Les Sables mouvants de Carpita Paul

Centre De Documentation Du Cinéma[S] Le France

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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
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• Cinéma
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• Publié par: cinemavectoi
• Nombre de lectures: 69
• Langue: Français

Extrait

Les sables mouvants
F de Paul Carpita
FICHE FILM
Fiche technique
France - 1996 - 1h45
Couleur.
Réalisation et scénario :
Paul Carpita
Musique :
Vladimir Cosma
Interprètes :
Daniel San Pedro
(Manuel)
Beppe Clerici
(Roger)
Ludivine Vaillat
(Mado)
Aurélia
(Mado enfant)
Guy Belaïdi
(Mouloud)
Philippe Dormoy Résumé
(Monsieur Mercier)
En Camargue, dans les années 50, dansLaurence Ragon marchand d’hommes vivant dans l’illusion
l’étendue des marécages, la poussière, les de son pouvoir, mais lui aussi aux mains de(Madame Mercier)
chevaux, les taureaux, sur fond d’exploita- plus puissants... Manuel rencontre l’amitié
Georges Neri tion de travailleurs émigrés et de spécula- avec Mouloud, un marocain un peu simplet,
tions immobilières.(Fonse) la naissance de l’amour avec Mado, jeune
C’est l’histoire d’un jeune Espagnol arrivé orpheline, et la vie des gens simples du
avec un convoi de travailleurs saisonniers cru...
clandestins utilisés dans les rizières et dans
toutes les combines des «maîtres» du lieu.
Manuel, sans papiers, est récupéré par Roger,
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
seur de la Nouvelle Vague. Et Paul Paul Carpita les aime. Il est né de cesCritique
Carpita, rattrapé par l’espoir, ressort son «petites gens» : un père docker et une
deuxième scénario. mère poissonnière. Il les a regardés
«Tous ces événements ont agi comme un vieillir, souffrir, pleurer. C’est un peu
coup de tonnerre. Ce n’est qu’à ce pour eux qu’il a fait du cinéma. Il voulait
Chez Fonse, un petit café comme on n’en
moment-là que j’ai compris que la bles- raconter des fictions qui collent à la réa-
fait plus. La lourde cheminée de pierre où
sure ne s’était jamais cicatrisée. Dans lité et dire la lutte des hommes et des
crépite un grand feu rappelle les cuisines
les années 60, j'ai réalisé un court métra- femmes pour travailler, pour manger,
de campagne. Aux murs, des publicités
ge, Des lapins dans la tête, l’histoire pour vivre, tout simplement.
pour Quinquina, Dubonnet et Ricard, des
d’un petit garçon qui dessine des person- «Quand les politiques mentaient, avec
photos de chevaux, une carte postale de
nages pendant la classe, et, quand l’ins- mes copains, on.filmait des «contre-
la tour Eiffel et un calendrier de 1958.
tituteur le surprend, les autres se actualités», pour dire ce qui se passait
Une vingtaine d’hommes mal rasés, mal
moquent de lui. Pour moi, c’était un film vraiment. Aujourd'hui, avec tout ce qu’on
fagotés sont attablés, silencieux, I’air
sur le rêve et la différence, mais je sais voit : le chômage, I’avenir bouché pour
hagard et fatigué. Derrière le bar, le
aujourd’hui que c’était plus que ça : ce les jeunes, je ne comprends pas que les
patron essuie ses verres tandis qu’un
petit garçon, c’était moi... il y a quelques caméras ne soient pas dans la rue.»
autre homme empoigne des bouteilles de
semaines, quand .j’ai dit «moteur», le La révolte et la lutte collective sont bel et
vin rouge. Entre les deux, la conversation
premier matin du premier jour de tourna- bien au cœur des Sables mouvants.
est animée. L’accent est méridional. Près
ge, tous les mauvais souvenirs se sont Parmi les hommes fatigués qui boivent
de la caméra, en jeans et baskets, la cas-
envolés.» leur verre de vin au café Fonse, parmi ces
quette bleue de marin penchée sur l’œil,
La voix chevrote un peu, les larmes lui Espagnols qu’un «marchand d’hommes»
Paul Carpita affiche un sourire émer-
montent aux yeux. Il toussote, comme a récupérés sur un quai de Marseille,
veillé. Malgré ses 72 ans. il a l’air d’un
pour chasser un chat dans la gorge. Puis sans papiers, sans avenir, prêts à tout
gamin. Il est joyeux, facétieux et plein
reprend, de son accent chantonnant : pour un bout de pain et un lit où dormir, il
