Le Temps retrouvé  de Ruiz Raoul
4 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
4 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 73
Langue Français

Extrait

Le temps retrouvÈ de Raoul Ruiz FICHE FILM Fiche technique
France - 1999 - 2h38 Couleur
RÈalisateur : Raoul Ruiz
ScÈnario : Gilles Taurand, Raoul Ruiz, dÕaprËs le roman Marcel Proust
Montage : Denise de Casabianca
Musique : Jorge Arriagada
InterprËtes : Catherine Deneuve (Odette) Emmanuelle BÈart (Gilberte) Vincent Perez (Morel) John Malkovich (le Baron de Charlus) Pascal Greggory (Saint-Loup) Marcello Mazzarella (Marcel) Marie-France Pisier (Madame Verdurin) Chiara Mastroianni (Albertine)
L E
D O C U M E N T
du livre nÕa donc aucun intÈrÍt. Prendr au contraire, lÕexpÈrience de Ruiz po ce quÕelle est - une expÈrience just ment, un petit laboratoire cinÈmatogra phique, un exercice ardu dÕadaptation lui redonne toute sa saveur. DÕun autr cÙtÈ, on pourrait aussi oublier le livre e envisager le film pour soi seul, mai cÕest (au moins) deux fois impossibl DÕabord, parce quÕon nÕadapte pas monument si cÈlÈbrÈ de la littÈratur sans se douter que sa prÈsence insistera ensuite, parce queLe temps retrouv nÕest pasGuerre et paixou mÍm Madame Bovary. Le dernier volume d la Recherche est absolument anti-roma nesque : il ne sÕy passe pour ainsi dir rien et le peu qui arrive nÕa de sens qu de venir ‡ la fin, de parachever la vie d narrateur, de laisser souffler la mort e de construirein extremisune thÈorie d lÕart et la possibilitÈ dÕune Ïuvre. spectateur ne peut donc pas se laisse prendre par lÕintrigue, puisqu'il nÕy e pas, ni par les personnages, puisquÕil ne font que des apparitions plus o moins ÈphÈmËres pour venir clore leu destin. Le film de Ruiz a ainsi un statu singulier qui fait sa bizarrerie et so grand intÈrÍt ; il ne sÕÈmancipe pas d son modËle, nÕaccËde pas ‡ lÕautonom PlutÙt que dÕadaptation, il faudrait pa ler, comme on fait en musique, dÕinte prÈtation. Le cinÈaste y invite dÕauta plus quÕil a optÈ pour une littÈralit stricte voire hyperbolique. LÕÈpisod fameux du pavÈ de Venise (qui annonc une sÈrie accÈlÈrÈe de rÈminiscences e la dÈcision de se mettre enfin au travail est ainsi abondamment thÈ‚tralisÈ PlutÙt que de faire buter Marcel pa mÈgarde sur un pavÈ, Ruiz filme un lon plan sur ses pieds. Le spectateur, pa dupe, se dit : tiens, cÕest le momen Une fois quÕil a butÈ sur le pavÈ, Marc se fige vingt secondes dans une pos improbable. Dans cette scËne, comm dans dÕautres, notamment concerna les tics des personnages, Raoul Rui procËde par fÈtichisation ironique : il nous donne tout ce quÕon attend, ma
nous le donne au carrÈ, parsemant so film non pas de petits faits vrais mais d scËnes emphatiquement marquÈes pa leur origine littÈraire. Ce qui dÈplac lÕenjeu du film : le but nÕest pas reconstituer un univers, mais de l reprÈsenter, pas de rendre vivant le peti monde de laRecherche, mais de trouve le moyen de transmuer lÕor du texte e mÈtal de lÕimage. On sait la passion d Ruiz pour toutes les sortes dÕalchimie. Ce passage du texte ‡ lÕimage sÕop par le dÈtour, on lÕa dit, du thÈ‚tre. Ru multiplie, tout au long de sonTemp retrouvÈ, les puissances thÈ‚trales d faux. Dans certaines scËnes, le meubles, les fauteuils, les personnage mÍmes sont posÈs sur un travelling e naviguent dans le plan, crÈant des effet de flottement du rÈel et incitant Marcel perdu dans lÕespace