Trois vies et une seule mort de Ruiz Raoul
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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

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Nombre de lectures 96
Langue Français

Extrait

Trois vies et une seule mort
F de Raoul Ruiz
FICHE FILM
Fiche technique
France/Portugal - 1995 -
2h03 - Couleur
Réalisateur :
Raoul Ruiz
Scénario et dialogues :
Raoul Ruiz
Pascal Bonitzer
Marcello Mastroianni, Melvil Poupaud et Chiara Mastroianni
Musique :
RésuméJorge Arriagada
Ce sont des histoires que tout le monde famille s’apprête à débarquer chez lui...
connaît et auxquelles personne ne croit : Ce sont les histoires d’abord successives,Interprètes :
l’histoire d’un homme qui part pour un court finalement et tragiquement entremêlées, du
Marcello Mastroianni
voyage, déménage, et va habiter en face de commis-voyageur Mateo Strano, de retour
(Mateo Strano - Georges chez lui et y reste vingt ans... et puis rentre auprès de sa femme Maria après une
un jour sans explication dans son premier longue absence..., du célèbre professeurVickers - Le Majordome -
domicile et y reste jusqu’à sa mort... d’anthropologie Georges Vickers, tombé
Luc Allamand)
L’histoire d’un homme riche qui devient un dans la mendicité et amoureux d’une «maî-
Anna Galiena mendiant, ce qui ne l’empêche pas de conti- tresse» de Pigalle, Tania... du puissant
nuer à être riche... homme d’affaires Luc Allamand, pris au(Tania)
L’histoire d’un couple de jeunes amants piège d’un énorme mensonge devenu réali-
Marisa Paredes
réduits à la misère et qui reçoit soudain en té...
(Maria) héritage une belle maison et un traitement Ces trois histoires entre cauchemar et
mensuel confortable, avec une seule condi- comédie n’en forment qu’une, parce que cesMelvil Poupaud
tion : ne pas chasser le vieux majordome de trois hommes n’en sont en réalité qu’un
(Martin)
la maison... et qui se rend compte peu à peu seul, affligé du syndrome connu de la «per-
Chiara Mastroianni que le majordome en question est en fait le sonnalité multiple». Et s’il dispose ainsi de
maître du logis, leur bienfaiteur... trois vies - au moins - il n’a comme tout le(Cécile)
La quatrième histoire est celle d’un homme monde qu’une seule mort. Une mort en
Arielle Dombasle
d’affaires qui pour justifier certaines opéra- l’occurrence tragique... car on ne vit pas
(Hélène) tions financières s’invente une famille à impunément plusieurs vies.
l’étranger... et apprend un jour que cette
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
héros de la première histoire, Marcello débarquer et à bouleverser sa vie...Critique
Mastroianni) a le sentiment que l’appar- Chaque histoire en elle-même pourrait
tement devient plus spacieux, les murs constituer un conte moral, quoique à la
reculent. Mais cette littéralité a tendan- morale indéfinissable. Puis, les échos
Pierre Bellemare raconte une de ses his-
ce à faire gag, soit qu’elle se traduise par entre chaque trajectoire se faisant de
toires extraordinaires (mais «vraies»), qui
des images improbables ailleurs que sur plus en plus pressants, I’écheveau
font rêver et frémir les chaumières.
le papier (Féodor Atkine se promenant s’embrouille. La maîtrise des différents
Coincée dans le fond d’un studio d’enre-
avec un marteau fiché dans le crâne) ou fils échappe au spectateur le plus vigi-
gistrement, sa silhouette impressionnan-
par un enchaînement «naturel» de lant. Pour sa plus grande joie d’abord,
te disparaît au profit d’une table de mixa-
phrases qui fait nécessairement de tout pour sa déception en fin de compte. La
ge aux boutons et manettes innom-
étudiant en thermo-dynamique un éroto- frustration ne vient pas d’un refus de
brables. Que l’un ou l’autre soit ouvert,
mane. conclure (qu’accentue la fausse clé de la
fermé, poussé dans un sens ou dans
L’’interprétation joue un rôle essentiel personnalité multiple), mais du caractère
l’autre, I’intonation de la voix varie, le
dans ce passage en fraude vers un uni- systématique de ce refus, relevant du pur
grave devient aigrelet, le profond
vers qui ne doit plus rien aux règles habi- syllogisme. L’arbitraire délibéré du dis-
nasillard, le drame humain de tragique
tuelles du vraisemblable, du naturel, du cours ne pouvait déboucher que sur
