Silk2009-DeFleurieu
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Silk2009 Etienne de Fleurieu gratte la surface Vendredi 23 octobre. Au 104, rue Aubervillier se déroule le Slick 2009 – L'Autre Foire De l'Art Contemporain. Vous suivez un atelier à la fac qui vous conseille d'y assister (si vous désirez continuer vos études en bonne santé). Comme vous êtes plein de bonne volonté, vous vous y rendez. Donnez dix euros, sept si vous avez moins de 26 ans ou que vous êtes un groupe de dix, et pénétrez. À l'entrée, une petite demoiselle hésitante n'ose pas vous tendre le programme de l'événement. Parce que vous l'intimidez ? Alors faite lui votre sourire le plus engageant ou servez vous de force. Vous pouvez commencer à déambuler entre les cases blanches, sans jeter un œil au plan que vous avez eu tant de mal à vous procurer, puisque de toute manière vous n'êtes pas venu pour voir un seul artiste, n'est ce pas ? Et vous ne risquez pas de vous perdre de toute manière. Peut-être la cause en est le premier jour, mais l'endroit semble pour le moment bien trop propret, pauvret, minet. Le vernissage de la soirée précédente n'a laissé aucune trace de champagne sur la moquette ; les miettes des petits fours sont balayées. Tout est aseptisé – vous voilà réduit à vous balader entre les rayons d'un supermarché javellisé. La foire s'étendant jusqu'au lundi 26 gagnera peut-être un peu de vie entre temps. Mais comme vous ne comptez pas revenir, vous ne le saurez jamais.

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Publié le 14 décembre 2012
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Langue Français

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Vendredi 23 octobre.
Silk2009 Etienne de Fleurieu gratte la surface
Au 104, rue Aubervillier se déroule le Slick 2009 –L'Autre Foire De l'Art Contemporain. Vous suivez un atelier à la fac qui vous conseille d'y assister (si vous désirez continuer vos études en bonne santé). Comme vous êtes plein de bonne volonté, vous vous y rendez. Donnez dix euros, sept si vous avez moins de 26 ans ou que vous êtes un groupe de dix, et pénétrez. À l'entrée, une petite demoiselle hésitante n'ose pas vous tendre le programme de l'événement. Parce que vous l'intimidez ? Alors faite lui votre sourire le plus engageant ou servez vous de force. Vous pouvez commencer à déambuler entre les cases blanches, sans jeter un œil au plan que vous avez eu tant de mal à vous procurer, puisque de toute manière vous n'êtes pas venu pour voirunseul artiste, n'est ce pas ? Et vous ne risquez pas de vous perdre de toute manière. Peut-être la cause en est le premier jour, mais l'endroit semble pour le moment bien trop propret, pauvret, minet. Le vernissage de la soirée précédente n'a laissé aucune trace de champagne sur la moquette; les miettes des petits fours sont balayées. Tout est aseptisé –vous voilà réduit à vous balader entre les rayons d'un supermarché javellisé. La foire s'étendant jusqu'au lundi 26 gagnera peut-être un peu de vie entre temps. Mais comme vous ne comptez pas revenir, vous ne le saurez jamais. Pourtant, chaque galerie tente de personnaliser un minimum l'enclos qui lui est alloué – consistant généralement à présenter de manière originale les noms des artistes et œuvres sur plastique, post-it, bristol ou à même le sol – si ces noms ne sont tous simplement pas absent. C'est ainsi qu'il vous faut entrer en contact, si vous êtes néophyte comme moi, avec ce grand grisonnant à la chemise en jean qui campe à côté des œuvres exposées dans son étable immaculée pour savoir que c'est bien Georgia Russel qui a réalisé ces portraits scalpés et écorchés qui vous en mettent plein la gueule dès l'entrée. Vous ressentez cette désagréable impression diffuse d’hermétisme, celle du païen en terre sacrée. Chaque personne présente est pourtant au petit soin avec vous. Et c'est presque pire dans votre cas. Approchez-vous d'une œuvre et vous sentirez bientôt un souffle sur votre nuque – avant d'entendre une petite phrase d'introduction, suivit d'une analyse détaillée de l'œuvre contemplée, le tout gracieusement offert par le galeriste ou un de ses adjudant qui ne manque pas de vous donner ensuite le prix de vente et une idée du nombre d'hypothèques à y consacrer. Comme vous souffrez d'un trouble de la personnalité évitante, vous vous demandez une nouvelle
fois ce que vous venez foutre dans un domaine destiné à priori à l'échange et au partage d'impressions entre passionnés, et vous vous contentez dès lors de regarder les œuvres de loin, sans en avoir l'air, afin de ne pas attirer les bien disposés galeristes. Vous êtes ici mais êtes ailleurs.On devine à votre courtoisie que vous êtes absent. Un autre enclos vous pousse malgré tout à pénétrer à nouveau dans la zone sociale à risque. Parce que cet artiste, ce salaud, joue justement avec l'absence et la présence qui vous caractérise en ce lieu. Sous les yeux d'une jeune femme à la robe outrageusement courte qui vous fais transpirer (pour commencer), et portant à sa poitrine un autocollant «JTM (Galerie)» plein de promesses, vous vous risquez à approcher une feuille punaisée au mur. Il y a un dessin dessus. Et il y a des lettres dessus. En tout petit. Vous êtes curieux, vous voulez savoir ce qu'il y a d'écrit, quitte à devoir entrer en contact avec la gardienne du temple.