mobile, ‡ se perdr aussi dans le temps labile, ‡ plonge dans la mÈmoire. Ailleurs, le carton-p‚t et les projecteurs de thÈ‚tre s dÈploient sans vergogne comme pou indiquer visuellement quececiest un scËne (de la mondanitÈ, du livre, de l mÈmoire). Il y a une faÁon simple - pa fausse pour autant - dÕanalyser c recours au thÈ‚tre : il sÕagit de montr que nous sommes toujours en plei thÈ‚tre social, face ‡ un Èternel jeu d rÙle (´la vie est un thÈ‚treª). On nÕe finirait pas de citer les scËnes du fil centrÈes sur la question du nom, du rÙl tenu, de la place occupÈe, parce qu chez Proust dÈj‡ ces considÈrations son essentielles. CÕest Jacques du Rozi mis ‡ nu par le prince de Guermantes e redevenant dans la minute le juif Alber Bloch ; cÕest le bordel de Jupien o Charlus (John Malkovich) paie de jeune hommes pour jouer les gros durs ; cÕe Gilberte (Emmanuelle BÈart) se dÈgui sant en Rachel (Elsa Zylberstein) quÕell croit aimÈe de son mari. Donner ‡ voir l monde comme lieu dÕillusions et dÕint prÈtations hasardeuses ne vise pa cependant ‡ une critique sociale naÔv sur lÕÍtre (supposÈ vrai) et les app
SALLE D'ART ET D'ESSAI C L A S S … ER E C H E R C H E 8 ,R U ED EL AV A L S E 42100 SAINTETIENNE 04.77.32.76.96 R…PONDEUR : 04.77.32.71.71 Fax : 04.77.25.11.83
profondÈment, il sÕagit dÕillustrer une pensÈe esthÈtique. Car, de mÍme que Proust dÈploie dansLe Temps retrouvÈ sa thÈorie de lÕart et de la littÈrature ; de mÍme, Ruiz use de son adaptation pour illustrer sa propre conception de lÕart et du cinÈma. On a souvent dit ce quÕÈtait lÕart selon Ruiz : baroque. Encore faut-il expliciter ce que recouvre ce concept un brin fourre-tout. Chez le cinÈaste chilien, au moins trois choses. 1. DÕabord, lÕidÈe que lÕart est artifice, jeux dÕillusion, retournement incessant du faux en vrai puis du vrai en faux. De ce point de vue,Le temps retrouvÈest idÈal, puisque cÕest le lieu de lÕinversion gÈnÈralisÈe des signes et des destins. Madame Verdurin (Marie-France Pisier) est devenue princesse de Guermantes, Morel (Vincent PÈrez) est dÈsormais un homme important, et cÕest Charlus qui nÕest plus rien. Mais prÈcisÈment, le monde dÕÍtre devenucemonde nÕest plus vraimentlemonde. Rien ne persÈ-vËre dans son Ítre ; tout est mouve-ment, passage. Sans doute, Ruiz va-t-il sur ce point plus loin mÍme que lÕÈcri-vain, comme en tÈmoigne la fusion de Gilberte et Rachel en un seul Ítre hybri-de. Non seulement Gilberte se dÈguise en Rachel, mais elleestRachel, les deux comÈdiennes se mÍlant au fil des plans. Si chez Proust, il y a toujours un moment o˘ lÕÍtre rÈcupËre sa vÈritÈ propre, chez Ruiz, il semble que mÍme lÕÍtre puisse Ítre soumis ‡ des variations profondes qui le privent de toute identitÈ stable. Tout, absolument tout, change et varie. Le narrateur, de ce point de vue, a un rÙle essentiel. Il est celui qui met les choses en mouvement, peut-Ítre plus encore dans le film que dans le roman, parce quÕil y a ici beaucoup moins de bricolage narratif pour lier une scËne ‡ la suivante. CÕest par Marcel donc (Marcello Mazarella, trËs bien) - et dans une grande libertÈ narrative - quÕon saute sans arrÍt dÕun personnage ‡ lÕautre, dÕun lieu ‡ lÕautre, dÕune Èpoque ‡ lÕautre. Marcel fait un peu office de
D O C U M E N T
