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Extrait

JOHNNY GUITAR
de Nicholas Ray – Etats-Unis – 1955 – 1h50 – Couleur
Scénario :Philip Yordan, Ben Maddow Auteur de l'oeuvre originale :Roy Chanslor d'après la nouvelle "Johnny Guitar" Directeur de la photographie :Harry Stradling Ingénieur du son :Thomas A. Carman, Howard Wilson Musique :Victor Young Auteur des chansons :Victor Young, Peggy Lee Interprète des chansons :Peggy Lee Directeur artistique :James Sullivan Décorateur :John McCarthy Jr., Edward G. Boyle Costumes :Sheila O'Brien Coiffeur :Peggy Gray Assistant-réalisateur :Herb Mendelson Monteur :Richard L. Van Enger Effets spéciaux :Howard Lydecker, Theodore Lydecker Société de production :Republic Pictures Producteur :Herbert J. Yates Distributeur d'origine :Les Films Fernand Rivers
Date de tournage :19 octobre 1953 - décembre 1953 Date de sortie :27 mai 1954 Lieux de tournage :Etats-Unis : Sedona, Arizona . Couleur Eastmancolor, procédé Trucolor N° de visa :15503 Distributeur :Théâtre du Temple (France)
Interprétation
Joan Crawford :Vienna
Mercedes McCambridge :Emma
Scott Brady :Dancing kid
Ernest Borgnine :Bart Lonergan
Royal Dano :Corey
Paul Fix :Eddie
Sterling Hayden :Johnny "Guitar" Logan
Ward Bond :John McIvers
John Carradine :Tom
Ben Cooper :Turkey
Frank Ferguson :le shériff
Rhys Williams :Monsieur Andrews
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Résumé
Après avoir assisté impuissant à l'attaque d'une diligence, Johnny Guitar (sobriquet dû à la guitare dont il se sépare rarement) se rend dans un saloon tenu par Vienna. On apprend vite que sous ce sobriquet se cache un redoutable “ pistolero ”, Johnny Logan, et qu'il a abandonné Vienna qui fut sa maîtresse, il y a cinq ans. Celle-ci est très liée à la bande de Dancing Kid qui n'a pas bonne presse auprès des propriétaires et notables locaux dont les “ leaders ” sont John Mc Ivers et Emma Small.
Amoureuse de Dancing Kid, lui-même amoureux de Vienna, Emma voue une haine farouche à Vienna et veut s'en débarrasser. Elle est suivie en cela par les autres propriétaires menacés par la construction du chemin de fer que Vienna appelle de tous ses vœux pour décupler la valeur de son saloon.
Lors de l'attaque de la diligence où périt son frère, Emma accuse de ce meurtre la bande de Dancing Kid et Vienna, de complicité. Faute de preuve, Mc Ivers et les hommes du shérif doivent abandonner cette piste. Ils donnent à Vienna un ultimatum : elle doit quitter les lieux dans les vingt-quatre heures.
Dancing Kid, excédé, décide alors d'attaquer la bande locale. Le gamin de la bande, Turkey, blessé, se réfugie chez Vienna où les hommes du shérif le retrouvent. Contre la promesse d'avoir la vie sauve, Turkey accuse injustement Vienna de complicité. Pendant qu'on les emmène pour être pendus, Emma met le feu au saloon.
Johnny parvient à sauver Vienna ; ils se réfugient dans le repaire de Dancing Kid où ils sont assiégés par les “ miliciens ”, Emma en tête. Au cours des péripéties du siège, Dancing Kid et ses hommes sont abattus. Un duel au revolver oppose Emma à Vienna. Celle-ci, blessée, réussit à abattre Emma. Les “ miliciens ”, écœurés par ce bain de sang, laissent partir Johnny et Vienna.