glisse vers le précieux, le ridicule ou la
bien joué. Marcello Mastroianni, dans un l’arbitraire de son bouclage. Les pré-
farce... Telle est la figure-mère de Trois
quadruple (au moins) rôle, amène avec ceptes, en apparence moraux, énoncés
vies et une seule mort.
lui un pan de l’histoire du cinéma, celle dans l’histoire du majordome s’appli-
Donc, Bellemare raconte. Ruiz illustre...
qui entre en résonance avec le cinéma de quent parfaitement au récit lui-même :
Fini le temps de l’avant-garde pure et
Ruiz, nous rappelant que celui-ci n’a rien trop de félicité (de plaisir du texte), trop
dure ? Ruiz aurait-il trouvé le dispositif
d’une démarche solitaire ou marginale : de générosité (d’ouverture) se retournent
qui lui permet toutes les fantaisies sous
de Fellini, à Blasetti, Matarazzo, Petri ou en leur contraire : infélicité et misère
le couvert de la recette éprouvée ?
Ferreri, et la tradition de la comédie à extrême (du récit, du lecteur-specta-
L’auditeur croit Bellemare sur parole.
l’italienne. Un cinéma qui ne doit rien à teur)... Ici, un petit détour théorique
Ruiz est son prophète. Et le spectateur
Rossellini et peu à Visconti. En outre, s’impose. Depuis les origines, le cinéma
son fidèle. Mais la machine si bien agen-
Mastroianni incarne à la perfection un de Ruiz travaille notre conception bazi-
cée déraille d’emblée, à moins que ce
type d’acteur pratiquement inconnu dans nienne du septième art. Pour Bazin, il est
dérapage ne soit lui-même programmé.
le cinéma français, capable de passer en des montages «interdits» - il faudrait dire
André (Féodor Atkine) se réveille en
une fraction de seconde du jeu le plus «déconseillés» -, pour Ruiz, «au cinéma,
entendant les bruits familiers du petit
naturaliste à la fantaisie la plus débri- tout est possible». «Possible», ce qui ne
déjeuner et les pleurs de sa fille, nous
dée, d’inquiéter par un regard un peu veut pas dire «permis». Lorsque Bazin
dit, imperturbable, le conteur. En guise
appuyé dans une situation d’un sérieux écrit dans «Ontologie de l’image photo-
de petit déjeuner, Maria passe l’aspira-
digne d’Antonioni. Un être multiple dans graphique» que «le pouvoir irrationnel de
teur. La fillette se réduit à une poupée
un seul corps et un seul instant. la photographie [du cinéma] emporte
gigantesque pour ses six mois. Elle n’est
Quatre histoires, donc, se succèdent, notre croyance», il ne dit pas autre
d’ailleurs qu’une fille adoptive du héros
mettant en scène Mateo Strano, dont chose. Un film tel que Trois vies et une
et de sa femme qui, elle-même, est avant
vingt ans de vie disparaissent dans un seule mort (au titre déjà faux : il y a au
tout la femme d’un autre et la redevien-
caprice du récit, le professeur d’anthro- moins quatre vies, sinon plus dans cet
dra bientôt...
pologie négative Georges Vickers, deve- unique (?) corps), démontre à l’envie que
On prend au départ un immense plaisir
nu le clochard La Cloche par une vocation le réalisme ontologique bazinien (qui est
aux récits de Trois vies et une seule
subite, la prostituée Tania (Anna surtout un réalisme d’ordre psycholo-
mort, qui ne tiennent d’abord que par la
Galiena), spécialisée dans le sado-maso- gique) joue son rôle pour nous faire
magie de la parole. Les fées du premier
chisme, riche industrielle poussée à cette admettre que Mateo a dormi vingt ans,
épisode prennent forme, même si c’est
condition par un mari bègue et pervers, que les trois femmes de Luc Allamand
sous des apparences diverses, du per-
un homme riche qui se met au service existent, etc. Ce que le cinéma ne cesse
sonnage voilé à l’être aux ailes transpa-
d’un jeune couple tout en l’entretenant d’expérimenter tout naïvement et tout
rentes qu’on dirait empruntés à la fois
(Chiara Mastroianni et Melvil Poupaud), naturellement depuis un siècle, Ruiz se
aux Mille doigts du Dr T. ou à une
un homme d’affaires, Luc Allamand, qui donne pour tâche de le démontrer. Ils fai-
publicité pour insecticides, sans oublier
s’invente avec une telle conviction une saient de la prose sans le savoir. Ruiz se
la version des poussins dévorant allègre-
famille que celle-ci en vient un jour à met à faire de la poésie, sciemment,

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