Pauline à la plage de Rohmer Eric

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• Langue: Français

Extrait

Pauline à la plage
F de Eric Rohmer
FICHE FILM
Fiche technique
France - 1983 - 1h35
Réalisateur :
Eric Rohmer
Scénario :
Eric Rohmer
Musique :
Jean-Louis Valero
Interprètes :
Amanda Langlet
Une jubilation évidenteRésumé
(Pauline) Ce film, excitant en diable pour l'esprit,
extrêmement attachant par la subtilité et laChassés-croisés amoureux sur une plageArielle Dombasle
normande, à la fin d’un été où Pauline, rapidité des enchaînements de situations,
(Marion) auprès de sa cousine Marion, fait l’appren- mène les personnages-comédiens (tous
tissage des jeux de l’amour. remarquables) jusqu’au bout de la partie
Pascal Greggory
conçue par Rohmer, avec une jubilation
Critique(Pierre) évidente dans l’expression verbale. Jamais
il n’a montré une adolescence aussi"Qui trop parole, il se mesfait" (Chrétien deFéodor Atkine
"moderne" que celle représentée parTroyes). Ce troisième opus des "Comédies(Henri) Pauline et, accessoirement, par Sylvain. Deet Proverbes" est basé sur le dialogue.
plus, une sensualité, nouvelle chez lui,Chacun prend ici un plaisir évident àSimn de la Brosse
s’écouter parler. Peut-être s’étourdit-on de apparaît dans les rapports amoureux. La
(Sylvain) paroles pour mieux masquer ses senti- présence physique des corps est, tout de
ments... Et quel plaisir que d’écouter un suite, concrète. Dans ce "roman à dia-
texte aussi intelligent et aussi brillant, logues", il ne faut plus, comme jadis, une
même s’il est un rien maniéré ! Quant à la
heure et demie pour toucher "le genou de
réalisation, elle est simple, évidente, lumi-
Claire".
neuse (merci, Almendros) et d’une délicate
Jacques Sicliersensualité.
Le Monde, 24 mars 1983Claude Bouniq-Mercier.
Le guide des films
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
Une impertinence lumineuse volontairement à contre-courant. Mais inverse pourtant le principe, toujours
L’auteur nous dit une fois encore que on regrette de ne pouvoir lui apporter basé sur la surprise de l’amour et son
chacun de nous entend demeurer seul notre adhésion ; on se dit alors qu’il triomphe final, par delà les obstacles.
avec l’idée qu’il se fait de son amour et s’est trompé de métier. Il aurait dû Chez Marivaux, I’amour est une incon-
ne pas être dérangé dans son tête-à- embrasser celui d’auteur de comédies nue qui se cache dans les replis du
tête entre soi et soi par la personne qui théâtrales, car, si on rit beaucoup dans cœur, il déguise, n’ose pas s’avouer ou
le lui inspire. Cela pourrait nous mener la salle c’est souvent, m’a-t-il semblé, se reconnaître, et c’est l’artifice du jeu
vers des pensées mélancoliques, nous aux dépens d'Eric Rohmer. mis en place : quiproquo, le travestisse-
donner un goût d’amertume, mais il y a Georges Charensol ment, qui permet de révéler au specta-
tellement de drôlerie dans les dialogues, Les Nouvelles littéraires 31 mars 83 teur les mouvements secrets du senti-
une impertinence si lumineuse dans leur ment dans lequel se débattent à leur
manière de donner gravement la parole insu les personnages. Dans Pauline,
à chaque personnage, quelque baliverne Un exercice de style brillant mais c’est l’aveu, la déclaration du désir
qu’il ait à dire, que nous cessons bientôt un peu vain d’amour, qui précède l’expérience des
d’être affectés par les vérités peu La mise en scène, dont la qualité pre- sentiments. "Je veux brûler d’amour",
encourageantes qu’ils recèlent. Et nous mière réside dans le respect du décor, déclare Marion au début du film, comme
nous réjouissons le plus modestement entrecroise les couples avec aisance. "je veux me marier" du Beau mariage,
du monde du miroir qu’ils tendent à nos Dommage que des dialogues surabon- il s’agit d’un caprice, une détermination
propres inconséquences. dants, très "écrits" de surcroît, soient arbitraire, une formulation qui décide du
Michel Pérez les vraies maîtres d’un film qu’ils enfer- sentiment en le suggestionnant. Le
Le Matin de Paris 24 mars 83 ment dans une théâtralité à l’ancienne. caprice est au cœur de la problématique