Lux scène nationale de Valence – Site Image Fiche pédagogique Johnny Guitar http://www.site-image.eu/index.php
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Bio-filmographie
Nicholas Ray 1911-1979
Le réalisateur Nicholas Ray, l'un des initiateurs de l'évolution du cinéma hollywoodien dans l'après Seconde Guerre mondiale est d’origine norvégienne par sa mère et allemande par son père qu'il perd à seize ans. Il découvre le théâtre et le jazz, étudie au collège de La Crosse et devient, grâce à une bourse, speaker d'une radio locale. Il quitte sa famille pour étudier à l’Université de Chicago puis il déménage à New York où il rencontre l'écrivaine Jean Evans qu'il épousera. Par la suite, il rencontre le producteur Elia Kazan qui est surtout connu pour sa façon peu commune de pousser ses étudiants dans leurs limites. Cette façon d'enseigner marquera Ray pour le reste de sa vie. D'ailleurs, lorsque Elia Kazan produit son premier film,Le Lys de Brooklyn(1945), il engage Ray comme assistant. C'est en tant que metteur en scène mais aussi en tant qu’acteur que Nicholas Ray est remarqué par John Houseman , qui le convie avec son ami Elia Kazan à le suivre lorsqu’il quitte le théâtre pour Hollywood, où il lui permet de réaliser son premier film, en 1947, 1 Les amants de la nuit. Le succès est au rendez-vous et sa carrière est lancée.
Ray appartient à la génération des poètes du cinéma américain d'après-guerre.Les amantsla nuit donne le ton avec l'histoire d'un jeune couple traqué par la police. de Tout de suite s'affirme son goût pour le non-conformisme et un romantisme fiévreux. Une réplique du film le résume parfaitement : « je suis étranger ici-bas ». Ses héros, solitaires et révoltés, sont des victimes. Son œuvre parle de pureté, dans un monde nocturne et violent, où l'homme, constamment en danger de se perdre, ne peut survivre que par miracle. En 1954, il réaliseJohnny Guitare, un western éblouissant qui fait date. La couleur flamboie, tandis qu'éclate un féminisme inhabituel au genre : l'héroïne, interprétée par Joan Crawford, est une femme de tête propriétaire d'une maison de jeu. La jeunesse passionne Nicholas Ray, parce qu'il y voit une force ne marge, seule capable de s'opposer à la société corrompue. En 1955, il signe un film qui le propulse au premier rang :La Fureur de vivre, où il montre des adolescents pris de panique devant le monde des adultes. En abordant le conflit des générations, le film consacre la gloire de James Dean et lance la mode des films de jeunes (avec Nathalie Wood qui a 16 ans). Enfin reconnu par la jeune critique, Nicholas Ray est sacré « cinéaste le plus poétique de l'après-guerre ». Durant les cinq années qui suivent, il va tourner une suite de chefs d'œuvres :Derrière le miroir (1956),Le Brigand mal-aimé(1957),Amère Victoire (1957). En 1958,La Forêt interdite, qui évoque le paradis perdu, est un film écologiste avant l'heure. PuisTraquenard (1958), magnifique poème visuel, conte la romance tragique d'une chanteuse de cabaret (Cyd Charisse). Après avoir incarné « le rebelle d'Hollywood », Nicholas Ray n'arrive pas à donner le meilleur de lui-même dans ces deux superproductions que sontLe Roi des Rois(1961) et Les 55 jours de Pékin(1963). Plus tard, il se lie avec Wim Wenders, qui lui donne un rôle dansL'Ami américain(1977). deux ans après, atteint d'un cancer, il accepte d'être filmé par Wenders pendant les derniers mois de son agonie.Nick's Movie (1979) est un film 2 déchirant, où il semble faire don de sa vie au cinéma.
1Dictionnaire du cinéma. Jean-Loup Passek. Larousse, 2001 2La petite encyclopédie du cinéma. RMN, 1998
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Quelques pistes de présentation
To be western or not...
Ce film, que vingt ans de recul ont transformé en “western classique”, certains le considéraient en son temps comme un faux western, ou bien comme un super western, le genre n'étant là que prétexte pour mieux déguiser un manifeste contre le maccarthysme. Avoué ou implicite, le critère de jugement est la fidélité au western. Or ce qui fait la qualité spécifique de Johnny Guitar est précisément ce qui embarrasse les maîtres du classement : la liberté que prend Nicholas Ray avec les règles d'un genre et du cinéma qu'il recrée avec amour et ironie.
