Ce vieux rêve qui bouge de Guiraudie Alain
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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
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Extrait

FICHE FILM
Ce vieux rÍve qui bouge
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D O C U M E N T
nent l'air de diplodocus dÈpressifs, ces hommes-l‡ ont d'abord soif d'Ítre recon-nus comme humains. A force de rayon-ner sans but sur le mÍme terrain de chasse (magnifique toundra pelÈe digne des films de Tarkovski), ils ont fini par oublier le b.a.-ba de la communication. Tous s'expriment avec la mÍme intona-tion, quel que soit le contenu de leurs paroles. DÈsespÈrÈment avides d'un regard ou d'une attention, ils vont jus-qu'‡ se mÈprendre sur les gestes de leurs pairs. Que le jeune rÈparateur lËve les doigts pour se gratter le nez ou pour bidouiller un piston de sa machine : ‡ chaque fois, ses collËgues croient qu'il esquisse une poignÈe de main et ten-dent la leur pour lui rÈpondreÉ Ce n'est qu'autour d'une gnÙle, d'une biËre ou d'un Duralex plein de piquette qu'on arrive ‡ se parler. A dire la solitu-de dans les champs de ferraille o˘ "les hommes travaillent de moins en moins ensemble". A dire l'absurditÈ du travail assidu quand l'usine va mettre la clef sous la porte dans huit jours. A dire que dans ces huit jours, tout espoir de lutte finale s'Èteindra dans la nuit honteuse du chÙmage Èternel. Et surtout ‡ dire son dÈsir pour l'autre. CarCe vieux rÍve qui bougen'est pas qu'une divagation mÈlancolique sur la mouise sociale en Aveyron. C'est aussi la chronique Èmouvante d'une passion rÈciproque mais impossible. Le jeune rafistoleur de machine est amoureux de son contremaÓtre. Pas pour sa supÈriori-tÈ sociale, qui n'existe pas : ‡ la fin de la semaine, le petit chef connaÓtra comme les autres les affres de l'inactivitÈ dÈfi-nitive. Mais simplement pour sa condi-tion dÈchirante d'homme b‚illonnÈ depuis toujours par les interdits. CachÈ derriËre sa blouse de Nylon et ses lunettes fumÈes, le contremaÓtre ne s'est jamais rien autorisÈ, ni la rÈvolte ni le dÈsir. C'est une bombe ‡ retardement au bord de l'implosion. Alain Guiraudie sonde les trÈfonds de cette attirance Èperdue avec une rare finesse. Il filme les deux hommes comme deux lou
efflanquÈs qui se cherchent et se fuient, hantÈs par un mÍme fantÙme : le renon-cement. Le duo rappelle alors celui de la piËce de thÈ‚treDans la solitude des champs de coton, de Bernard-Marie KoltËs, o˘ l'un disait ‡ l'autre, pÈtri de dÈsir inavouable : "Car je sais dire non et j'aime dire non, je suis capable de vous Èblouir de mes non, de vous faire dÈcouvrir toutes les faÁons qu'il y a de dire non, qui commencent par toutes les faÁons qu'il y a de dire ouiÉ" Marine Landrot TÈlÈrama n∞ 2707 - 1 dÈcembre 2001
Alain Guiraudie ne prend la place de personne. En trois courts mÈtrages et deux moyens, il n'a fait que prendre toute sa place ‡ lui, celle d'un vrai cinÈaste, qui ne piÈtine les plates-bandes d'aucun de ses pairs et qui n'imi-te rien. Il ne vient pas au cinÈma pour parasiter un paysage dÈj‡ trËs disputÈ mais pour inventer le sien, le dÈfricher et l'habiter. C'est pourquoi la place de Guiraudie, objectivement modeste et Èconomiquement dÈrisoire, est dÈj‡ si importante : parce qu'elle trace, avec une dÈtermination impressionnante, un espace moral et esthÈtique neuf et pro-fond. Le grand souci de Guiraudie, c'est l'hom-me. Plus l'homme est dÈclassÈ, menacÈ, marginalisÈ, oubliÈ, dÈchu, plus il intÈ-resse Guiraudie. Dans son prÈcÈdent film,Du soleil pour les gueux, le cinÈaste occupait un plateau calcaire et dÈsertique du sud de la France pour y organiser une course du Tendre, une scÈnographie initiatique et presque aberrante dont les personnages Ètaient, chacun ‡ sa maniËre, un laissÈ-pour-compte de la sociÈtÈ des images. (É) DerriËre le beau titre, il ne faut pas chercher d'explication autre que poÈ-´