dans un autre contexte, dÕagent neutr qui fait advenir les choses sans en Ítr partie prenante. Le jeu trËs blanc d lÕacteur, sa dÈmarche tranquille, so registre volontairement limitÈ, le peu d phrases quÕil prononce, sa voix qui nÕ pas la sienne mais celle de Patric ChÈreau (le narrateur aussi est un Ítr hybride) accentuent encore lÕimpressio quÕil est plutÙt un opÈrateur de rÈc quÕun personnage du rÈcit. Le plus so vent, le visage de Marcel arbore un fi sourire ironique qui communique a spectateur un doute fondamental su tout ce quÕil voit. Rien, semble-t-il, nÕ vraiment sÈrieux de ce qui se dit. L monde lui-mÍme nÕa peut-Ítre pas d consistance. La scËne du bordel est, su ce point, emblÈmatique : alors qu Proust fait des efforts (pas complËte ment convaincants) pour justifier qu Marcel ait pu surprendre Charlus e train de se faire fouetter, Ruiz s contente de le faire monter sur une chai se dans le couloir et dÈcouvrir la scËn par un Ènorme trou dans le mur. Ce qui arrive nÕa dÈcidÈment pas ‡ passer p le tamis du rÈalisme. 2. DeuxiËme principe de lÕesthÈtique ru zienne : lÕart, Áa se fabrique. Les tr cages trËs visibles, plus proches de films de MÈliËs que des derniËres trou vailles techniques, ne cessent de dÈsi gner le double fond du film : du rÈel certes mais aussi du labeur. Filmer, dan les premiËres sÈquences du film, Prous moribond en train dÕÈcrirequand mÍme malgrÈ le souffle court, relËve dÕun pr jet identique : montrer lÕart comme u effort, une lutte contre la matiËre, un somme dÕeffets voulus et de constru tions raisonnÈes. Les acteurs jouent u rÙle essentiel dans cet Èloge de l fabrique. Ruiz leur a moins demandÈ d jouer des dialogues naturels que de s lancer dans de longues tirades, voire vÈritables monologues. Sans do sÕagissait-il de faire un clin dÕÏil rÈflexions de Proust sur lÕacteur qui t vent leur point de dÈpart dans le mo logue dePhËdre; mais Ruiz sÕintÈr
aussi aux monologues parce quÕils do nent ‡ voir les acteurs ‡ la t‚che mieux quÕun jeu de rÈpliques bien huilÈes. L cinÈaste a dÕailleurs souvent corsÈ l chose en imposant de fortes contrainte (manger, chuchoter, etc.). Pascal Greggory (excellent) en Saint-Loup com mentant la guerre et dÈvorant de l viande, dans un trËs long plan-sÈquen ce, ne joue pas : il est dans la dÈpense et dans lÕoutrance, il fait au sens plast cien du terme uneperformance. D mÍme, John Malkovich, lorsquÕil sÕeff ce de dire son texte (complexe) en fran Áais, nÕatteint jamais ‡ lÕaisance nÈc saire pour en mÍme temps dire et jouer, si bien quÕon est surtout sensible lÕeffort de prononciation ; la question d la crÈdibilitÈ sÕefface derriËre le spe tacle du travail effectuÈ. Il faudrait citer encore les messes basses dÕOriane d Guermantes (Edith Scob, Èpoustouflan te) Ou le faux accent amÈricain d Madame de Farcy (Arielle Dombasle, parfaite comme toujours). 3. TroisiËme trait essentiel du baroque ruizien : le temps nÕest pas linÈaire, procËde par court-circuits, sautes, rup-tures, accÈlÈrations, dilatations, reprises, rÈpÈtitions. En cela, Ruiz a une grande affinitÈ avec les conceptions proustiennes et il y a une certaine Èvi-dence ‡ le voir adapterLa Recherchee gÈnÈral etLe Temps retrouvÈ, en parti culier qui est prÈcisÈment le volume o˘ le temps sÕaffole le plus, se cogne et s carambole. On pense Èvidemment lÕensemble des rÈminiscences involo taires (pavÈ, serviette, bruit de la cuiller) que le film rÈussit assez bien ‡ rendre parce que, comme chez Proust, le anamnËses ne plongent pas Marcel dans le passÈ mais dans un monde d sensations, Ètrange et incertain. L contact de la serviette ramËne ainsi ˘