Comment a-t-on pu nier la justesse de ton et la rare beauté de ce film sous prétexte de non-conformité ? Il paraît étonnant que des critiques aussi inventifs que Bazin et Tailleur aient pu se montrer dogmatiques au point de méconnaître l'apport original de Johnny Guitar, au nom d'une soi-disant pureté du western. Même s'il y avait un label de “western d'appellation d'origine contrôlée”, qui serait le spécialiste qualifié pour l'attribuer ? Comment distinguer un vrai d'un faux western ? Hormis la croyance quasi mystique qu'il existe des westerns purs et authentiques, je ne vois rien qui puisse délimiter un domaine exclusif du western, n'était-ce la frontière mouvante du pays en question et l'étendue variable d'une époque où l'Histoire et la saga de l'ouest se rencontrent et parfois même se confondent. A cette définition du western correspond Johnny Guitar, au même titre queRed Riverde Hawks etMy darling Clementinede Ford. Mais le film de Ray n'appartient pas au « cinéma américain » qui prône une attitude positive envers la loi et l'ordre et qui sert l'appareil idéologique d'Etat en dénonçant les corrompus et les salauds pour mieux justifier en fin de compte le système politique économique des États-Unis.
Sur trois points Johnny Guitar dérange les habitudes et contredit les schémas du cinéma américain : les portraits féminins, les rapports du couple et la dénonciation du système.
Un western au féminin
Le personnage de Vienna est un des plus forts et des plus nets qui ait été crée au cinéma. Femme résolue, prête à affronter les éleveurs et leurs nervis, Vienna ne manque pas de tendresse ni de passion. Elle est avant tout une femme libre, consciente de ses droits. Sexuellement refoulée, Emma donne libre cours à une passion dévastatrice où calcul et folie s'entremêlent. Plus motivée que les hommes, Emma est la seule qui passe vraiment à l'acte : elle abat Tom, met le feu au saloon, et tue le Dancing Kid. L'affrontement des deux femmes sert de moteur dramatique tout au long du film. Cette lutte des femmes ne heurterait pas nos codes culturels si elle éclatait dans une tragédie grecque. Il en va autrement dans l'ouest, pays des hommes, et surtout dans le western où très souvent les signes extérieurs – habits, gestes, position sociale – fondent le personnage bien avant le discours de l'action. C'est ainsi que la “virilité” de Vienna a pu choquer même ceux qui comprennent les excès d'Emma. Serait-ce dû au fait que Vienna paraît capable de remplir parfaitement le rôle d'épouse et de mère, après avoir été
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amante puis courtisane? Selon le code bourgeois, son attitude et ses actes sont totalement déplacés.
Western et couple...
Les rapports ambigus de Johnny et Vienna bousculent les clichés du couple dans le western. Leur densité dramatique est due aussi bien à la nature des protagonistes qu'à leur histoire. Fondée sur leur amour passé, cette relation est marquée par la rupture. Dialectique du souvenir et de l'oubli, marqué par cette célèbre réplique : « - Combien d'hommes as-tu oubliés? - De combien de femmes te souviens tu? » Leur entente retrouvée est fragile puisqu’elle cache une blessure que tout faux-pas peut raviver. Aussi, des gestes anodins et des phrases banales semblent-ils uniques, chargés de sens et de tension. Le courant émotionnel qui passe entre eux risque à tout moment de se changer en éclair orageux. Un mot nu, un aveu simple, peut-être une étincelle. Ainsi, pour révéler l'amour, ils doivent mettre des masques.
C'est par une double mise en scène qu'ils parviendront à exprimer la violence de leurs sentiments : la scène où Vienna, répondant comme un écho aux paroles de Johnny, lui “dit un mensonge” qui est la vérité, et la scène suivante où Johnny fait semblant d'abolir le temps et, revenant cinq ans en arrière, le suspend vraiment : “Nous sommes à la terrasse de l'hôtel Aurora”... Puisque le présent peut se confondre avec le passé, Vienna et Johnny peuvent renouer avec leur amour et le reconnaître.
Western politique
Philip Yordan (scénariste) confie à Bertrand Tavernier : “Johnny Guitar a eu beaucoup d'ennuis d'abord avec la censure, ensuite avec la critique qui, aux U.S.A., l'a littéralement éreinté. On n'a rien compris à nos intentions profondes. [...] Les allusions antimaccarthystes furent à l'origine de nos démêlés avec les censeurs... Il y avait autre chose : une violente attaque contre le puritanisme, en la personne de la vieille fille refoulée incarnée par Mercedes McCambridge”.
