Riff-Raff de Loach Ken
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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

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Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

Riff-Raff
de Ken LoachF
FICHE FILM
fiche technique
G. Bretagne 1991 1h34
Réalisateur :
Ken Loach.
Scénario :
Bill Jesse.
Musique :
s’ils représentent quelque chose, c’estCombatStewart Copeland. assurément la catastrophe, le navire qui va
à vau-l’eau, ou qui sombre. Quand les rats
Ce qui fait plaisir avec Ken Loach, c’est de
apparaissent, qu’ils remontent d’en bas,
pouvoir identifier tout de suite les raisons
quand on a vue ainsi sur les égouts (sans
que l’on a d’aimer son cinéma. C’est deInterprétation : parler des WC bouchés du chantier, des
savoir qu’il est du côté des petits, des
veines ouvertes des junkies dans le récitRobert Carlyle exclus, et de façon générale avec ceux qui
de Stevie), c’est que l’on change de degré
peinent—dans Riff-Raff les ouvriers duEmer McCourt dans le mal et qu’il est devenu épidé-
bâtiment. Sans que jamais on puisse le
mique. Quand on est clandestin sur sonJimmy Coleman soupçonner de bons sentiments: travail en
propre bâtiment—les ouvriers travaillent
sympathie plus qu’en adhérence.George Moss
sous des noms d’emprunt, quand un pays
Mieux que Hidden Agenda, ce dernier film
ne sait plus loger, ni protéger ceux qui
choisit la voie des vies particulières pour
viennent travailler, quand il laisse les
lever quelques lièvres sociaux—les loge-
employeurs les enfermer ou les tuer, c’est
ments, les squats, la drogue, le travail au
alors qu’on voit les rats. Dans Riff-Raff,
noir. Mettre un chantier dans un film
seul l’appartement témoin sera achevé.
comme le fait aussi John Sayles dans City
Cinéma de gauche donc, et pas seulement
of hope, voire installer son film sur un
parce que les responsables ici et là sont
chantier à la manière de Loach, c’est le
pointés vers la droite dure (Thatcher enco-
moyen d’un état des lieux, sur le plan éco-
re à l’époque). Mais plus sûrement parce
nomique (s’il est vrai que « quand le bâti-
que la mise en scène des problèmes
ment va, tout va ») et pour ce qui regarde
sociaux ne se sépare pas de la définition
la vie des individus, la réalisation de leurs
de valeurs politiques, celles qui régissent
rêves, rien que leur droit au travail et à un
la vie dans « la cité »: n’y aurait-il que la
« home ». Les ouvriers de Riff-Raff sont
manière dont au début Loach fait appa-
dans le bâtiment comme dans un navire-
raître le personnage de Stevie parmi les
métaphore suggérée par la vision des rats
autres ouvriers du chantier sur lequel il
au début et à la fin du film: s’ils signifient,
L E F R A N C ED O C U M E N T S
sera embauché, cela suffirait à qualifier d’esthétique. Dans Riff-Raff le style Ken Loach, année 1990
la morale d’un film dont le style docu- documentaire familier à Loach réussit à
mentaire est position de solidarité, qui investir et à nourrir la fiction, il garantit Depuis Looks and Smiles en 1980, les
choisit l’idée de communauté plutôt que la justesse de son propos. Aux lieux de Cahiers avaient un peu perdu de vue
de collectif, celle de résistance plus que la communauté adhèrent en effet le Ken Loach. Riff-Raff marque son retour
de marginalité. Position idéologique sur grain épais du 16 millimètres, le volume à un genre qu’il maîtrise à merveille: la
la corde raide, où Loach se révèle des corps et la lumière jaune. A la salle chronique sociale, avec ce ton documen-
impeccable, développant son personna- du pub, à la cuisine du chantier, Loach taire qui faisait le prix de ses meilleurs
ge principal à la marge (il sort de prison, donne du temps, une durée qui met en films. En vingt-cinq ans de cinéma et de
il a quitté son pays —celui de Galles— évidence le personnage de Larry le télévision, Loach n’a rien abandonné de
pour Londres), tout en le construisant juste, le raisonneur, celui qui peut sa détermination. Aussi lorsque j’ai
selon la recherche obstinée et fragile retourner une salle en faveur de Susan essayé de lui expliquer en quoi Riff-Raff
d’un ordre (par le travail, par l’amour (quand elle y exerce avec quelques me semblait plus réussi que ses deux
