Revue québécoise de psychologie, vol. 17, n°1, 1996 TRAITEMENT COGNITIF ET COMPORTEMENTAL DU TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF. PARTIE 2 : INTERVENTIONS THÉRAPEUTIQUES 1 Mark H. FREESTON Robert LADOUCEUR Université Laval Université Laval Catherine BOUCHARD Université Laval Résumé Cet article aborde trois aspects du traitement cognitif et comportemental du Trouble obsessif et compulsif (TOC). D'abord, un examen exhaustif de la méthodologie des études évaluant l'efficacité des traitements du TOC sera présenté . Deuxièmement, nous passerons en revue les groupes mis sur pied pour aider les patients souffrant de ce trouble anxieux. Enfin, la dernière partie porte sur l'évaluation de la thérapie cognitive dans le traitement du TOC et souligne les résultats positifs obtenus. Au cours des 25 dernières années, des progrès spectaculaires ont été notés dans le traitement psychologique et pharmacologique du Trouble obsessionnel-compulsif (TOC). Un premier article a présenté un modèle théorique visant à expliquer le développement, le maintien et le traitement du TOC et à expliquer ainsi deux schèmes cognitifs dysfonctionnels à la base de ce trouble (Ladouceur, Freeston et Rhéaume, 1996). Le deuxième article, celui présenté ici, examine des études d'efficacité du traitement et présente deux modalités thérapeutiques du TOC peu utilisées, à savoir le traitement en groupe et la thérapie cognitive sans exposition aux stimuli anxiogènes ni prévention de la réponse compulsive. CRITIQUES DES ÉTUDES DE TRAITEMENT DU TOC 1 Ce travail a été réalisé pendant que les auteurs bénéficiaient d'une subvention de recherche du Fonds de la Recherche en Santé du Québec et du Conseil de Recherche Médicale du Canada. Toute correspondance doit être adressée à Mark Freeston, Ph.D., École de psychologie, Université Laval, Ste-Foy, Québec, Canada, G1K 7P4.
103
Les taux de succès des thérapies comportementales pour le TOC et, plus récemment de l'approche cognitive et comportementale, atteignent souvent 85 % (Hiss, Foa et Kozak, 1994; Steketee et Shapiro, 1993). Les méta-analyses révèlent que les techniques d'exposition aux stimuli anxiogènes et la prévention de la réponse compulsive produisent des améliorations thérapeutiques importantes (entre 1,5 et 1,8 écart type; Cox, Swinson, Morrison et Lee, 1993; van Balkom et al. , 1994). Ces changements, d'une signification clinique indiscutable, dépassent ceux obtenus par les traitements pharmacologiques. Un examen critique de la méthodologie utilisée dans ces études invite à la prudence et à nuancer, dans certains cas, l'efficacité des résultats annoncés. Nous avons recensé 48 études de traitement utilisant un protocole de type expérimental ou quasi expérimental. L'annexe 1 présente la liste de ces recherches. Les études à cas unique sont exclues de cette analyse pour la raison que les méta-analyses n'en tiennent pas compte (voir Cox et al. , 1993; van Balkom et al. , 1994). Les prochains paragraphes discuteront successivement des protocoles employés, de la puissance statistique de ces études, des critères d'exclusion des sujets, des caractéristiques des sujets qui ont refusé ou abandonné le traitement, des échecs et des rechutes et ainsi que des composantes thérapeutiques habituellement utilisées. Protocole expérimental et puissance statistique La répartition aléatoire des sujets représente une condition importante de tout protocole de recherche voulant assurer une bonne validité interne et externe. Il est surprenant de constater que seulement 54 % des études recensées ont utilisé une répartition aléatoire des sujets. De plus, uniquement six d'entre elles (22 %) ont inclus un groupe contrôle (liste d'attente ou placebo) et, parmi celles-ci, quatre étaient des essais pharmacologiques ou des traitements combinés (pharmacologique et cognitivo-comportemental). Cette observation invite le lecteur à interpréter avec prudence les conclusions généralement tirées de ces études. Dans le même sens, le nombre de sujets par groupe sera un élément ortant. Notre examen indique que le nombre médian de sujets par igmropupes'élèveseulementà9(variantde3à31sujetspargroupe).Étantdonné que la plupart de ces études visaient à évaluer l'efficacité relative de deux ou plusieurs interventions, l'effet d'ampleur («effect size») doit atteindre 1,4 écart type pour déceler une différence significative (Cohen, 1988). Cetobjectif est inatteignable lorsque l'on compare l'efficacité relative de deux traitements actifs. Pour un effet d'ampleur entre deux traitements de 0,5, ce qui représente une différence importante, et avec neuf sujets par groupe, le niveau de puissance sera de 0,16, alors qu'on exige habituellement 0,80! En réalité, environ 60 sujets par groupe seraient requis pour atteindre une puissance statistique satisfaisante et détecter une différence significative entre deux traitements actifs. Cela exige donc d'énormes