Qu'elle soit opposée ou favorable, la critique réduit la portée politique de Johnny Guitar en le présentant comme un pamphlet anti-maccarthyste. Ray et Yordan ne cachent pas leur aversion pour Mac Carthy et ses partisans, leur attaque est donc nette, presque transparente. On saisirait mieux cependant leurs intentions en se plaçant d'un autre point de vue : ils prennent appui sur l'impact émotionnel de la “chasse aux sorcières”, réalité brûlante du moment, pour mener une attaque radicale contre le système politique et le mode de vie aux États-Unis.
D'autant plus que l'action de Johnny Guitar est située là où se nourrit le mythe américain, dans l'ouest des pionniers et au carrefour des grands espaces et du cheval de fer. Dans cet optiqueue, Ray semble nous dire : “si vous distinguez le maccarthysme en regardant un western, cela signifie peut-être que la gangrène menace depuis longtemps et qu'il faut chercher les sources de l'intolérance et de la répression à l'aube de l'histoire américaine, avant même la naissance de cette nation. Microcosme de ce vaste pays, la “community”, ou la petite ville, en reflète fidèlement le système. Dans le pays de Johnny Guitar, ce sont les riches éleveurs qui font la loi. La majorité silencieuse, ainsi
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que le shérif garant de la justice et de l'ordre, sont manipulés par John McIvers (le bétail) et par Emma (la banque).
Dans le conflit qui les opposent à Vienna se mêlent des considérations morales, économiques et politiques : refus de la liberté sexuelle au nom d'un puritanisme chrétien, crainte des changements qu'apportera le chemin de fer, volonté totalitaire de soumettre les “étrangers” et les marginaux (ou de les détruire). Or Johnny Logan exprime dans ce film le sentiment de Nicholas Ray : “I am a stranger here myself”.” En 1953, Ray se place encore résolument du côté des aventuriers et des amoureux, en marge du système ou contre lui.
Le retour de Johnny Guitar. Abraham Ségal.In Johnny Guitar : Nicholas Ray l'Avant-Scène n°145, 1974
La belle et la bête du Western
par François Truffaut (extrait deArts, février 1955)
(…) C'est donc toujours de violence et de solitude morale qu'il s'agit dans un univers désespéré où rien n'arrive que d'amer. En filigrane de ces thèmes et d'une mise en scène très inventive et cependant sans effets extérieurs, apparaît très clairement la personnalité de l'auteur qu'il est aisé de deviner hypersensible et d'une sincérité absolue. (…) Il y a deux films dansJohnny Guitar: celui de Ray (les rapports entre les deux hommes et les deux femmes, la violence et l'amertume) et tout un bric-à-brac extravagant du style « Joseph von Sternberg » absolument extérieur à l'œuvre de Ray, mais qui, ici, n'en est pas moins attachant. C'est ainsi que l'on peut voir Joan Crawford, en robe blanche, jouer du piano avec, à côté d'elle, des chandeliers et un revolver.Johnny Guitar est un western irréel, féerique, la belle et la bête du western, un rêve de l'Ouest. Les cow-boys s'y évanouissent et meurent avec des grâces de danseuses. La couleur (par Trucolor) contribue au dépaysement ; les teintes sont vives, toujours inattendues, quelques fois très belles.
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Retour sur un genre : le western
Le western fut longtemps considéré comme « le cinéma américain par excellence ». Ce genre cinématographique conte, sur le mode héroïque ou critique, la conquête de l'Ouest des États-Unis et la difficile naissance de la nation américaine. Ces fictions s'inscrivent dans un passé légendaire que l'on peut pourtant replacer dans le temps (généralement entre 1840 et 1890) et situer à l'ouest du Mississipi, dans l'espace mouvant de la « Frontière » en constante progression vers le Pacifique. Même s'il fait souvent appel à l'Histoire, le western ne relève que très exceptionnellement du film historique. Il donne des évènements une représentation mythique qui varie sensiblement en fonction du contexte de l'époque qui la met en scène.