Two predators on the verge of love...and a third one shot them down, Etienne de Fleurieu, 2009.
Vous comprenez en vous approchant que ce que vous aviez pris pour des lettres sont en fait des trous, manifestement causés – d'après le titre – par des plombs tirés d'une quelconque carabine – vous en recevez la confirmation par la délicieuse jeune femme de JETAIMEgalerie «à votre service ». Elle vous apprend que cette série est toute neuve, toute fraîche, arrivée pile poil pour la foire, accompagnée d'uneShotgun Symphony, autre feuille blanche de grand format, percés d'impacts que l'artiste à complété à l'encre de queues et croches de notes de musiques.
Une procédé violent, mais qui donne cependant un résultat on ne peut plus léger et aérien. Contraste agréable – à réfléchir dix secondes. Loin de dégrader les deux oiseaux précédent sur leur branche, les impacts semblent au contraire lescompléter, les embellir. L'artiste a travaillé à mettre en valeur lepapier, ledessinsur le papier et levideautour du dessin. Etienne de Fleurieu est un fidèle de la foireSlicksa création en 2006. Mais depuis de depuis nombreuses années déjà, il s'intéresse aux multiples façons de faire voir au travers de la surface. Au travers et à travers. Dessus, dedans, dehors, devant et derrière le plan. Passionné par la gravure en eau-forte, il a expérimenté les différentes manières de donner à voir en enlevant de la matière – en l'occurrence du vernis avec sa pointe sèche dans le cas des eau-fortes. Il a également travaillé avec des pellicules cinématographiques juxtaposés sur aluminium – un tableau. Privé d'un projecteur et d'un cadre fixe où faire défiler chaque image, ces bandes s'embrassent entièrement du regard ou se détaillent une par une. Déstructuration du procédé cinématographique.
Chez de Fleurieu, la surface est un lieu de passage. Le passage des balles à travers le papier, le passage de la lumière à travers la pellicule. La surface ne vit que pour laisser voir autre chose en elle. Et lorsque l'artiste se restreint au dessin, c'est encore des hachures qui laissent voir d'autres hachures derrière elles – et que recouvrent de grands aplats noirs – et que lacèrent de multiples bandes vierges. Mais de Fleurieu a également touché à la sculpture. Et ses grandes mains de bronz – ses Cristallisations –sont les empreintes d'une surface fantomatique qui aétélà et n'estplus, ou quin'y est plus – mais qui est pourtant toujours présente dans les paumes déformées. Il faut voir les doigts s'entrecroiser à l’extérieur, et De Fleurieu fait regarder les instants figés, invisibles et insaisissable que les doigts saisissent, dont ils ont donnés corps et substance.
Hide and seek, 2008.
Cristallisation 02, Blowing into my hands, 2007.
Horizon, 2006.
Ses œuvres sont également des actes. Des actes en cour qu'il nous offre achevés, ou immobilisés. Il n'a pas seulement dessiné sur la feuille, filmé l'horizon ou sculpté ses mains, il a aussi tiré avec une arme, déroulé les pellicules, soufflé dans ses mains... travail de la durée et œuvre de l'instant.
À la fin de votre petit tour, la jeune femme vous remet une carte de visite et un sourire, et espère vous revoir 36 rue Charlot. Vous bafouillez un remerciement avant de tourner les talons et de quitter les lieux, en vous posant des tas de questions sur les vides, les pleins, et ce qu'il y a entre.
C'est fou ce qu'on se sent transparent parfois.
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