SALLE D'ART ET D'ESSAI C L A S S … ER E C H E R C H E 8 ,R U ED EL AV A L S E 42100 SAINTETIENNE 04.77.32.76.96 R…PONDEUR : 04.77.32.71.71 Fax : 04.77.32.07.09
bougeª font se mouvoir des Èchos qui nous sont communs ‡ tous, et qui concernent nos utopies imputrescibles d'un monde meilleur, nos attachements Èperdus au bonheur, nos espoirs inguÈ-rissables d'un collectif humain qui nous amÈliore et nous grandisse. Sans qu'il y ait ‡ proprement parler de hÈros, Jacques est le pivot deCe vieux rÍveÉ, autour duquel va s'articuler une Ètrange cartographie du dÈsir : celui que Jacques Èprouve pour le contremaÓtre et celui qu'un vieil ouvrier Èprouve pour Jacques, tous deux vouÈs ‡ l'inassouvis-sement. Pour intrusive et surprenante qu'elle soit, l'homosexualitÈ n'est cependant jamais envisagÈe par Alain Guiraudie sous l'optique du ´problËmeª. C'est tout au plus une question posÈe par un homme ‡ un autre. Le sujet du jour n'est pas le sort des pÈdÈs en milieu ouvrier, mÍme si, par contraste plus que par volontÈ,Ce vieux rÍveÉ tord le cou aux clichÈs esthÈtiques du cinÈma qui s'affirme gay. Dans ce film par ailleurs trËs pudique, une seule scËne de main dans la braguette suffit ‡ Guiraudie pour Èclairer sur la qualitÈ de son regard ‡ lui : il n'est peut-Ítre pas trËs branchÈ ni particuliËrement sÈduc-teur, mais il est terriblement vrai et juste. Souvent, Guiraudie affecte d'insister sur son propre dÈcor dÈsaffectÈ : la carcas-se de l'usine, qui ressemble ‡ une toile peinte cramÈe dont il ne resterait que les cadres. Ce quasi-tableau industriel et rÈpÈtitif est un excellent miroir du film lui-mÍme, qui consiste en un trËs bel alliage de mÈlancolie et de vitalitÈ. La friche guiraudienne n'est pas le no man's land postindustriel et dÈsolÈ d'un Sharunas Bartas, ni le thÈ‚tre amer d'un hÈroÔsme ouvrier dont il cÈlËbrerait le deuil. A la limite, question clartÈ lumi-neuse et sËche, air limpide ou lumiËres mÈtalliques, c'est plutÙt aux usines et entrepÙts fantÙmes duPola Xde Carax que le paysage en plans deCe vieux rÍveÉferait songer. '
D O C U M E N T
pas tant la nostalgie (camarade) que le termes d'une dÈsarticulation sociale, l qualitÈ d'un dÈsossement gÈnÈral comme l'enregistrement d'un cycle Èco nomique et historique saisi dans un Ètape provisoire : ce moment o˘ tou retourne ‡ la poussiËre mais o˘, de l poussiËre, rien de tangible n'est encor revenu. Restent donc les hommes, don Guiraudie a le go˚t infini. Y compris l nu humain, carcasses m‚les qu'il filme l'heure de la douche, toutes anatomie et libidos mÍlÈes, dans la plus parfait discrÈtion. Mais aussi l'aliÈnation de hommes, la force Ècrasante de leur habitudes, leur soumission au travail e ‡ ses valeurs, dont le cinÈaste sembl sÈvËrement douter : l'usine, ce n'est pa la vie. Dans la cervelle du jeune homme, ce ange venu exterminer une sorte d machine mentale qui occupera longue ment l'Ècran de toute son abstractio brechtienne, que se passe-t-il exacte ment ? On n'en saura pas grand-chose. Comme on ne tirera pas facilement d conjectures sur le projet souterrain d Guiraudie, qui compte avec raison su son secret pour nous attacher. Du soleil pour les gays ? Une prolo pride ? Un greffe queer sur un constat bourdieusien Une mise en abyme du minoritaire dan la minoritÈ ? Un peu de tout cela, mai aussi quelque chose de la beautÈ d'un fleur sur le bÈton, d'une mÈdaille d'o sous la cendre. Olivier SÈgure LibÈration 29 Novembre 200
