L’histoire sans fin
The Neverending StoryF de Wolfgang Petersen
FICHE FILM
Fiche technique
Allemagne- 1984 - 1h34
Couleur
Réalisateur :
Wolfgang Petersen
Scénario :
Wolfgang Petersen
Herman Weigel d’après le
roman de Michael Ende, Die
Unendliche Geschichte
Musique :
Tami Stronach et Barret Oliver
Klaus Doldinger
Giorgio Moroder Résumé Critique
Effets spéciaux :
Depuis la mort de sa mère, Bastien, dix Imageries de rêves d’enfants à la
Brian Johnson ans, rudoyé par son père et ses cama- Spielberg, super technologie d’effets spé-
rades d’école, se réfugie dans l’imaginai- ciaux à la Lucas, fantasmagorie philoso-
re. Un jour, chez le vieux libraire phique à l’allemande, le tout sur des pla-
Décor :
Koreander, il est subjugué par un livre teaux munichois. Mariage détonnant. Et
Rolf Zehetbauer étrange : L’histoire sans fin. Le libraire réussi. La grosse machine à spectacle a
refusant de lui céder cet ouvrage «aux tout pour rivaliser avec les meilleurs
pouvoirs magiques», il le dérobe et se met modèles du genre, sans pour autant se
Interprètes :
à le lire en cachette dans le grenier de livrer à une débauche d’effets gratuits ou
Barret Oliver son école. Fantasia, le pays fantastique, démonstratifs. Les morceaux de bravoure
est dévoré peu à peu par le néant malé- fort impressionnants ne nuisent en rien(Bastien)
fique. Les habitants se rendent à la Tour aux fondements même d’une œuvre que
Noah Hathaway
d’lvoire pour implorer l’aide de la petite Max Tessier par exemple, n’hésite pas,
(Atreyu) Impératrice. Mais celle-ci est malade. audacieusement, à qualifier de «date
Pour la sauver, son chambellan fait appel importante dans la renaissance d’unTami Stronach
à un jeune garcon, Atreyu, qui part en expressionnisme allemand».
(la petite Impératrice)
quête du remède… Gilles Colpart
Patricia Hayes Saison Cinématographique 1985
(Urgl)
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
Au départ, une histoire comme toutes là se rapprocherait d’un regard spéci- (...) Avec ses 22 millions de dollars,
les histoires, mais à laquelle un traite- fique à une culture germanique. L’histoire sans fin a donc bénéficié
ment scénarique d’une incroyable fai- Pascal Dumont de l’appui financier nécessaire à la
blesse ôte tout intérêt. A l’autre bout, Cinéma 84 n° 312 concrétisation satisfaisante d’un uni-
un réalisateur qui tout en assurant son vers fantaisiste, héritier en ligne direc-
récit, semble incapable de donner te de ceux imaginés par Frank L. Baum
aucune force cinématographique à la ou J.R.R. Tolkien. D’autres points
moindre scène... Et entre les deux, une En pleine overdose d«’heroïc-fantasy» d’ancrage ? Assurément les œuvres de
armée de gens qui ont admirablement et de spielbergite aiguë, on pouvait Steven Spielberg pour l’incursion dans
travaillé pour les décors et les effets logiquement redouter cette énième le monde de l’enfance et l’ampleur
spéciaux. Navrante répartition du fantasmagorie à grosses bestioles, Iyrique de la mise en scène. Un parallè-
talent, de plus en plus fréquente. méga-effets spéciaux et à philosophie le évident qu’il serait intéressant
L’histoire sans fin est donc tout juste enfantine, sinon infantile. Or, d’approfondir dans une étude sur
l’album-souvenir photographique du quoiqu’on puisse penser du Bateau et l’œuvre spielbergienne et ses descen-
vrai film féérique qu’il aurait pu être... de Wolfgang Petersen, la surprise est dances. D’ailleurs Spielberg est un
Attendu, mais bien réalisé, le renouvel- plutôt bonne : imaginez (c’est le mot) le grand admirateur du premier film de
lement de l’imagerie «merveilleuse» romantisme allemand à l’assaut de la Petersen (Le bateau) et il aurait parti-
par l’emprunt à une certaine tradition machine hollywoodienne à fabriquer du cipé au montage final du film...
picturale allemande, avec des pay- fantasme, avec tous les moyens du Citons aussi la saga des Star Wars de
sages qui ont la lumière d’un Caspar bord, les meilleurs spécialistes du G. Lucas, à laquelle certains passages
David Friedrich ou le foisonnement genre, et vous aurez une idée du résul- font ouvertement référence : je pense
méticuleux d’un Altdorfer. Plus un cer- tat, qui est fabuleux, dans le sens pre- ici à la scène où les représentants des
tain sens de l’espace et de la terre, qui mier du terme ; on y entre, littérale- diverses provinces de Fantasia se sont
fait qu’on croit plus à ce monde que ment, comme dans un livre, c’est le cas rassemblés dans le palais impérial, et
dans d’autres réalisations de ce genre. de le dire. qui évoque la fameuse séquence de la
Michel Chion Plus proche des Nibelungen ou des cantina de La Guerre des étoiles et
Cahiers du Cinéma n°366 Contes d’Hoffman que de E T. ou de sa concentration d’aliens tous plus
l«’heroïc-fantasy» américaine, cette délirants les uns que les autres. Et puis
Histoire sans fin (adaptée d’un roman il y a dans L’histoire sans fin ce
best-seller de Michael Ende: ironie thème sous-jacent et global de la
volontaire ?) frappe dès les premières Force, chère à G. Lucas ; une force qui
scènes fantastiques par sa profonde sert de fil conducteur au film de
Le film dans sa globalité laisse percer germanité. Petersen et qui permettra la jonction
une certaine insatisfaction, due tout Mais pourquoi L’histoire sans fin est- entre deux niveaux de réalité.
