Alice
de Jan SvankmajerF
FICHE FILM
Fiche technique
Suisse - GrandeBretagne
- Tchécoslovaquie -
Allemagne - 1988 - 1h24
Réalisateur :
Jan Svankmajer
Scénario :
Jan Svankmajer
D'après Alice aux pays des
merveilles de Lewis Carroll
Alice
Résumé Critique
Montage
Alice s’ennuie auprès de sa sœur aînée, On savait que l’animation tchèque était
occupée à lire au bord de la rivière. Dans une des premières du monde, avec desMarie Zemanova
sa chambre, sorte de grenier encombré de noms prestigieux comme Trnka, Pojar ou
jouets et de vieux objets divers, la fillette Zeman. Mais connaissait-on vraiment Jan
s’endort. Soudain le lapin blanc empaillé Svankmajer, l’inclassable ? A 55 ans, on va
Décor :
sort de sa boîte de plexiglas et disparaît en le découvrir alors qu’il a déjà créé une
courant. Alice part sur ses traces et se œuvre littéralement «incontournable» enEva et Jan Svankmajer
voit happée par le tiroir d’une commode une vingtaine de courts métrages géniaux,
surgie en plein champ. Un vieux dont le fameux Les possibilités du dia-
monte-charge grinçant l’entraîne dans une logue (Grand Prix d’Annecy 1983), et le
Animation :
chute interminable. Arrivée sur la terre dernier, Le jeu viril, une satire violente
ferme, Alice subit diverses transformations des fans de football, présenté à CannesBedrich Glaser
physiques, devient poupée minuscule, puis cette année.
géante, et fait des rencontres incongrues : Alice, sa première expérience dans le
animaux, squelettes bizarroïdes en mouve- long métrage, mi-fiction, mi-animation
Son :
ment, chapelier fou, reine de cœur gouver- (avec un net avantage pour cette derniè-
nant un jeu de cartes, etc. Alice s’éveille re !) est un véritable retour aux sources—Ivo Spalj
dans sa chambre et y retrouve les nom- comme l’indique le premier plan de la
breux objets qui ont peuplé son rêve. Tout rivière !—de Lewis Carroll, celui d’«"Alice
semble normal. Sauf la boîte de plexiglas, au pays des merveilles". Alors que les
Interprètes :
bel et bien désertée par le lapin... autres versions n’étaient que des illustra-
tions (y compris celle de Disney, le dessinKristyna Kohoutova
animé qui fit si peur aux enfants à
(Alice)
l’époque qu’on le retira de la circulation)
plus ou moins réussies, Svankmajer, adep-
L E F R A N C ED O C U M E N T S
te du surréalisme pur et dur et du rêve sation occidentale...” Filmographie
éveillé, a réalisé un «film à tiroirs», aux Jan Svankmajer, ou le génie gênant de
sens propre et figuré: après sa rencontre Prague (et de Barrandow) : à découvrir
avec le Lapin Blanc (plein de son et de de toute urgence !
Le dernier truc de M. Schwarzewald etsons), Alice est littéralement happée par Max Tessier
M. Edgar 1964un tiroir à clefs multiples, et glisse pro- Revue du Cinéma (novembre 1989)
gressivement dans le monde incongru
La fabrique de petits cercueils 1966cher à Svankmajer. Elle, dont les lèvres
réminiscence du guignol forain en gros plan scandent les phrases du
récit (“Said the White Rabbit”,
Et cetera”Demanded the White Rabbit”, etc) se Le réalisateur
burlesque philosophiquetrouve en butte à un univers d’objets
tactiles et hostiles dont l’auteur a vérita-
Jan Svankmajer est né en 1934,c’est Historia naturae 1967blement le secret : meubles à tiroirs,
une personnalité puissante. Il maîtrise film maniériste ayant pour motif l’inter-clefs, feuilles mortes, ciseaux multiples,
toutes les techniques (dessin, gravure, vention destructrice de l’homme dans levieille quincaillerie, viande animée,
collage, découpage, modelage), les monde des animauxsquelettes d’animaux divers, objets
subordonne à sa pensée, aboutissant àhétéroclites qui se télescopent dans un
des formes nouvelles, à des mises en Le jardin univers baignant dans le morbide déri-
scène lestées de symboles, mêlant ani-soire...
mation et prises de vues documentaires, Le logement 1968Alice elle-même, au gré de ces objets et
acteurs masqués et bric-à-brac d’objets.de leurs violents et secs affrontements
Paradoxalement, la variété des tech- Une semaine paisible dans une mai-(qui rappellent entre autres ceux des
niques utilisées est mise au service son 1969Possibilités du dialogue), se trouve
d’une image obstinée : celle de la des- trois burlesques montrant une rébelliontransformée en poupée dans une pièce
truction, de la désagrégation de toutes des objets contre l’homme trop grande, ou, revenue à la taille
choses.humaine, se heurte aux parois d’une
L'ossuaire 1970chambre trop petite. Et, par la porte
miniature taillée dans la porte «grandeur
Don Juannature», elle observe les personnages
de son rêve éveillé, du Lièvre de Mars à
Jabberwocky 1971la Reine de Cœur, impuissante à retrou-
ver sa véritable personnalité.
La chute de la maison Usher 1981Mais on n’en finirait pas de tenter de
décrire un film proprement indescrip-
Les possibilités du dialogue 1982tible, où la violence du montage (de
Marie Zemanova) fait corps avec celle
Dans la cave 1983des objets déchaînés : un travail hercu-
léen !
Le pendule, le puits et I’espoir Peut-être, à la fin de ce rêve brutal, et
d’après E.A. Poecertes pas «beau», se rendra-t-on enfin
compte du génie unique de Jan
Alice 1988Svankmajer, poète surréaliste en butte
aux autorités de son pays, qui voient
Jeux virils d’un mauvais œil le regard malin et
inhumain de quelqu’un qui déclare : «A
Faust 1995moins que nous ne rapprenions à racon- Pour en savoir plus
ter des contes et des histoires de reve-
Dossier distributeur K Filmsnants le soir avant de nous endormir et
Revue du Cinéma n°454 p23 - 24à parler de nos rêves au réveil, nous ne
Cahiers du Cinéma n°424 pIV - V, p56pouvons plus rien espérer de notre civili-
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