Angèle de Marcel Pagnol

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• Publié par: cinemavectoi
• Publié le: 23 décembre 2011
• Nombre de lectures: 560
• Langue: Français

Extrait

Angèle F de Marcel Pagnol FICHE FILM Fiche technique France - 1934 - 2h20 - N.&B. Réalisateur : Marcel Pagnol Scénario : Marcel Pagnol d’après le roman de Jean Giono Un de Beaumugnes. Orane Demazis et FernandelMusique : Vincent Scotto Résumé Critique Interprètes : Angèle, la fille de maître Clarius, propriétai- En abandonnant Marseille pour I’arrière-Henri Poupon re d’une ferme modeste au creux d’un vallon pays provençal, Pagnol appauvrit dans une (Clarius Barbaroux) de Provence, est séduite par un musicien de certaine mesure la multiplicité d’inspiration Orane Demazis la ville. Il l’emmène à Marseille et la fait de la trilogie et oriente cette chronique pay- «travailler». Elle y accouche d’un enfant. sanne vers le mélodrame littéraire, basé sur(Angèle) Saturnin le simple, ancien enfant de le thème-clé, si fréquent dans son œuvre, Fernandel l’Assistance élevé par Clarius à qui il voue de l’enfant naturel. Le mélange des genres (Saturnin) une reconnaissance éperdue, retrouve la n’est plus que très inégalement respecté. trace d’Angèle dans les rues chaudes de Seul Fernandel, dont c’est ici la premièreAnnie Toinon Marseille… apparition dans l’univers pagnolesque, réin- (Philomène Barbaroux) troduit le comique à travers un personnage Edouard Delmont insolite qui tient de l’émissaire, du messa- ger, du bouffon et du réconciliateur.(Amédée) Saturnin le simple contemple en effet Jean Servais l’action plus qu’il n’y participe. Son rôle se (Albin) borne à suggérer - et cela sans le recours des mots - que la solution aux conflits des personnages n’est pas dans la morale, dans L E F R A N C E 1D O C U M E N T S le strict respect d’un code d’honneur figé, acteur hésite ou bute sur un mot. Il sacri- savons qu’elle s’est laissée séduire par mais dans une présence attentive, inno- fie tout au rythme des échanges de un voyou de la ville qui l’a emmenée et cente et chaleureuse à autrui. Son rôle, répliques et à la justesse des intona- l’a mise sur le trottoir à Marseille. le plus humoristique du film, est aussi le tions. Depuis le départ de sa fille, Clarius, le plus original et le plus grave. La scène où Jacques Lourcelles père d’Angèle, est au désespoir et c’est il retrouve Angèle à Marseille est restée Dictionnaire du Cinéma - les films cette figure de père tout-puissant blessé I’une des plus célèbres de Pagnol. Editions Laffont 1990 . qui fascine Pagnol bien plus que l’amitié Angèle est aussi le premier long métra- des deux journaliers (celui de Baumugnes ge où Pagnol ait pu réunir des conditions et Amédée) qui fascinait Giono. Le père, de tournage idéales. Producteur, proprié- comme Raimu dans César, est un per- taire de studios, de laboratoires et même sonnage vénéré, extrêmement autoritaire d’un camion-son (luxe inouï à l’époque), il Angèle c’est le titre qu’a donné Pagnol à parce que trop sentimental, et ce que a autour de lui une équipe de techniciens son film tiré d’un roman de Giono, Un de Pagnol révèle sur la figure paternelle et de comédiens toute à sa dévotion et Baumugnes. Pagnol est un homme du c’est que sa toute-puissance, sa séduc- pour qui le temps ne compte pas. Chaque Sud et de la ville (Marseille) contraire- tion et sa tyrannie sont celles de l’enfant membre de l’équipe se livre comme ment à Giono qui est un écrivain du Nord qui ne veut pas grandir. Tout le film tour- Pagnol lui-même, à toutes sortes de (de la Provence) et de la campagne voire ne autour de la fonction paternelle, du tâches, cinématographiques et non ciné- de la montagne, enfin de l’espace pay- père coléreux, du père absent, pour finir matographiques. Témoignage de san. Cet espace, aujourd’hui, on l’appelle par un homme qui reconnaît un enfant Suzanne de Troye, monteuse, script, etc : paysage, et il remplit le trou qu’il y a qui n’est pas de lui. «Ça n’avait aucun rapport avec le travail entre deux villes, on vient parfois s’y Celui qui n’a pas de père dans le film, en studio à Paris. Avant de tourner un reposer et le regarder parce qu’il est vide c’est Fernandel, la star du film qui joue film, par exemple Angèle qui fut le pre- comme la mer, ce qui n’a pas toujours le rôle de Saturnin le valet de la ferme, mier, on a vécu dans la colline, dans une été le cas. Pagnol était lui aussi un I’enfant de l’assistance publique dont le ferme que Pagnol avait achetée dans le homme de la ville qui allait se reposer à drame vient sûrement de la ville. Il fait vallon. Alors, il a fallu d’abord aménager la campagne. Je suis sûre qu’il parcou- l’idiot et c’est pour cela qu’il mène le la ferme. Ce n’était pas du montage. Et rait la distance entre Marseille et l’arriè- récit (comme dans Shakespeare). C’est puis il a fallu aussi faire des routes parce re-pays comme un voyage dans le temps. lui qui a dit à Angèle qu’elle méritait un que c’était un endroit isolé, la ferme était En allant dans les collines, le dimanche, mari de