Le muet (1894-1928)
Lorsque, en 1894 William K. Laurie Dickson tourna pour le kinetoscope d'Edison des images de Buffalo Bill et son « Wild West Show », la fin de la colonisation américaine était encore très récente (1890), mais la légende héroïque du Far West s'était déjà propagée depuis plus de trente ans avec lesdime novels (« romans à trois sous »). Ce n'est sans doute pas un hasard si le premier film narratif tourné en Amérique fut un western.Le vol du rapide d'Edwin S. Porter contenait déjà tous les ingrédients du genre : attaque armée d'un train, poursuite des bandits, règlements de comptes final. Il utilisait largement le tournage en extérieurs, mais était encore dépourvu de l'indispensable héros. Dès lors, le film de cow-boys, s'imposa comme l'un des genres favoris du cinéma muet américain. Son abondance fut encore favorisée par l'installation de la production à proximité des lieux mêmes de la Conquête, la côte Ouest. Le succès obtenu par le genre incita les grandes compagnies à investir dans des superproductions. Paramount présentaLa Caravane vers l'ouest de James Cruze, Foxle Cheval de fer de John Ford, deux grandes fresques épiques consacrées l'une à l'odyssée des pionniers, l'autre à la construction du chemin de fer transcontinental. Ces films, comme tous les westerns muets et les premiers westerns sonores, propageaient l'image glorieuse et lumineuse d'une nation conquérante semant vaillamment les valeurs de la civilisation.
Les débuts du sonore (1929-1938).
L'arrivée du son ne semblait pas devoir favoriser le western, genre en principe peu bavard. Raoul Walsh eut le mérite de tenter le premier tournage en extérieurs, de faire entendre le martèlement des sabots des chevaux et le crissement des roues de chariots. MaisLa Piste des géants, commeBilly le Kidde King Vidor, tous deux tournés en 70 mm, ne rencontrèrent pas le succès public escompté. Le genre vécut alors quelques années peu glorieuses au sein de serials ou de séries, et dans des westerns musicaux doucereux avec les « cow-boys chantants » Roy Rogers ou Gene Autry.
Le renouveau (1939-1949).
Le genre ressurgit soudainement en 1939 avec plusieurs œuvres fortes, parmi lesquelles La Chevauchée fantastiqueJohn Ford. Les années 1940 présentèrent une de remarquable maturation du genre. Si le western restait encore fidèle à la légende héroïque de l'Ouest, des préoccupations nouvelles rompaient avec la représentation
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routinière du Wild West : préoccupations sexuelles (Le Bani, Duel au soleil), préoccupations politiques et sociales (Le Cavalier du désert, l'Etrange incident). D'autre part, la richesse de la dramaturgie, la complexité des personnages (La Rivière rouge), le ton juste et merveilleusement nostalgique de l'évocation du passé (La Poursuite infernale) le consacrèrent dans la qualité.
L'âge d'or (1950-1959).
Par effet de retour, les inquiétudes de l'Amérique (la guerre de Corée, le maccarthysme, le problème noir, entre autres) se projetèrent sur la lecture de l'histoire de l'Amérique et fissurèrent l'image traditionnellement optimiste du western. La légende s'altéra devant une vision plus exacte des faits. L'ouest sauvage perdit un peu de son aura. Il devint la terre d'individus douteux auxquels s'opposaient, pour maintenir un semblant d'ordre, des êtres vulnérables et fragiles, et non plus les surhommes d'autrefois. L'image habituellement donnée de l'Indien, une brute sanguinaire, apparut insupportable au lendemain de la Seconde guerre mondiale où des soldats indiens s'étaient battus. Ainsi s'amorça, notamment avecla Flèche brisée, un processus de réhabilitation qui se poursuivit dansBronco Apache, La Dernière chasse et le magnifiqueJugement des flèches.Par ailleurs, le temps était à ce qu'André Bazin appela le sur-westerns : un western dopé par un supplément de soin apporté à la mise en scène,l'Homme des vallées perdues ou par un supplément de sens apporté par un grand sujet,Le Train sifflera trois fois. A ces sur-westerns empesés et solennels, il est permis de préférer la pureté d'inspiration de la belle série de westerns ony Mann et les trois superbes joyaux du genre que sontJohnny Guitarde Nicholas Ray,La Prisonnière du désertde John Ford etRio Bravode Howard Hawks.
