zhou montre une nouvelle facette de ses talents au travers de la peinture de portraits en référence au travail du peintre américain John Singer Sargent, étendant références culturelles jusqu’aux USA; au risque d’étioler encore cette identité chinoise qui s’effile seule dans sa pièce ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, lorsque Yi Zhou évoque clairement la Chine, c’est sous la forme du drapeau rouge aux étoiles jaunes, sous le titreThe End of Communism: une animation flash montrant la grande étoile du drapeau tenter sans succès d’imprimer son mouvement aux autres petites étoiles, avant de tomber, et de laisser libre champs à celles-ci, qui s’envolent faire leur vie 3 hors du drapeau…Quand la grande Chine dort, les autres cultures dansent.
Analysons maintenant quelques œuvres d’un artiste qui tente lui, non pas d’oublier ou de faire oublier son origine chinoise, mais de s’en servir comme renouveau de son propre art, de l’art d’autres cultures, et ainsi du renouveau de l’art contemporain chinois.
Zan Jbai, tout jeune artiste qui vit et travaille à Pékin, et dont la première exposition remonte à 2006. L’artiste, né en 1980, suit un parcours en deux temps qui ressemble à celui de Shen Zen. Après avoir achevé ses études à l’Académie des Arts de Hangzou en Chine en 1999, il vient à Paris suivre un second cursus aux Beaux-Arts dont il sort diplômé en 2007.
2 « Daphné et Apollon »,inLes Métamorphosesd’Ovide. 3 http://www.yi-yo.net/works, site officielle de Yi Zhou.
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Mais il n’attend cependant pas d’être sorti des bancs de l’école pour commencer à exposer à Genève, dans la galerie Bertrand et Gruner, saDisappearance, dont le titre donne le ton de toute son Œuvre jusqu’à présent.
Car de la «disparition »,il y en a. Elle est même omniprésente dans ses oeuvres. Des peintures à la limite du monochrome, des ombres de lumières, floues, effacées, comme sorties d’un rêve, d’un négatif surexposé. Le travail de Zan Jbai brille non pas par son absence, mais par son ébauche de présence. Pas de contour cernant les silhouettes, mais des aplats qui se perdent dans la blancheur de la toile, à la manière des vignettes romantiques.
« […]un axiome, qui demeure, à mon avis, une définition pertinente de l'art : ne pas être direct, faire surgir le 4 « beaucoup » au travers du « peu » » .
En offrant peu, il suggère beaucoup, car là ou il n’y a rien, il y a donc tout. Et ce tout, ce n’est pas à lui de le donner, mais au visiteur de le voir, de le concevoir, de l’imaginer.
La disparition, puis l’inaction, ou plutôt la négation de l’action, sa censure:Nothing happened /Nothing To Tell You (2007),une exposition qui continue dans le thème de l’art comme élément évocateur pour le spectateur. Et une phrase qui rappelle étonnamment l’attitude des autorités chinoises à l’égard des événements de Tian’anmen.
Enfin, le réveil de l’artiste au monde après deux cents ans de sommeil :J’ai dormi pendant deux cents ans, à la Galerie Kamel Mennour de Paris en 2009. Une exposition où ses silhouettes voilées prennent une autre évocation.
 « J’ai le sentiment d’avoir très peu en commun avec mes contemporains. […] mon esprit est solitaire. Et la solitude 5 renvoie à la notion et à l’expérience de la distance» .
Zan Jbai est distant avec la production d’art contemporain chinois qui multiplie les effigies de Mao et les pastiches d’art traditionnel à grands coups de calligraphie, ou qui se laisse influencer outrageusement par la culture pop occidentale… Se faisant, il se distancie également avec sa culture et son pays d’origine, et déclare n’avoir assisté à aucun des grands événements qui on secoué le monde, et son pays. Pas de Réalisme socialiste, pas de Bond en avant, pas de répression… Zan Jbai se déclare vierge des bouleversements de son pays, et de son art sous contrôle, de son art exotique fait pour plaire aux courtiers du marché mondial.
« Oui, je suis un peintre “oriental”, mais qui refuse d'utiliser les signes asiatiques ou orientaux. Pas de stigmates culturels ! […] En Asie, on suit principalement la mode occidentale. Si les signes ou les sujets sont « chinois », l'esprit du travail n'en 6 demeure pas moins occidental. »
4 Interview de Zan Jbai à David Rosenberg,www.zanjbai.com, 2007. 5 Ibid. 6 Ibid.
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Prenant ainsi le problème de l’identité de l’art contemporain chinois à bras le corps, Zan Jbai renverse la tendance et choisit une pratique et des sujets à «l’Occidental »( l’art du portrait, la pratique de l’huile, et des modèles aux détails assez flous pour ne pouvoir reconnaître de trait asiatique), mais dans une démarche esthétique et spirituelle qu’il hérite des « peintres du vide », les maîtres chinois anciens, sur la philosophie à laquelle il tente de porter un «regard contemporain» :Mi Youren (1086 – 1165), Zhu Dah… Ses modèles d’inspiration qui eux aussi montrent sans laisser voir, qui laissent au spectateur l’occasion d’observer autant ce qui est peint que ce qui est vierge.
La question de l’identité chez l’artiste chinois est complexe. S’il est attendu d’un artiste contemporain qu’il parle, à un moment ou un autre, de sa culture, de son univers mental, de son pays et de ses contemporains, il est pratiquement exigé chez un artiste contemporain chinois, surtout dans l’époque actuelle où la Chine s’expose enfin et avec importance (gardons en tête les événements des J.O de Pékin 2008 retransmis et décortiqués dans le monde entier) après des années de fermeture du pays et de répression, sur la scène internationale. Un poids double à porter donc, pour des artistes que l’on guettait suite aux événements dramatiques du passé, et que l’on guette maintenant pour son essor fantastique dans les rangs mondiaux. Une identité chinoise qui colle à la peau, qui colle aux doigts et qui colle à l’art, et qui tente de guider la pratique des artistes. Acquérir une autonomie esthétique et plastique malgré une tendance encore forte à vouloir uniformiser la production artistique. Vouloir s’affranchir d’un passé contraignant, en le bouclant à double tour ou en le noyant sous une multiplication de références culturelles étrangères, et voir toujours quelque part un bout de Chine reparaître. Une situation que devront probablement supporter encore un long moment les artistes contemporains chinois, confirmés ou en devenir, en attendant que le « traumatisme chinois » s’atténue, et que les symptômes présents dans les œuvres laissent peu à peu place à une expression sans chaîne et sans filtre. Pour que les artistes puissent enfin donner un peu de Vide à observer.
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