Fiche technique du film " La vie est immense et pleine de dangers " Produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France. Site : abc-lefrance.com
La vie est im mense et pleine de dangers
F de Denis Gheerbrant
FICHE FILM
Fiche technique
France - 1994 - 1h10
Réalisateur :
Denis Gheerbrant
Documentaire
Avec la participation du
Centre National de la
Cinématographie, de la
Fondation de France et de
l'Institut Curie
jection en particulier !), ne reçut finalementRésumé
aucun prix. La démarche de Gheerbrant est
tout à fait dans la descendance de celle de
Des enfants malades vivent leur vie
Johan Van der Keuken, grand docu-
d’enfants d’abord.
mentariste auquel on rendait un hommage
Un jour, Cédric a mal au ventre. Il passe les
substantiel à Marseille. Il s’agit ici pour
six mois suivants à l’hôpital.
Gheerbrant, dans la lignée du cinéma
Tout au long de son histoire dans la mala-
direct le plus pur, de s’attacher à suivre sur
die, sa parole prend plus d’ampleur. Elle
plusieurs mois l’itinéraire d‘un enfant
croise celle de Steve, de Dolores, d'autres
atteint d’un cancer. Coupant court à tout
enfants, d’autres destins. Maintenant, il
suspense inutile ou douteux, le film nous
est guéri.
apprend d’emblée que la vie de l’enfant,
Cédric, a été sauvée au terme de ce rude
parcours. Chez Gheerbrant, le regard,
Critique I’attention, la morale, la parole, la pensée,
I’esthétique marchent d’un seul et même
De la sélection assez contrastée de Vue sur mouvement. Présent au son et dans un
les docs - le festival de Cinéma docu- hors-champ très proche, le cinéaste accom-
mentaire de Marseille - se détachait incon- pagne littéralement l’enfant, il dialogue
testablement le très beau film du cinéaste avec lui, inscrit le temps qui passe, montre
français Denis Gheerbrant (déjà auteur de les conditions objectives des soins qu’il
Amour rue de Lappe et de Et la vie...) La reçoit à l’hôpital et la vie qui se déroule à
vie est immense et pleine de dangers l’intérieur de l’institution. Nulle volonté
qui pour d’obscures raisons (mauvaise pro- d’enfermement et encore moins de mani-
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pulation dans cette démarche à la fois mais plutôt les questions que moi-même
très fine et très obstinée, mais au je me posais. Très bien. Ils étaient vraiment très
contraire une manière d’élargir sans Je voulais filmer des enfants qui luttent, ouverts. Avant de m’accepter ils m’ont
cesse le champ, soit en cadrant le pas des enfants qui souffrent, parce demandé de leur passer une cassette du
monde, la lumière à travers les fenêtres, qu’ils ont des choses à nous apprendre. dernier film que j’avais fait. La manière
soit par la parole, en ouvrant le dialogue Je voulais qu’on entende les enfants dont j’avais filmé les personnages de Et
à une dimension pratiquement métaphy- pour ce qu’ils avaient à nous dire, non la vie…, mon attitude, étaient pour eux
sique, interrogation perrnanente, sauva- comme une parole symptôme, comme un gage de confiance et leur donnaient
ge et douce, sur le phénomène de la vie c’est souvent le cas : on écoute les envie de voir comment j’allais filmer les
même. En témoigne d’ailleurs le titre du enfants pour alimenter un discours enfants qu’ils soignaient. Ils pensaient
film qui est une phrase prononcée par d’adultes. J’avais mis une affiche sur les qu’ils pourraient en retirer quelque
Cedric, I’enfant malade, au cours d’une murs de Curie pour annoncer le tourna- chose dans l’exercice même de leur
discussion avec le cinéaste-enquêteur. ge. ; j’expliquais que mon travail était métier.
Sur un sujet délicat, propice à toutes les fondé sur l’idée que la maladie était une
dérives (chantage affectif, voyeurisme, épreuve et que l’épreuve faisait grandir. Quelle a été leur réaction quand ils ont
cruauté, humanitarisme plaintif), Denis Mon choix était clair : je voulais filmer vu le film ?