d’entrain. Il y a de quoi: il tourne son
«Peuchère ! Vous auriez vu ça ! C’était y a Manuel. Un jeune homme recherché
deuxième long métrage, en quarante-
émouvant. On a tourné une scène avec pour meurtre dans son pays. D’abord
deux ans ! En octobre 1955, son premier
Roger Manunta et Florent Munoz, qui décidé à garder profil bas, il découvre la
film, Le rendez-vous des quais, a été
étaient déjà dans Le rendez-vous des solidarité avec les ouvriers, l’amitié avec
saisi à Marseille, dès la première projec-
quais. Et de les voir ensemble, ça m’a un jeune Marocain un peu simplet et
tion publique. On lui reprochait de racon-
fait l’émotion. Ils sont tout vieux, mainte- Mado, une ravissante orpheline. Face
ter une histoire d’amour sur fond de
nant !» Et là, il pose la main sur la aux magouilles immobilières, à l’exploi-
grève. La grande grève des dockers de
bouche, comme un môme pris en faute, tation des travailleurs immigrés, face aux
Marseille, déclenchée en 1950 pour pro-
puis rigole. «0h pétard ! C’est vrai, moi injustices criantes, Manuel relève la tête.
tester contre la guerre d’Indochine. Le
aussi je suis vieux; mais j’oublie tout le Pour la plupart, les comédiens sont
film a ensuite disparu corps et biens.
temps !» inconnus ou débutants. Paul Carpita les
Carpita a abandonné l’idée de tourner
A quelques kilomètres d’Arles, dans couve du regard et lance sa phrase leit-
d’autres fictions, mais il n’a pas aban-
cette région de Camargue qui rendrait motiv: «Ils sont formidables !» Le chef
donné le cinéma. Il a réalisé courts
romantique le plus convaincu des rats opérateur, I’Anglais Peter Chappell (1),
métrages et documentaires,. continué
des villes, il fait un temps de rêve. C’est filme, caméra à l’épaule, en super-16.
son petit bonhomme de chemin bon an,
pour ça qu’on tourne en intérieurs. La Moyen le plus simple pour garder l’esprit
mal an. En 1988, les Archives du film de
scène normalement prévue, celle qui du film, à la lisière entre fiction et docu-
Bois-d’Arcy découvrent, parmi un lot de
donne son titre au film, réclame un ciel mentaire. Les mouvements sont amples,
bobines qu’on vient d’apporter, une copie
brumeux. Depuis six semaines, I’équipe même dans le minuscule café où on peut
du Rendez-vous des quais. Après un
se bat avec le vent et la lumière. Les à peine se retourner.
travail minutieux de restauration, le film
extérieurs, dans les rizières et les marais Plusieurs producteurs se sont cassé les
sort en 1990. L’émotion est intacte, la
camarguais, à I’ombre des grands dents sur Les sables mouvants. Patrick
fluidité du film—son mélange de fiction
roseaux, dans un camp gitan et dans les Deshayes, réalisateur de documentaires,
jouée par des non-professionnels et
mas où les taureaux sont couchés pour le s’est lancé dans l’aventure avec sa
d’images prises sur le vif, caméra à
marquage, seront la respiration du film. propre boîte de production, Liane Films. Il
l’épaule—étonne. On parle de néo-réa-
Mais Les sables mouvants, c’est avant a réuni une équipe dynamique et enthou-
lisme à la française. Le rendez-vous
tout l’histoire de petites gens, comme siaste (2), acquise au projet et rompue au
des quais apparaît comme un précur-
L E F R A N C E
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système D. teurs pour la construction d’un pont surEntretien avec le réalisateur
«A part le CNC, qui a donné une avance le Rhône, soulève de nombreuses pro-
sur recettes conséquente, aucune instan- testations de la part d’élus et de scienti-
ce «classique» du cinéma n’a participé au fiques. On estime officiellement à 1000
«Les sables mouvants» est à l’origine,
financement. Toutes les télévisions, sauf hectares l’espace naturel qui disparaît
un scénario écrit dans les années 50.
Arte-Allemagne, se sont défilées. Il a chaque année en Camargue !
Comment cette histoire est-elle née?
fallu trouver autre chose.» A-t-il été facile de tourner dans cette
En 1947, dans le cadre de la réalisation
A Marseille et dans la région, des asso- région ?
de contre-actualités par notre groupe
ciations, comme Les amis du rendez- On peut dire que tous les Camarguais
Cinépax, j’ai été amené à enqu