(É) Ce n'est pas seulement la machine qu'on dÈmonte, mais toute la boÓte, fer mÈe sans retour. LumiËre de crÈpuscul dorÈ et fin d'un monde prolÈtaire, l soleil se couche sans que les lende-mains aient chantÈ ? Qu'‡ cela ne tien-ne, on entendra, hilarante et troublant Villanelle:Quand viendra la saison nou velle, en la majeur, et d'Hector Berlioz, s'il vous plaÓt. Quant au reste, on e apprendra davantage ‡ la douche, o˘ l'on se croise en toute innocence - t parles ! Parce qu'en fait de machine dÈconstruite, ce farceur de rÈalisateur bricole ‡ la clÈ de 12 la mise en ques-tion de deux grands appareils narratifs. Il y a l'histoire ouvriËre, son passÈ, ses mythes, ses postures, jusqu'au prÈsen dÈpressif, celui du recul du secteu secondaire sous nos latitudes. Mais les types sont plutÙt joyeux, fort occupÈs ‡ s'engueuler sur l'affectation de leu prime de licenciement, tout en sirotant dans une cour transformÈe en champ d parasols du plus bel effet graphique. E il y a l'histoire d'amour entre hommes, ses rituels, son inquiÈtude, son balance-ment entre norme et transgression. Mais il est inusitÈ que ces jeux-l‡ soient montrÈs dans le monde de l'usine, sur-tout sans y Ítre aussitÙt en butte ‡ l haine et au mÈpris que le peuple es supposÈ professer ‡ l'encontre de "pÈdÈs". Guiraudie ne dit pas le contrai-re non plus, il passe au travers de sa camÈra de danseur et avec ce regar plus attentif aux dÈtails qu'aux gÈnÈrali-tÈs, aux humains rÈels qu'aux clichÈs. Non qu'il s'agisse ici de rÈalisme, Èvi-demment.Ce vieux rÍve qui boug est un conte, mais un conte qui ne s'e laisse conter par aucune forme de "cor "
SALLE D'ART ET D'ESSAI C L A S S … ER E C H E R C H E 8 ,R U ED EL AV A L S E 42100 SAINTETIENNE 04.77.32.76.96 R…PONDEUR : 04.77.32.71.71 Fax : 04.77.32.07.09
poids de chair et d'esprit, d'humour et de mystËre, par des voies inattendues et qui semblent simples dËs que le cinÈas-te les a trouvÈes. Ce rÈcit abracadabrant devient proche, Èmouvant, comique, et d'une beautÈ de plus en plus irrÈsistible, ‡ mesure que le rÈcit dÈnoue ses com-posants pour leur proposer avec lÈgËre-tÈ d'autres agencements possibles, d'autres rimes et d'autres raisons - de s'aimer, de travailler (ou pas), de faire du cinÈma aussi. Ainsi ce Guiraudie-l‡, qui n'a toujours pas tournÈ un long mÈtrage, a-t-il dÈj‡ une Ïuvre derriËre lui : cinq titres depuisLes hÈros sont immortels (1990) etTout droit jusqu'au matin (1994). Entre l'attente et la quÍte, il s'y dessinait dÈj‡ la ligne de force qui ÈclÙt si allÈgrement ici : l'invention d'un cinÈ-ma de l'utopie, prise au sÈrieux comme hypothËse critique de tous les systËmes clos de perception du monde et de conception de la mise en scËne. Tout cela est thÈorique ? Mais oui ! Simplement, cette thÈorie s'incarne dans des voix, des regards, des lenteurs et des vivacitÈs de gestes, des lumiËres rasantes sur des perspectives architec-turales saturÈes de mÈlancolie. Tout un vocabulaire plastique, chorÈgra-phique, littÈraire et musical donne forme ‡ cette interrogation vÈritablement radi-cale, qui remet en question les ordres du discours sans jamais se laisser piÈger par l'esprit de sÈrieux. Les tuyauteries techniques, sociales, physiques, langa-giËres sont coudÈes de maniËre inÈdite, dÈtournÈes vers un Èlan vital, un instant de dÈtente, une bonne question. Le chef plombier a un grain de folie, de gÈnie. Jean-Michel Frodon -
D O C U M E N T
Entretien avec le rÈalisa teur
(É)Comment ce dernier film a-t-il Èt produit ? J'Ètais rÈgisseur surLes filles de mo pays, d'Yves Caumon, produit par Jean Philippe Labadie et Nathalie Eybard, d Paulo Films. Je leur ai montrÈDu soleil encore inachevÈ, ils ont ÈtÈ d'accor pour produire le prochain. Celui-ci co˚tÈ 450 000 francs [68 600 euros. L co˚t moyen d'un film franÁais est de 2 millions de francs, soit 3,35 million d'euros].
