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• Publié par: ypigeraz
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I DENTITÉS TARNAISES par Gérard B UONO , Michel C OHOU , Jean-André L HOPITAULT L’occitan matériaux, la sévérité des façades, la discrétion des décorations. Le reste du Le Tarn est une vieille terre occitane, où la langue d’oc a bénéficié tar-département est moins marqué par les influences religieuses, et la pratique y divement d’un regain d’intérêt. Dans les années trente, des chroniques dansest moins régulière, se rapprochant de la tiède ferveur du Midi toulousain. la presse entretiennent le goût pour le parler local, mais en le réduisantLes accommodements personnels n’ont jamais manqué, provoquant des souvent à un usage populaire et rural caricatural. Dèscroisements parfois cocasses. Ainsi Jaurès, dans un contexte où l’anticléri-, divers érudits locaux contribuent à sortir l’occitan de ce« réduit paysan »calisme servait souvent de ligne de partage politique, n’hésitait pas à, en travaillant à rétablir les règles de l’orthographe et à normaliser vocabulaire et syntaxe.accompagner sa fille Madeleine lors de sa première communion. e L’Institut d’Études Occitanes regroupe les vocations militantes les plus actives.Dans la première moitié du XX siècle, les Tarnais vont être au premier Un groupe de musique traditionnelle, créé en–La Talverarang des conflits accompagnant la montée de la laïcité. En– a pris une, l’Arche- dimension importante. Tournée initialement vers l’animation de bals, cettevêque d’Albi a en charge de faire adopter le projet de séparation de l’Église association d’ethnomusicologie a entamé un vaste effort de collecte de chants,et de l’État auxévêques de l’Église de France.« Le petit père Combes », de textes, d’instruments anciens, constituant une base de données impor-principal artisan de cette séparation, est né à Roquecourbe. Les oppositions, e tante sur le patrimoine occitan de la région.La Talveraest aujourd’hui uneimportantes, viendront surtout du« peuple catholique ». Sous la III Répu- médiathèque, doublée d’un groupe de recherches actif. La diffusion de l’oc-blique, le manuel d’instruction civique et morale est rédigé par le député citan dans le Tarn s’appuie aussi sur une radio associative(Radio Albigès)de Lavaur… et sur quelques sociétés d’édition(Vent Terral). La production littéraire en Les migrants langue occitane dans le département, très diversifiée (poésie ou prose, essais, traduction, bande dessinée, roman policier), indique que malgré des tiragesEt si le Tarn tirait une grande part de limités ( exemplaires), l’inspiration des créateurs dépasse désormais leson identité de sa faculté à accueillir de seul souci d’une mémoire occitane à entretenir. La fréquence de la référencenouvelles populations, à tolérer leur diffé- à l’occitan dans les activités offertes aux adhérents desM JC rence avant de lesdu Tarn« digérer »en s’enri- ou le développement de son apprentissage du primaire au baccalauréat (lachissant de leur apport? Aveyronnais et loi deItaliens, Espagnols et Polonais, pieds-noirssur l’enseignement de l’occitan à l’école porte le nom du député du Tarn, Maurice Deixonne) permettent au département de renouer avecet harkis, Bretons, Picards, Vendéens, ses racines, mais aussi de faire le lien entre jeunesse et identité occitane.Lozériens et Nordistes, Portugais, Algé- Kader Klouchi, riens et Marocains, Kurdes et Laotiens, Le Tarn et la religion Champion de France aujourd’hui Européens du Nord, Amé- de saut enlongueur Le fait religieux dans le Tarn est à la croisée de nombreux paradoxes.ricains, Parisiens et Toulousains… Le souvenir de la Croisade des Albigeois entretient l’image d’une terreDepuis plus d’un siècle, les besoins de main d’œuvre dans l’agriculture, d’élection de l’hérésie, alors même qu’Albi ne fut pas vraiment l’épicentrela mine et la métallurgie, le travail du