SALLE D'ART ET D'ESSAI C L A S S … ER E C H E R C H E 8 ,R U ED EL AV A L S E 42100 SAINTETIENNE 04.77.32.76.96 R…PONDEUR : 04.77.32.71.71 Fax : 04.77.25.11.83
vrais retours au passÈ du film utilisent plutÙt la figure de lÕanalogie : telle publicitÈ pour le chocolat vue sur les Champs-ElysÈes et dÈj‡ prÈsente ‡ Balbec, tel livre de George Sand trouvÈ dans la bibliothËque des Guermantes et que ÒmamanÓ avait lu ‡ Combray. Ces scËnes du passÈ frappent dÕailleurs par leur invraisemblance, mais la logique du souvenir (sa durÈe et sa forme) nÕest Èvi-demment pas celle du rÈel. Maman nÕa pas encore demandÈ les livres que dÈj‡ FranÁoise les lui apporte ; la grand-mËre court vers Marcel sur la plage de Balbec mais elle semble suspendre sa course pour que Charlus ait le temps de finir sa tirade, exquise de mÈchancetÈ. Le temps interne nÕa rien ‡ faire des contraintes objectives de la temporalitÈ rÈelle. Mais le temps rÈel, lui aussi, connaÓt des soubresauts Ètranges. A la matinÈe chez la princesse de Guermantes, o˘ Marcel retrouve un monde perdu de vue depuis longtemps, les visages ont du mal ‡ coÔncider avec eux-mÍmes (toujours la mÍme idÈe de lÕinstabilitÈ fondamentale de lÕEtre), ce que Ruiz choisit de montrer par un mon-tage dÕune littÈralitÈ remarquable. Madame Verdurin est celle-ci (Marie-France Pisier) puis celle-l‡ (une femme de quatre-vingts ans) puis de nonveau celle-ci. On nÕest pas plus clair pour montrer lÕemmÍlement du temps. Surtout, on nÕest pas plus ferme sur ses choix esthÈtiques : ‡ mille lieues des ors de laRechercheimaginÈe par Visconti, ‡ mille lieues aussi de la question de lÕhomosexualitÈ, Ruiz a choisi son camp. Refaire laRecherche, ce nÕest pas se prendre au sÈrieux, cÕest prendre le jeu au sÈrieux (le jeu aussi entre lÕart et le monde comme on dit dÕune boiserie dÈformÈe par le Temps, quÕelle joue). StÈphane Bouquet ∞ -
D O C U M E N T
Le rÈal
Dans les a tique chili du cinÈma cinÈmatog dans la ch te, il dut c (il a Èvoqu Dialogo d la tÈlÈvisi treut und Áaise (Le j dÕhistoir sieurs fil tableau richesse, r ports entre significati telle de c voilÈe mon Ruiz avait Klossowsk Corman a revenir au toit de la de lÔAlm.
Filmographie
El tango del Vuido196 Tres tristes tigres196 Que Hacer ?197 La colonia penal197 La expropriacion197 Palomita blanca197 Dialogo de exilados197 Utopia197 La vocation suspendue197 LÕhypothËse du tableau volÈ1978 De grands ÈvÈnements et des gen ordinaires197 Le borgne198 The Territory Le toit de la baleine Les trois couronnes du matelot1982 Classification des plantes La ville des pirates198 BÈrÈnice La prÈsence rÈelle198 LÕÈveillÈ du pont de lÕAlma198 Voyage autour dÕune main Les destins de Manoel RÈgime sans pain198 Richard III MÈmoire des apparences198 La chouette aveugle Le professeur Taranne T o u sl e sn u a g e ss o n td e sh o r loges1988 Palla y talla198 The Golden Boat199 La telenovella errante LÕexode LÕÓle au trÈsor199 LÕÏil qui ment199 Fado majeur et mineur199 Trois vies et une seule mort1995 GÈnÈalogies dÕun crime199 Le temps retrouvÈ199
SALLE D'ART ET D'ESSAI C L A S S … ER E C H E R C H E 8 ,R U ED EL AV A L S E 42100 SAINTETIENNE 04.77.32.76.96 R…PONDEUR : 04.77.32.71.71 Fax : 04.77.25.11.83
Documents disponibles au France
Cahiers du CinÈma n∞535 LÕavant-ScËne CinÈma n∞482
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents