Les Maîtres du temps de Laloux René

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• Langue: Français

Extrait

Les maîtres du temps
F de René Laloux
FICHE FILM
Fiche technique
France - 1981 - 1h18
Dessin animé - Couleur
Réalisateur :
René Laloux
Scénario :
René Laloux et Mœbius
d’après le roman de Stefan
Wul : L’orphelin de Perdide
Dessins :
Jean Giraud alias Mœbius
Musique :
Christian Zanessi
Pierre Tardy
Françoise Bourgoin
Chants : Piel face aux frelons
Jacques Lanzmann
Résumé
Jean-Pierre Bourtayre
Animation :
Fuyant une attaque de Frelons, ce seul fléau le passage de la comète bleue qui les
Istvan Kovacs, Kati d’une planète par ailleurs sympathique, un entraînera dans son champ magnétique.
homme a un accident et est obligé de Silbad, qui connaît bien la planète où leBanki, Tibor Hernadi,
confier son fils Piel à I’hypothétique secours jeune Piel les attend (menacé par des dangers
Katalin Danki, José Abel,
de son ami Jaffar. Jaffar reçoit le message plus ou moins réels), se joint à l’expédition.
Oszkar Hernadi, Zoltan alors qu’il est en plein voyage interstellaire, Mais le passager de Jaffar multiplie les ten-
et, malgré l’avis de son peu sympathique tatives pour rejoindre sa destination initialeMaros, Ivan Kiss
passager, vole immédiatement au secours et entraîne Jaffar entre les griffes de la
de l’enfant. Il lui faut pour cela faire escale «chose». C’est un pouvoir maléfique qui
sur la planète où vit le vieux Silbad en attendant transforme les individus en êtres indifféren-
L E F R A N C E
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ciés et asservis à la collectivité. L’animation française a effectué avec La gnomes Jad et Yula qui introduisent une
Heureusement Jaffar s’en délivre et libè- planète sauvage et Le roi et l’oiseau dimension humoristique et souvent iro-
re tous les malheureux prisonniers. Mais une percée au niveau du long métrage. nique par rapport à certains person-
immédiatement après, une tempête Ces deux chefs-d’œuvre constituent nages plus conventionnels.
magnétique les plonge dans l’inconscien- désormais des repères auprès desquels En fait, le film est en quelque sorte écar-
ce alors qu’ils approchent de la planète on est tenté de juger toute nouvelle pro- telé entre des envolées poétiques où
où les attend toujours le petit Piel… duction. La sortie des Maîtres du temps l’imagination, tant au niveau des situa-
permet de penser que maintenant ces tions que du graphisme, rejoint l’origina-
œuvres ne seront pas des exceptions, lité de La planète sauvage, et la plati-
qu’un espace a été ouvert à une forme tude des personnages ou des acces-
d’expression. Même s’il s’agit d’un signe soires (vaisseaux spatiaux) issus de la
encourageant qui ne doit pas masquer la bande dessinée d’anticipation. Des per-Critique
situation désespérée du court métrage sonnages comme Jaffar, Belle, le prince
d’animation, on peut espérer que le suc- Matton restent plats et conventionnels
cès de Laloux et Grimault va susciter un par rapport à la fraîcheur introduite par
Remarquable constance de René Laloux
mouvement salutaire propre à faire sor- l’enfant et les gnomes. Le graphisme de
qui, après La planète sauvage (adapté
tir d’autres artistes du ghetto dans Mœbius accentue ce fossé. Ce n’est pas
du même Stefan Wul), poursuit et réussit
lequel ils sont maintenant. son talent de dessinateur qui est en
dans la voie d’un cinéma d’animation
Pour son nouveau film, René Laloux a de cause, mais il n’a pas trouvé l’unité
adulte, majeur et vacciné. Choisissant
nouveau puisé son sujet dans un roman visuelle qui aurait permis de prolonger à
d’adapter un roman à la trame relative-
de Stefen Wul. Comme pour La planète travers le film les mouvements très
ment hachée et complexe, il considère en
sauvage (d’après Oms en série), il beaux qu’il nous donne avec certains
effet son public comme capable de
semble chercher dans le monde de Wul paysages, ou lorsque les anges sans
dépasser les niaiseries habituelles du
cette part de rêve et de poésie, de mys- visage redeviennent humains. Ce dessin
genre, tandis qu’en même temps le gra-
tère et de fantastique qui convient si qui puise dans plusieurs registres ne
phisme et le découpage fourmillent de
bien à un travail d’animation. La structu- parvient pas à créer un univers comme
notations pittoresques et amusantes au
re des Maîtres du temps (d’après l’avait fait si admirablement Topor pour
premier degré. Face à la grosse artillerie
L’orphelin de Perdide) présente une cer- La planète sauvage.
américanojaponaise, c’est une attitude
taine similitude avec le film précédent. Il Ces réserves qui proviennent surtout de
qui refuse la notion de film-produit et de
s’agit encore d’un enfant qui se retrouve la comparaison avec le film précédent
public cible... Les maîtres du temps ou
seul dans un monde étranger et hostile. de Laloux dont nous gardons un souvenir
un film pour tous les âges.
Le cheminement de Terra conduisait le ébloui ne doivent pas laisser croire que
Et par ailleurs cette liberté de ton entraî-
récit à une métaphore sur la nécessaire Les maîtres du temps est un film raté.
ne, comme de nature, une poésie, une
diversité des êtres et un message de Malgré ses faiblesses, il surpasse de
qualité de rythme tout à l’inverse de
paix qui, au moment de la sortie de La loin les disnyaiseries récentes. Laloux
l’effectivisme technocratique du film de
planète sauvage, trouvait un écho reste un artisan de l’animation capable
science fiction. Ici l’on prend le temps de
dans la réalité de l’époque. Ici, on ne de procurer un plaisir qui ne doit rien à
voir sans que le terme soit forcément
retrouve pas le même «message». L’his- la facilité dans un domaine où il faut
synonyme d’en mettre plein la vue ! C’est
toire de Piel ne nous renvoie qu’à une beaucoup de patience et de ténacité
probablement en cela que, bien qu’appa-
approche irréelle du temps plus proche pour s’imposer.
remment fidèle à toutes les situations
d’une tradition propre à la science-fic- Bernard Nave
classiques de l’aventure galactique, le
tion que du conte. On ne retrouve pas la Jeune Cinéma n°143 - Juin 1982
film affirme pourtant son originalité. Il se
même émotion, ni la même profondeur
promène là où les autres font du sprint...
dans cet univers qui ne reste qu’imagi-
Les maîtres du temps ou un film sans
naire. Certaines séquences renvoient à
chronomètre.
une dimension métaphorique sur notre
Jean-Louis Cros
monde d’aujourd’hui avec l’épisode de
Saison Cinématographique 1982
Gamma 10 et ses anges sans visage,
symbole d’un monde complètement uni-
formisé. La trouvaille la plus originale se
situe certainement au niveau des deux
L E F R A N C E
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Le dessin animé français ne dépasse que Mœbius (qui travaille d’ordinaire avec Le réalisateur
très rarement la taille du court métrage. I’équipe de Métal Hurlant) emprunte
Encore quand il le fait a-t-il recours à de beaucoup aux techniques et aux gra-
solides coproductions. Rappelez-vous La phismes de la B.D.
planète sauvage de Topor et Laloux Mais bien sûr les possibilités du cinéma René Laloux est un petit homme ronde-
coproduit par la Tchécoslovaquie en 1973 décuplent I’imagination et surtout l’utili- let à la chevelure poivre et sel, au
(prix spécial du Jury au Festival de sation de la lumière et de I’espace. regard étonné, papillotant derrière de
Cannes). C’est avec Mœbius (alias Jean Le film entier baigne, même quand il est petites lunettes à monture fine. Ce doux
Giraud) que René Laloux réalise terrible ou effrayant, dans une terreur rêveur au physique de comptable est, en
aujourd’hui (avec diverses télévisions maîtrisée. En partie je pense parce que réalité, un artiste plein d’astuce, d’éner-
européennes et en utilisant à la fois les les auteurs avaient conscience de gie, d’humour et de passion. Il travaille
studios d’animation d’Angers et de s’adresser essentiellement ou prioritaire- dans l’animation, la branche la plus dif-
Budapest) Les maîtres du temps, autre ment à un public jeune et surtout parce ficile du cinéma. Il trébuche, s’obstine. Il
histoire de science-fiction qui a le bon qu’ils sont beaucoup trop «secondaires» a déjà réalis