La civilisation de l antiquité tardive - article ; n°1 ; vol.35, pg 67-77
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La civilisation de l'antiquité tardive - article ; n°1 ; vol.35, pg 67-77

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Description

Publications de l'École française de Rome - Année 1978 - Volume 35 - Numéro 1 - Pages 67-77
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 45
Langue Français

Extrait

La civilisation de l'antiquité tardive
In: Christiana tempora. Mélanges d'histoire, d'archéologie, d'épigraphie et de patristique. Rome : École Française de
Rome, 1978. pp. 67-77. (Publications de l'École française de Rome, 35)
Citer ce document / Cite this document :
Marrou Henri-Irénée.La civilisation de l'antiquité tardive. In: Christiana tempora. Mélanges d'histoire, d'archéologie, d'épigraphie
et de patristique. Rome : École Française de Rome, 1978. pp. 67-77. (Publications de l'École française de Rome, 35)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1978_ant_35_1_1126Henri-Irénée Marrou
LA CIVILISATION DE L'ANTIQUITE TARDIVE*
Plutôt qu'à un historien de l'art ou à un archéologue, c'est à un historien
de la civilisation et de la culture, à un historien tout court, qu'on a demandé
cette dernière «Relazione»; c'est qu'il faut bien pour finir en arriver à la
synthèse après avoir poussé la recherche en sens divers, donné des coups de
sonde aussi profonds que possible mais nécessairement en ordre dispersé, il
faut tenter d'en rassembler les résultats pour voir s'ils peuvent servir à
mieux poser, sinon à résoudre, le problème d'ensemble.
Je tenterai donc de prendre les choses de la manière la plus comprehens
ive et pour commencer je dois vous demander de vous souvenir que le pro
blème du «Tardo Antico» est un cas particulier d'un phénomène plus général,
celui de l'évolution du goût artistique et de la compréhension historique au
sein de la culture occidentale moderne. Le regretté Bernard Berenson publiait
* Paru dans Atti del Convegno internazionale sul tema: Tardo Antico e Alto
Medioevo. La forma critica nel passaggio dell'antichità al medioevo (Roma, 4-7
aprile 1967), Accademia Nazionale dei Lincei, Quaderno n. 105, Rome, 1968.
[67] — — 385
en 1952 un pamphlet plein de fougue, dont le sous-titre résume toute la thèse
Π Arco di Costantino 0 della decadenza della forma; Berenson était si âgé alors,
- quatre-vingt-sept ans (il devait mourir à quatre-vingt-quatorze, l'âge
d'un patriarche) -, qu'on ne pouvait plus parler à son sujet d'un état d'esprit
démodé, dépassé; la voix qu'il faisait entendre au seuil de la tombe était celle
d'un témoin d'un autre temps, d'une autre esthétique que celle qui était de
venue la nôtre, celle que symbolisent chez nous en France les brillants essais
de Malraux, de La Voix du Silence (1947-51) à La Métamorphose des Dieux
(1957). Berenson était parmi nous comme le survivant d'un âge révolu, celui
qui avait commencé avec les humanistes de la Renaissance et qui avait connu
une nouvelle jeunesse à la fin du dix-huitième siècle avec ce néo-classicisme
que le nom symbolique de Winckelmann suffit à résumer. C'était ce que nous
pouvons appeler le goût classique, celui qui définissait son idéal esthétique
en fonction de ce que le même Berenson aimait à appeler les « hautes époques »
(le mot a changé de sens aujourd'hui: nous nous en servons pour désigner les
périodes archaïques d'un style), - et de telles époques il n'y en avait pas beau
coup, deux seulement: l'Athènes de Périclès et la Florence des Médicis. Tout
le reste, dans l'histoire des arts, se jugeait en fonction de ces deux sommets,
toute autre période ne pouvant être par rapport à celles-là qu'une préparation,
- le lent développement qui nous fait passer des bégaiements du style géomét
rique au style sévère, celui comparable des Primitifs dans la peinture it
alienne —, ou bien alors en être une décadence: les hommes de mon âge ont
encore connu des esthètes pour qui le déclin de l'art antique commençait à
l'instant même où la main de Phidias laissait échapper le ciseau; la sculpture