bois, de la pierre et du cuir, la salai- du catharisme médiéval. Dans l’identité tarnaise, la référence à la Croisadesonnerie, le bâtiment ont attiré dans le Tarn des vagues successives est davantage liée à l’affirmation de l’appartenance au Midi (face au Nordd’hommes et de femmes pour suppléer aux insuffisances démographiques dominateur ?)qu’à un sentiment religieux. Par contre, l’histoire du pro-liées à la petite propriété paysanne du siècle dernier, au développement testantisme est intimement liée à celle de la société tarnaise. Depuis quatreindustriel, à l’exode agricole puis à la croissance urbaine. Le monument siècles, la religion réformée a fortement marqué la région, particulièrementaux morts (-) de Cagnac-les-Mines compte beaucoup de noms dans le sud du département, autour de Castres, Mazamet et dans la Mon-polonais, ukrainiens, espagnols… combattant souvent dans la M OI (Main tagne (Vabre, Brassac, Viane) où elle a été souvent majoritaire, moins for-d’Œuvre Immigrée). tement dans l’Albigeois. Les affLa solidarité politique et humaine a aussi joué. Cordes, née de la croi-rontements religieux n’ont pas manqué, et quelques-unes des pages les plus tragiques de l’histoire des religions ensade contre les Albigeois, a su recevoir les républicains espagnols, comme les France ont pour cadre l’actuel département du Tarn. Les affaires Calas etvillages de la montagne, avancée cévenole, ont su protéger les juifs pendant Sirven, en-, qui font encore aujourd’hui figure de« modèles »de lesheures noires. Aujourd’hui, des Kurdes sont réfugiés à Albi. persécution et d’intolérance, ont eu une portée nationale.De nouvelles logiques de migration sont apparues ensuite, liées à l’attrait La paix religieuse a fait sortir la pratique de la religion protestante de lades terres du Sud, aux qualités du cadre de vie, à la saturation des villes et clandestinité. Les périodes les plus éclatantes correspondent le plus souvent àà l’amélioration des communications. Desretraités s’installent, des intel- des phases où les compromis religieux éloignent durablement les affronte- lectuelset chefs d’entreprise vivent ici à temps partiel, des employés et e ments. Au prestige de Castres au XVII siècle, cadresnaviguent chaque jour entre le Tarn et Toulouse. Parmi ces nouveaux pourraient correspondre, à une autrevenus, les Anglais (générique englobant toutes les nationalités anglo- échelle, les moments glorieux de réussitesaxonnes) restaurent maisons rurales et hameaux dans le Gaillacois, la industrielle et commerciale de Mazamet.Montagne Noire ou le Ségala. Dans un contexte de dualité religieuse,Ce renouvellement permanent ne va pas sans poser quelques problèmes, les attitudes de tolérance ont sûrement étémais la tolérance l’emporte. Il entretient aujourd’hui la vitalité du marché favorisées par les« valeurs protestantes »foncier, alimente la vie associative, les manifestations culturelles, participe: res- ponsabilité personnelle, souci d’éducation,à la vie économique, tisse des liens avec des terres étrangères proches ou affilointaines. Lesnités avec l’esprit rationaliste et scien-« Néo-Tarnais »ont leurs clubs sportifs, leurs amicales et tifique, recherche du progrès, religion deleurs réseaux, afin de maintenir les liens avec le pays d’origine. Ils animent la l’écrit… Le souci de simplicité, voire d’aus-vie culturelle et festive, prennent des responsabilités collectives, manière térité est une autre facette fréquemmentd’accélérer la prise de leurs nouvelles racines tarnaises. Beaucoup sont élus, associée à la culture protestante. L’architec-politiques – conseillers municipaux, maires, député – ou professionnels, ture du sud du département en témoignedans l’agriculture, le commerce et l’industrie. Sans eux, le Tarn perdrait de Cathédrale de Lavaursa saveur, de son dynamisme et une part de sa capacité d’innovation.largement, avec la grande sobriété des 4 A TLAS DU T ARN