Comment Ècrivez-vous le scÈnario deC vieux rÍve qui bouge? Je n'Ècris pas en pensant ‡ des acteurs mais ‡ des lieux. MÍme si ce ne son pas forcÈment ceux o˘ je tournerai ensuite. Il se trouve qu'‡ nouveau l'usin o˘ nous avons pu filmer est ‡ cÙtÈ d chez moi, mais je n'en fais pas un princi pe. Je prÈfËre travailler prËs de l‡ o˘ j'habite, mais je ne suis pas un cinÈast rÈgionaliste. Le jour o˘ le dÈcor dont j'ai besoin sera en Bretagne, j'irai filmer l‡ bas. Mais ce n'est sans doute pas pa hasard si c'est dans mon coin que j trouve les lieux qui me plaisent.
Ce film Ètait-il Ècrit de maniËre auss contraignante que le prÈcÈdent ? Non, il est nÈ d'une autre approche. M question ‡ l'origine Ètait : comment fil mer le dÈsir ? J'ai essayÈ d'inventer le bonnes distances. Il fallait laisser beau coup de place au spectateur, que le scÈ nario et le dÈcoupage n'imposent ni n'expliquent rien. Le choix des acteurs fait bouger le projet : par exemple demander ‡ Jean-Marie Colombelles d jouer le contremaÓtre amËne ‡ rappro cher ce personnage des ouvriers Ensuite, la mise en scËne travaill contre le scÈnario, en Èvitant d'illustrer Les lieux rÈels apportent leurs propre contraintes ou des suggestions. Enfin Philippe Ramos a collaborÈ au monta
C'est un cinÈphile beaucoup plus Èrudi Filmographie que moi, nous avons ÈnormÈment discu tÈ, des scËnes ont disparu, d'autres on changÈ de place. Les hÈros sont immortels1990 Tout droit jusqu'au matin1994 Aviez-vous dÈfini ‡ l'avance une "gram La Force des choses maire visuelle" pour la rÈalisation ? Du soleil pour les gueux Oui. Je tenais au format carrÈ [forma 1.33, o˘ le rapport hauteur/largeur est l plus faible. Ce format des origines d cinÈma est toujours chÈri par certain des plus grands stylistes]. Et je voulai que le film soit en plans larges, j'ai pra tiquement tout tournÈ avec le mÍm objectif, le 35 mm, qui ouvre l'angle d vision, donne de l'air autour des person nages. Cette largeur fait partie de me rÈponses ‡ la question sur comment fil mer le dÈsir. Ce qui ne m'a pas empÍch d'avoir peur le jour de tourner la scËn o˘ ils se tripotent. Mais je trouve qu'il faut savoir filmer cela, et au moment o˘ je le fais, je suis s˚r de ma distance. A moment de tourner, il n'y a pas 3 options pour faire le plan qu'on veut. L plus souvent, il n'y en a qu'une.
Vous avez rÈalisÈ jusqu'‡ prÈsent de films courts et trËs bon marchÈ par rap port aux normes du cinÈma de fictio destinÈ aux salles. Avez-vous l'intentio de poursuivre dans cette voie ? Ah mais non ! Je prÈpare un film de heures, qui doit co˚ter dans les 15 mil lions de francs [2,3 millions d'euros] avec 43 personnages, 40 dÈcors, de sÈquences oniriques, des poursuites e voiture, ce sera un grand road movi d'aventuresÉ Propos recueillis pa
Jean-Michel Frodo Le Monde Ineractif - 27 Novembre 200
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