du IVe siècle (j'entends le IVe av. J.-C.) était déjà disqualifiée, a fortiori l'art
hellénistique; l'art romain n'en était plus qu'une imitation barbare; quant à
notre «Spätantike», mieux valait ne pas poser la question!
Pendant un siècle et demi, le génie de Gibbon a imposé sa problématique
à notre science historique: The Decline and Fall of the Roman Empire remonte
à 1 776-1 787 et en 1926, achevant la rédaction de sa grande Histoire écono
mique et sociale, Michel Rostovtsev pose encore la question dans les mêmes
termes: « Quiconque lit un livre consacré à l'empire romain s'attend à ce que
l'auteur formule son opinion sur ce processus historique que l'on s'accorde
depuis Gibbon à appeler la décadence et la ruine de l'empire romain ou plutôt
de la civilisation antique tout entière ». Il serait intéressant de faire l'histoire
de cette notion de « décadence »: notre ami le Professeur Gerhart B. Ladner
rappelait récemment qu'elle se rattache à toute une tradition historiographique
qui remonte jusqu'au milieu du XVe siècle avec Flavio Biondo (l); la notion
était devenue si généralement acceptée qu'on peut parler pour elle d'un cliché
de la mentalité européenne du XIXe siècle: j'ai eu ailleurs l'occasion de rappeler
la signification symbolique de cette grande machine de Couture qui encombre
(1) Dans L. WHITE (ed.), The Transformation of the Roman World, Berkeley, 1966,
p. 61, se référant à l'étude consacrée à Gibbon par C. DAWSON dans les Proceedings of the
British Academy, XX (1934), p. 163, 173 suiv.
[68] — — 386
le Louvre, « les Romains de la décadence » (1846), ou du sonnet que Verlaine
dédia en 1883 à Georges Courteline:
« Je suis l'Empire à la fin de la décadence
Qui regarde passer les grands Barbares blancs
En composant des acrostiches indolents
D'un style d'or où la langueur du soleil danse. . . » <2\
En fait, on le sait, une appréciation positive ou pour mieux dire la redé
couverte de l'art de l'Antiquité tardive est une acquisition de notre XXe siècle:
on me permettra de retenir comme symbolique la date de 1901 où parurent
à la fois Les Origines hellénistiques de fart byzantin de Dmitrij V. Ainalov
(dans les Zapiski de la Société Impériale Russe d'Archéologie) et le livre,
lui aussi «bahnbrechend», d'Alois Riegl, gloire de l'Ecole de Vienne, Spätrö
mische Kunstindustrie (mais c'est seulement en 1925 que commença à paraître
la belle série des Sttidien für spätantike Kunstgeschichte dirigée par Lietzmann
et Rodenwaldt). La nouveauté de ce point de vue est bien sensible dans la
difficulté même que nos langues ont éprouvée et éprouvent encore pour dé
signer cette nouvelle période de l'histoire de l'art et de l'histoire tout court:
seul l'allemand s'est montré assez plastique pour que «Spätantike» y paraisse
normal; en italien ou en français « Tardo romano, tardo antico, Antiquité
tardive », gardent toujours quelque chose de pédant et de mal assimilé,
Bas-Empire conserve quelque chose de péjoratif; en anglais «Later Roman
Empire» a l'inconvénient d'être une indication purement chronologique.
Il n'est pas difficile de déterminer le comment et le pourquoi d'une telle
découverte. L'histoire, comme nous aimons à le répéter, est inséparable de
l'historien, l'histoire de l'art reflète nécessairement une esthétique. Les figures
de la «Spätantike» ont cessé de nous apparaître comme de simples caricatures
de leurs prédécesseurs classiques, comme une manifestation déplorable de
la « decadenza delle forme », au moment même où avec le triomphe de l'im-
pressionisme et les étapes ultérieures du développement de la plastique con
temporaine que résume à lui seul l'œuvre immense et variée de Picasso, notre
art contemporain lui-même s'est dégagé de ce « naturalisme » qu'a si bien
évoqué le Prof. Bianchi Bandinelli, de cette fidélité à l'expérience sensible
et au besoin de traduire l'espace euclidien à trois dimensions. Notre siècle
a redécouvert Jes valeurs de l'art du Bas-Empire exactement comme il a
découvert l'originalité des arts exotiques, quand

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