Ce qui ne contribue pas à estomper une rohmérienne. Embrayeur fictionnel, for-
certaine vacuité mondaine des person- mule magique qui décide du récit, il
Sagan chez Marivaux nages, ni le côté bien propre, bien lisse donne au langage, au dialogue, le pou-
Eh quoi, cela existe encore, en 1983, un et totalement hors du temps de voir total. Le langage n’est plus dans
cinéma de texte et d’auteur ? Il est l’ensemble. Si bien que, finalement, son cinéma signe d’une action, il en est
encore possible d’écrire, dans un fran- Pauline à la plage apparaît comme un la substance même.
çais parfait, un dialogue à la fois subtil exercice de style, brillant certes, mais L’auteur dans ce dernier film, s’attaque
et naturel, de raffiner sur les senti- un peu vain et suranné. donc à son propre système, et le prover-
ments, de miser et de gagner sur la psy- François Chevassu be en exergue, "Qui trop parole il se
chologie, la délicatesse, la nuance, I’iro- La Revue du Cinéma, avril 83 mesfait", est à entendre comme avertis-
nie, de faire vrai sans être brutal, bref sement réversible, autant pour les per-
de parler d’amour comme on n’ose plus Les caprices de Marion sonnages de l’histoire que pour le met-
le faire à l’écran ? Pauline à la plage en Dans ce film, le plus drôle de l’auteur, teur en scène lui-même, dont le person-
est l’éblouissante démonstration, comé- Eric Rohmer reprend un procédé éprouvé nage d’Henri assume la place de maîtri-
die à la française où la parole est action, de comédie depuis Molière qui consiste se et le rôle pervers.
où des personnages de Sagan seraient à opposer des scènes d’amour entre En effet, tout se passe, à l’instigation
allés se faire habiller chez Marivaux et maîtres et des scènes d’amour entre d’Henri, qui, sous le prétexte d’un dîner
jugent plus intéressants de confronter valets confidents ou comparses triviaux, dans sa maison, invite Marion, Pauline
leur conception de l’amour que leurs en jouant des différence de langage et et Pierre. Assis au salon, ils vont bien
recettes de contraception. de comportement des deux univers. Ce "se mettre à table", livrant tout sur ce
Dominique Jamet schéma quelque peu dépassé, Rohmer qu’ils croient connaître de leur rapport
Le Quotidien de Paris 29 mars 1983 le déplace sur le plan d’une différence personnel au désir et à l’amour dans une
d’âge : aux débats, ébats amoureux des scène d’exposition telle que le cinéma
Rions un peu, fût-ce aux dépens adultes raisonneurs et discoureurs, côté classique hollywoodien (Hitchcock,
d’Eric Rohmer salon, répond la drague flirt des adoles- Lang) en avait la recette, fournissant
Si nous sommes intéressés, pas un ins- cents terre à terre, qui ne s’embarras- ainsi aux spectateurs les principaux élé-
tant nous ne sommes touchés par les sent pas de discours pour se plaire, côté ments psychologiques sur les person-
sentiments à fleur de peau qu’expriment plage. nages et l’amorce des données de
ces deux femmes et ces deux hommes. Construite à la manière d’une comédie l’intrigue qui vont ensuite se nouer dans
On admire un auteur qui se situe si de Marivaux, Pauline à la plage en le reste de la fiction.
L E F R A N C E
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A la manière d’un Ray Milland dans Le d’exposition) par les maladroits bavar- Entretien avec Rohmer
Crime était presque parfait, Henri, dages de Pierre. Fort d’une découverte,
I’ethnologue des mers du sud, commen- il va s’improviser scénariste laborieux
Comédies et proverbes
ce le premier par se raconter; il se met dans la seconde moitié du film.
en scène en père affectueux, sa fillette En effet, Pierre surprend la marchande
Pauline à la plage est donc le troisiè-sur ses genoux, et se déclare, en amour, de bonbons, Louisette, gigotant nue à la
me film de la série Comédies etlibre de toute attache, recherchant en fenêtre de la chambre d’Henri en com-
Proverbes. Est-ce que vous l’avez pro-une femme quelqu’un d’aussi libre et pagnie d’un homme hors-champ du
grammé à l’intérieur de la série ou l’idéed’aussi transportable que lui. Il a trouvé cadre. Cette preuve photographiq