la ville, qui lui a dévoilé le rêve abandonnée depuis longtemps. Pagnol ou l’été, il faisait le chemin à l’envers, ce de la ville. Lorsqu’il ramène Angèle du avait à l’époque un grand amour pour la chemin des gens qui avaient quitté la trottoir de Marseille avec un enfant sans dynamite, alors on dynamitait certains campagne pour voire la ville, la sienne : père, Clarius ne veut rien voir, il envoie endroits où le rocher abritait des routes. Marseille, capitale d’un pays, la sa fille se cacher à la cave avec son reje- Ainsi, les endroits où nous voulions tour- Provence, dont il a filmé et écrit le ton. Amédée, le journalier, est donc là ner devenaient accessibles [...] Il s’est mythe. Pagnol est comme un auteur de pour trouver Angèle dont plus personne bien passé trois mois à faire des routes western : il raconte des histoires n’a le droit de parler. Un matin, il voit sur avant de tourner.» (in Cahiers du ciné- mythiques sur l’origine de notre vie la table (du souper, du dîner, la table de ma n° 173). Pour la technique, Pagnol actuelle, c’est-à-dire par exemple que campagne) une tasse de café vide. Une tient avant tout à sauvegarder la liberté nous sommes devenus (comme lui l’était) jolie tasse de la ville posée sur sa sou- et la tranquillité d’esprit des acteurs. Il des citadins. Dans Angèle, il est sans coupe, chez Giono c’est «la petite tasse filme de longues scènes cinq ou six fois cesse question du désir d’aller à la ville bleue, une tasse de jeune fille» alors que de suite avec des bobines de 300 mètres quand on est de la campagne puis du dans le film de Pagnol, c’est celle du (10’ de film) et sous un angle ou avec un chemin de retour. Il y a une séquence petit café noir que boivent les femmes, objectif différents, mais il n’utilise à dans le film particulièrement magistrale en ville. A la campagne, on ne boit pas le chaque fois qu’une seule caméra. Si un à ce propos, la séquence de la tasse de café dans une tasse, Pagnol prend soin acteur se trompe ou sort du champ, on café. Amédée, journalier agricole, s’est de le préciser l’air de rien, dans la pre- rattrape au montage son erreur en utili- fait embaucher dans le mas du père mière scène du film : c’est la fin du repas sant le même moment de la scène tiré d’Ang èle soi-disant pour fouler le blé. En chez Angèle, elle sert le café et l’action d’une autre des six bobines. Il n’est pas fait, il vient se renseigner sur Angèle, décrit le grand amour entre père et fille, rare d’ailleurs que Pagnol choisisse dont son ami des montagnes, de cependant que le dialogue parle comme la meilleure une prise où un Baumugnes, est amoureux. Hélas, nous d’amours cochonnes, de la truie qu’un L E F R A N C E SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 77.32.76.96 2 RÉPONDEUR : 77.32.71.71 Fax : [phone]D O C U M E N T S voisin a amenée au verrat, et le père dans une ferme des collines à moins qu’il buter (ou être en butte) à la femme; tan- conclut en disant que si la truie ne veut ne soit arrivé quelque chose à Angèle, dis que chez le second, la femme se bute pas du verrat, son propriétaire n’a qu’à la qu’elle soit allée en ville. (ou est en butte) à l’homme. On voit que satisfaire. Il ne sait pas qu’il parle de sa Claire Simon, Pagnol ne pouvait et ne devait emprunter fille en disant cela, d’Angèle qui lui sert Les Cahiers du cinéma H.S., plus avant la voie qu’il ouvrait au début le café dans un verre, un verre qu’on voit 100 films pour une vidéothèque, d’Angèle. Mais ne pouvant et ne devant à peine mais qui est là, simple mise en Décembre 1993, p. 10 et 11. non plus totalement l’ignorer, il va se scène documentaire dont les auteurs des contenter d’en garder la trace, comme en remakes de Pagnol sont bien incapables filigrane, à travers le personnage de puisqu’ils font ces films pour éviter de fil- Fernandel, capital et (parce que capital) mer l’Histoire d’aujourd’hui. marginal. Or l’Histoire qui traverse Angèle se cris- Dans Angèle, on a la séduction (subie La femme, cependant, chez Pagnol, tallise dans cette tasse de café plus qu’assumée) qui débouche sur la deviant ou defiant la loi, est celle grâce à qu’Amédée découvre de façon très souli- dégradation, jusqu’au moment où, traver- qui la loi - par là le langage - du groupe, gnée : Pagnol filme soudain en gros plan sés l’enfer de la ville et le purgatoire de reprend vie ou prend une autre vie. «Le comme il ne l’a jamais fait avant dans le la cave, Angèle se voit offrir le mariage secret est le courant souterrain du langa- film, un plan qui n’a rien à voir avec les par celui de Baumugnes qui la voulait ge», dit Pagnol. Dans le monde masculin autres, un plan qui fait cinéma, la tasse bien. qu’il nous décrit, la femme, tenue au filmée avec une lumière très spéciale, la Une autre chose, d’une autre façon, secret, est le courant souterrain du lan- lumière des objets signes du cinéma, le manque chez Pagnol : le cas de l’homme gage de son groupe. revolver, la lame du couteau, la clef, etc. exclu de l’amour qu’il porte à une femme. Michel Delahaye, Lorsqu’Amédée voit la tasse à