d’abord à la mièvrerie qui entache par- il (à mon avis que je partage) supérieur, Il faut naturellement avancer aussi les
fois quelques situations, à un penchant à, en tout cas différent de, la plupart noms de Jim Henson et Brian Froud, le
disneysien qu’il cherche à dépasser des machines à fantasmes de ces der- réalisateur/scénariste et le concepteur
mais vers lequel il ne cesse de glisser. nières années "made in Hollywood ?" de Dark Crystal, I’antécédent ciné-
Ainsi en vient-on à s’interroger sur la Non pas seulement à cause d’une fini- matographique auquel L’histoire sans
finalité de cette Histoire sans fin (le tion technique et esthétique qui a été fin fait irrémédiablement le plus pen-
film s’arrête d’ailleurs à la première précisément exécutée à Hollywood ser. Un monde de «fantasy» totalement
partie de l’ouvrage de référence). (dans les studios de George Lucas, débridé, regorgeant de multiples êtres
L’histoire sans fin apparaît en nous dit-on), mais parce que Wolfgang et créatures délirants évoluant dans
quelque sorte comme un coup d’essai, Petersen et ses collaborateurs ont des paysages irréels, c’est ce qu’on
une tentative de recupération du spec- réussi à introduire dans leur grimoire peut découvrir à la vision du film de
taculaire à l’américaine dans le but de animé ce qui manquait à la majorité Petersen. je ne vais pas en énumérer
constituer un spectaculaire plus réflexif des produits de la même galaxie : une toutes les créations, mais simplement
(différent en cela d’un mode directe- certaine poésie de l’imaginaire, un citer les plus étonnantes : côté bestiai-
ment actif ou l’image spectaculaire est humour du fantastique. re, il y a cette tortue (Morla) immense
recherchée en tant que telle, en tant Max Tessier et millénaire enfouie sous terre, et
que pure valeur de fascination), et par La Revue du Cinéma n° 400 dont la carapace forme une montagne.
L E F R A N C E
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Le Mangeur de Roc, un géant de pierre Certains plans représentant des décors quer chez l’homme reste à faire. Disons
haut de plusieurs dizaines de mètres, oniriques et désolés que surplombent en clair qu’il manque au film de W. Pe-
plein de bonhommie et qui se déplace une masse de nuages en mouvement tersen une dimension métaphysique
sur un colossal tricycle ; un escargot (Ie fameux procédé des colorants injec- plus développée qui en aurait fait non
géant de course (!) ; un dragon (Falkor) tés dans l’eau, comme dans seulement une œuvre descriptive, mais
au pelage et écailles rosâtres aussi Rencontres du 3ème type) sont de à la fois un spectacle enthousiasmant
doux qu’un brave toutou et qui trans- toute beauté, de même que les images et une réflexion sur le pouvoir du rêve
portera Atreyu dans un merveilleux de cieux embrasés et crépusculaires. et ses conséquences. Mais il vaut
voyage au-dessus des nuages de Ces toiles de fond fantastiques et gran- peut-être mieux laisser cela à des
Fantasia, etc. Côté humanoïdes, il y a dioses garantissent un dépaysement cinéastes plus inspirés, car en tant que
le Night Hob au pelage brun, aux yeux qui nous plonge sans peine dans la pur produit de distraction et moment
fous et aux ailes de chéiroptère ; le dimension du rêve et du merveilleux. de voyage dans la dimension du mer-
digne nain Teeny Weeny, très élégant Pour cette entreprise européenne de veilleux, L’histoire sans fin atteint
avec son haut de forme et sa queue de très haut budget, c’est tout de même à ses buts et risque bien de faire rêver
pie ; le sage Cairon, qui confiera sa des spécialistes anglo-saxons qu’est justement, les cinéphiles de tous âges.
mission à Atreyu ; le vieux couple revenue la tâche de créer les effets Seul point faible à noter : la musique
formé de Engywok, le gnome astrono- spéciaux et les travaux de maquillage. fadasse de G. Moroder et K. Doldinger,
me, et de sa femme Urgl. Enfin, il y a le Dans les studios Bavaria de Munich vraiment peu inspirés, et qui ne traduit
méchant loup avec le monstrueux L’histoire sans fin a requis l’utilisa- absolument pas la teneur poétique du
Gmork aux yeux verts phosphorescents tion des procédés techniques les plus film. Enfin, L’histoire sans fin, s’il
et qui pousse des hurlements sophistiqués : blue-screen, mattepain- obtient le succès mondial escompté,
effroyables. Représentant du Mal sur tings, remarquables trucages effectués laisse augurer de bien belles choses
Fantasia, il essaiera de détruire Atreyu. sous la supervision de Brian Johnson ambitieuses et coûteuses, mais qui ne
Pour atteindre son but, celui-ci devra (Alien, I’Empir