Le paysage dans la peinture française du xvne siècle : de l imitation de la nature à la rhétorique des Belles idées - article ; n°1 ; vol.29, pg 45-64
23 pages
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Le paysage dans la peinture française du xvne siècle : de l'imitation de la nature à la rhétorique des Belles idées - article ; n°1 ; vol.29, pg 45-64

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1977 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 45-64
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques THUILLIER
Le paysage dans la peinture française du xvne siècle : de
l'imitation de la nature à la rhétorique des "Belles idées"
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1977, N°29. pp. 45-64.
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THUILLIER Jacques. Le paysage dans la peinture française du xvne siècle : de l'imitation de la nature à la rhétorique des
"Belles idées". In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1977, N°29. pp. 45-64.
doi : 10.3406/caief.1977.1134
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1977_num_29_1_1134LE PAYSAGE
DANS LA PEINTURE FRANÇAISE
DU XVIIe SIÈCLE :
DE L'IMITATION DE LA NATURE
A LA RHÉTORIQUE DES « BELLES IDÉES »
Communication de M. Jacques THUILLIER
{Sorbonně)
au XXVIIIe Congrès de l'Association, le 26 juillet 1976.
Le paysage n'occupe pas, dans la littérature française
du xviie siècle, une place de premier plan. Certes, il est
facile de citer quantité de vers évocateurs, quantité de
descriptions sensibles de la Nature, depuis la Solitude de
Saint- Amant jusqu'à la lettre fameuse où Mme de Sévigné
s'émerveille de la couleur des bourgeons printaniers. On
rencontre, surtout dans la première moitié du siècle, mainte
page de roman où derrière les protagonistes un paysage
s'esquisse en quelques traits justes, maint poème où se
révèle un sentiment délicat des éléments et des saisons (1).
Comment refuser ce mérite, par exemple, au célèbre Pro
menoir des deux Amants de Tristan l'Hermite :
Auprès de cette grotte sombre
Où l'on respire un air si doux
L'onde lutte avec les cailloux
Et la lumière avecque l'onde... ?
(1) Voir sur ce sujet la thèse de doctorat d'Université de G. L. Me.
Cann, XVIIe Le siècle, sentiment Nemours, de la 1926. nature Les en citations France dans que la contient première cette moitié brève du
étude offrent une anthologie toujours utile. 46 JACQUES THUILLIER
C'est le temps où la poésie multiplie les « Solitudes », les
« Marines », les « Levers de soleil », les « Étés » et les
« Hivers ». Pourtant, au bout du compte, il faut bien cons
tater que le résultat reste mince. Le vocabulaire est pauvre,
et la description revient vite aux clichés proposés par la
rhétorique traditionnelle, notamment la poésie latine et
italienne. A peine le sentiment de la Nature s'est-il traduit
par quelques traits directs, qu'il se réfugie dans l'allégorie
mythologique, ou toute autre forme de personnification
commode. Nymphes, dieux fleuves et tritons accourent à
l'envi, l'effort de suggestion cède la place à un jeu théâtral
plus ou moins convenu (2) . Aussi bien ce sentiment reste-
t-il presque toujours subordonné aux grands thèmes psy
chologiques ou moraux. Quand il ne sert pas à une médi
tation sur la vanité du monde, il aboutit simplement au
madrigal. Témoin la suite célèbre des Belles Matineuses,
où l'éclat de la couleur, pour vif qu'il soit souvent, sert
essentiellement à rehausser le trait final.
Il en va tout autrement pour la peinture du même temps.