Le crépuscule (1960-1969).
Le cinéma était en crise, l'Amérique aussi, qui s'enferrait dans la Guerre du Viêt Nam. Ce qu'on appela le « western crépusculaire » s'inspira davantage de cette morosité que des vieilles légendes de l'Ouest. Certains, pourtant, s'efforcèrent de revitaliser la tradition héroïque :Almovanta le sacrifice des défenseurs du fort ;La Conquête de l'Ouest célébra une nouvelle fois le courage des pionniers. Mais le cœur n'y était plus et ces glorieuses images d'Épinal parurent démodées. En 1964, le western changea de continent et devint pendant une dizaine d'années l'un des genres favoris du cinéma italien lassé du péplum. La prospérité du western-spaghetti (550 film de 1964 à 1973!) tint surtout au talent maniériste de Sergio Leone mais ses successeurs soumirent le genre à une véritable dégradation : une vision ultra caricaturale de l'Ouest et de ses personnages, surenchère gratuite de violence, de sadisme et d'érotisme, écriture rustre et brutale jouant à fond sur les effets les plus grossiers.
Les derniers feux (depuis 1970).
Au passage des années 1960 à 1970, le recours à la légende héroïque fut définitivement abandonné et le western américain poursuivit intensément sa démystification. La question indienne fut clairement présentée dansWillie BoyetLittle Big Manet surtout
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dansSoldat Bleu, évocation sans concession du massacre de Sand Creek (1864). La conquête de l'Ouest fut même analysée en termes de lutte des classes. DansLa Porte du paradis (1980), Michael Cimino tenta de montrer que les États-Unis s'étaient constitués en tant qu'Etat de droit en éliminant les indiens et en accordant aux riches propriétaires terriens un droit de vie et de mort. Cette analyse démythifiante ne fut pas pardonnée et le film fut un gros échec. Le genre, on le voit, arrachait l'herbe de la prairie dont il se nourrissait et allait ainsi vers sa raréfaction. Il se tourna entre 1970 et la fin des années 1990 une centaine de westerns, à peine plus qu'au cours de la seule année 1950. Aujourd'hui, à l'exception de quelques résurgences isolées (Danse avec les loups et les beaux films crépusculaires et presque nocturnes de Clint Eastwood), le genre semble avoir disparu. Mort, demi-sommeil ou réincarnation dans le rêve des « nouvelles frontières » qu'évoquait le président John F. Kennedy, celles du cosmos ? Les protagonistes deLa Guerre des étoiles sont-ils les nouveaux aventuriers, les nouveaux cow-boys du Wild West ?
Écoles, genres et mouvement au cinéma. Vincent Pinel. Larousse, 2000
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Films disponibles pour les médiathèques
Les Amants de la nuit (1948) Secret de femme (1949) Born to Be Bad (1950) Les Diables de Guadalcanal (1951) Rackett (1951) La Maison dans l'ombre (1952) Johnny Guitar (1955) Derrière le miroir (1956) L'Ardente Gitane (1956) La Fureur de vivre (1956) Le Brigand bien-aimé (1957) Traquenard (1960) Le Roi des rois (1961) Nick's Movie (1980)
Autres westerns faisant l'objet d'un travail pédagogique :
Bronco Billy. Clint Eastwood , USA 1980
La Flèche brisée. Delmer Daves, USA 1949
Jeremiah Johnson. Sydney Pollack, USA 1972
L'Appât. Anthony Mann , USA 1953
L'Homme de la plaine. Anthony Mann , USA 1955
Bibliographie
Histoire du western.Charles Ford. Pierre Horay, 1964
Histoire mondiale des westerns.Eric Leguèbe. Rocher, 2003 Johnny Guitare: Nicholas Ray. Michel Serceau. Ed. du CEFAL, 2004 Nicholas Ray.Jean Wagner. Rivages, 1987 Splendeur du western.Suzanne Liandrat-Guigues, J-L Leutrat. Rouge profond, 2007 Le western.Clelia Cohen. Cahiers du cinéma, 2005 Le western: quand la légende devient réalité. Jean-Louis Leutrat. Gallimard, 1995 Le western: approches, mythologies, auteurs-acteurs, filmographies. Raymond Bellour. Gallimard, 1993
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