Gheerbrant a réussi un film de funam- un enfant dans l’épreuve pour l’accom-
bule où la science du cadre mouvant, à pagner. Pas partager, parce qu’on ne A la fois un sentiment de familiarité et
l’épaule, s’allie à la maîtrise du montage partage rien mais être à côté. Tout ce en même temps, la découverte de ce
qui finit par produire un récit d’une réel- qu’on peut faire, c’est être là. que seul un travail spécifique dans le
le ampleur. La vie est immense et Etre là... et écouter. temps pouvait faire saisir: la violence du
pleine de dangers est produit par Les Je peux dire maintenant, au regard du combat intérieur de l’enfant contre la
Films d’ici, infatigables défricheurs de film terminé, que la maladie est un récit, maladie et la puissance avec laquelle il
documentaires (Kramer, Philibert, les et que, sans doute, c’est un conte que mobilise toutes les ressources de son
autres films de Gheerbrant...) auquel on j’ai toujours voulu faire, alors même que intelligence.
rend un hommage plus que mérité à la je n’aurais jamais osé le formuler ainsi Il y a évidemment des enfants qui
Galerie du Jeu de Paume, et devrait être lors de l’écriture du projet. confient des choses beaucoup plus per-
diffusé sur Arte à l’automne dans une sonnelles aux infirmères et aux auxi-
version sans doute un peu raccourcie, Combien de temps es-tu resté à filmer à liaires que ce qu’ils disent devant la
pour cause de difficulté du sujet. Denis l’Institut Curie ? caméra.
Gheerbrant aimerait bien voir son film Mais je me suis toujours refusé à filmer
trouver le chemin des salles. Il a raison. J’ai filmé pendant neuf mois. Mais des confidences. Je revendique très fort
Thierry Jousse j’étais venu avant. Si on met bout à bout d’avoir filmé des enfants qui me disaient
Cahiers du cinéma n°483 les différents stades de préparation, on des choses pour qu’elles soient trans-
peut dire un an et demi. mises.
Et c’est peut-être ce qui a le plus
Tu y allais tous les jours ? surpris : cet acte volontaire, cetteEntretien avec Denis
construction de la parole, sur des mois,
Gheerbrant J’y allais tous les jours. A peu près à travers tous les aléas de la maladie.
autant que n’importe qui travaillant à
Comment t’est venu le besoin de faire Curie, même si mes horaires et mes Et les enfants, comment t’ont-ils
ce film ? journées étaient parfois décalés ; je res- accueilli ?
tais souvent le soir, je venais pendant le
Il y avait au départ une envie à la fois week-end, et je prenais de temps en La plupart des enfants sont arrivés après
très forte et toute simple de mener un temps des vacances. moi. Je faisais déjà partie des lieux.
travail avec des enfants ordinaires dans En fait, je tournais très peu : j’ai calculé Pour les enfants, j’étais "Denis le
un situation extraordinaire, d’entendre que j’ai impressionné un demi-heure de cinéaste".
ce qu’ils avaient à dire des questions pellicule par semaine. "Denis le cinéaste", c’était quelqu’un
essentielles dans lesquelles la vie les avec qui on pouvait parler sans se
avait plongé. Pas des questions pour Comment les membres de l’équipe ont- retrouver pour autant devant la caméra.
enfants comme on l’entend d’ordinaire ils accueilli le projet ? C’était quelqu’un qui faisait partie du
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quotidien de l’institution sans être de
l’institution, qui était parent - j’ai tou-
jours affirmé le fait que j’avais moi-
même des enfants - mais qui n’était pas
leur parent, qui n’était pas dans le
réseau familial, ni dans le réseau éduca-
tif, et qui allait porter une image au
dehors.
"Denis le cinéaste", c’était aussi quel-
qu’un qui très souvent permettait
d’exprimer de l’interdit, d’essayer des
paroles.
Filmographie
Denis Gheerbrant est né en 1948,
études littéraires, IDHEC sections réali-
sation et prises de vue.
Printemps au square 1978
Amour rue de Lappe 1984
Question d'identité 1985
Histoire de parole 1986
La parole d'abord
Et la vie 1989
Une fête foraine 1992 - 94
Thierry Claveyrolat
La vie est immense et pleine de
dangers
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