Le xvne siècle est une grande période pour le genre du
paysage. La Nature, représentée pour elle-même, acca
pare une grande partie des recherches de l'artiste, et cela
dans toute l'Europe. En dépit de ce qu'on a pu écrire sur
la hiérarchie des genres, force est de reconnaître que les
plus grands maîtres ne croient aucunement déchoir en
dédiant au paysage leur temps et leurs efforts : que ce soient
les Carraches ou le Dominiquin en Italie, Rubens ou Remb
randt dans le Nord, et parmi les Français La Hyre, Le
Nain, Champaigne, Bourdon ou Poussin lui-même. Innomb
rables ceux qui par vocation y consacrent leur vie entière :
qu'il suffise de citer, à côté des Cuyp, des Van Goyen ou
des Ruysdaël en Hollande, Dughet ou Claude Lorrain à
Rome. Le public n'hésite pas à leur accorder la célébrité
et à payer des prix très élevés : les Claude se disputeront
(2) La Solitude de Théophile, comme celle de Saint- Amant, offriraient
des exemples remarquables pour illustrer ce passage incessant de la
notation directe à l'évocation mythologique. Le même procédé se retrou
verait dans la fameuse ode sur La Mer de Tristan, etc. PAYSAGE DANS LA PEINTURE FRANÇAISE DU XVIIe SIÈCLE 47 LE
à cent couronnes d'or et plus, sans que le peintre puisse
suffire à la demande (3). Aussi bien faudra-t-il attendre le
xixe siècle pour retrouver pareille floraison, et ces chefs-
d'œuvre se sont inscrits parmi les plus fameux de la pein
ture occidentale. De nos jours même, les paysages de Ruys-
daël et de Claude sont au nombre des reproductions les
plus vendues au grand public — alors qu'il faut bien
l'avouer, à notre intérêt pour le paysage littéraire du
xvne siècle se mêle d'ordinaire un rien de délectation
érudite.
Il y a là un exemple frappant de ce phénomène de « dis
torsion» entre les arts auquel on n'a pas accordé jusqu'ici
assez d'attention. Il mériterait d'être étudié pour lui-
même. D'une part, les diverses expressions artistiques
répondent, pour une époque donnée, à un certain état de
la civilisation, de la sensibilité, de la pensée, des conceptions
métaphysiques : de là des liens très forts, et des quêtes
parallèles. D'autre part, chaque langage a ses propres lois,
son évolution propre : et il est rare que deux d'entre eux
se situent au même degré de maturité. La peinture, quant
à elle, langage international par excellence, a des possibil
ités différentes du langage littéraire, bien plus lié à l'idiome
national. Ajoutons qu'il suffit de l'imprévisible apparition
du génie pour ouvrir à tel ou tel art des domaines long
temps interdits à tel autre. Les similitudes et les dissem
blances qui en naissant ne doivent pas être éludées : bien
au contraire, et le -paragone que les artistes de la Renais
sance avaient mis jadis au cœur de leur réflexion critique
mériterait d'être aujourd'hui repris dans cette perspec-
(3) Selon Sandrart, ...seine Landschaften (wurden) von denen Liebha-
bern allenthalben gesucht, fleissig erkaufft und an unterschiedliche Ort
hinversandt (...) (und sind)fiir hundertja mehr Goldcronen verkauftworden,
so das s er derselben, unangesehen er stets fleissig gearbeitet, nicht genug
machen kônnen. Et il indique un peu plus loin à propos d'un Lever de
Soleil : Nicht ohne Ur šach der Herr Adrian Pau zu Amsterdam bey meiner
A breiss mir 500 Guider fur diese drey Spannen labge Landschaft bezahlt
hat. Neben diesem hat er viele andere dergleichen kôstliche Stuck verfár-
tiget und ist dadurch ein sehr reicher Mann worden (Academie des Bau-
Bild- Mahlerey- Kunste, 1675 ; cf. éd. Peltzer, Munich, 1925, p. 209-
210). 48 JACQUES THUILLIER
tive nouvelle. En essayant de dégager ici les grands traits
du paysage dans la peinture française du xvne siècle, et
la double direction de ses recherches, nous voudrions indi
quer ces rapports à la fois évidents et trop méconnus (4).
# # *
Le paysage est par excellence représentation de la
Nature, du spectacle qu'elle offre à nos yeux. De prime
abord, ce genre semble donc s'accorder entièrement à la
conception d'une peinture qui serait simple reproduction
du visible, imitatio naturae. Le peintre de paysage n'a
d'autre ambition que de fixer sur la toile ce qu'il aperçoit ;
le critique, en jugeant d'une vue de campagne ou d'une
marine, utilise spontanément les critères de vrai, de vivant,
de parfaite exactitude dans le rendu. Mais on sait qu'à cette
esthétique de la mimesis s'est alliée ou opposée au cours
des temps une autre esthétique, pour laquelle l'art est
d'abord l'incarnation de Vidée, au sens platonicien du
terme. Dans cette conception, les formes naturelles ne
sont qu'un langage ; ce qui compte, c'est l'imagination
du peintre, c'est l'inspiration, le beau feu, comme on dit
au xviie siècle, qui lui permettent de représenter les « choses
incorporelles » : Ut ftoesis pictura... (5). De là, bien souvent,
chez les peintres ou les penseu

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