dans le couple). I,es personnages de peines son désir de chanter), celui qui précédents films (Fatherland et Hidden
Loach n’en sont pas à se demander tranche les conflits, essaie de moraliser Agenda), mes arguments étaient loin de
comment prendre le pouvoir, ils ont les techniques de survie de ses amis. le satisfaire. Riff-Raff est un film plus
bien assez d’essayer de vivre et de trou- Longues scènes qui donnent du temps local: «Je ne suis pas d’accord avec
ver leur place, et cela suffit aussi, aux palabres, aux rêves de départ sur la vous, Fatherland et Hidden Agenda sont
mieux que des idées débattues, à faire terrasse d’un immeuble en construction, des films eux aussi locaux: Fatherland
de Riff-Raff dont le titre adopte le point et restituent le sentiment de la durée est un film sur Berlin qui se passe à
de vue de l’ordre (1), un film de combat. vécue ensemble. Berlin. Hidden Agenda est un film sur le
Sur ce point comme sur la définition La justesse du film de Loach s’éprouve problème, irlandais et se déroule à
visuelle de ses valeurs, Loach ne fait en dernier lieu dans une distance qui lui Belfast. D’une certaine manière, RiffRaff
pas d’erreur. Ainsi l’incendie final permet, en même temps que cette des- est le moins local des trois puisqu’il
frappe-t-il par la sobriété de sa mise en cription rapprochée des faits, le pas de parle de gens qui viennent de tous les
scène, I’absence d’effet hystérique sur côté de la dérision. Riff-Raff est avant coins du pays.» Sans doute. Mais le
le passage à l’acte ou les séductions du tout une comédie, animée comme ses film est aussi un document sur
feu. Avec cela que le trajet du film a personnages de ce que le cinéaste l’Angleterre d’aujourd’hui: «C’est vrai, et
mis un tel acte en pleine lumière, sans appelle un « humour de survie », un j’espère que ceux qui le verront dans
aucun trouble de ses objectifs. Or la sens de l’ironie des situations qui finit dix ans pourront se dire: “voilà c’est à
colère n’a pas le droit de se tromper de par trouver un usage, inhabituel et com- quoi ressemblait la Grande Bretagne
forme: le geste de Stevie, tel que Loach pensatoire, à l’appartement témoin, pro- des années 90...”. Si c’est le cas,
le raconte, est l’aboutissement logique voquant une chute loufoque. Et trans- j’aurais rempli une des fonctions primor-
d’une tentative de survie; acte de vanda- forme en douce débandade une scène diales du cinéma.»
lisme sans être terroriste dans la mesu- de deuil: plus insolent en définitive, plus La Grande-Bretagne des années 80,
re où nulle organisation ne le commande fou que l’incendie, ce mauvais vent ou Loach a tenté de la montrer à la télévi-
on pense beaucoup à la fin de Riff-Raff ce mauvais geste qui vient pousser sion, en réalisant une série de documen-
à celle de Do the Right Thing, autre film contre les membres d’une famille bizar- taires qui se sont vus déprogrammés et
dirigé vers un acte, posant de ce fait à rement rassemblée—à moins que ce ne censurés: «C’étaient des films sur le
chaque instant la même question de ses soit au départ une bizarre famille—les mouvement Labor et Scargill (syndicalis-
fins et de sa cible. I,a question se pose, cendres de la mère défunte.— te et meneur des grèves en 1985, NDLR)
on la pose au Spike lee qui invoque la qui ont été interdits pour des raisons
colère, mais trouble la révolte de ses Laurence Giavarini politiques. Ils l’ont fait de manière assez
personnages, ne serait-ce qu’en usant Cahier du Cinéma n°449 sophistiquée et typiquement britan-
d’un dispositif esthétique plus fort, plus nique: on les a embourbés dans toute(1) Le Mot de «Riff-Raff» désigne, pour les bourgeois,
brillant, plus riche même qu’eux: si bien celui qui ne travaille pas, la canaille. une série de procédures bureaucratiques
que son travail tient beaucoup d’une qui ont empêché leur diffusion. Le sujet
appropriation du pouvoir (blanc) mis en de ces documentaires, à savoir la
cause. Film de guerre sans doute que déroute du Labor Party et des syndicats,
celui du cinéaste américain, plus que a déplu à ceux qui étaient concernés,
film de combat, et c’est aussi affaire d‘autant plus qu ‘il s ‘agissait d ‘une cri-
L E F R A N C E
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8, RUE DE LA VALSE
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