Evaluer la mise à disposition du Subutex pour la prise en charge des usagers de drogue - Expertise collective 1998
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Description

Ce rapport expose le contexte général de la mise à disposition du traitement substitutif de la toxicomanie par le Subutex et s'interroge sue les effets, la sécurité et la relation dose-effet de sa molécule, la buprénorphine. Il étudie les modalités de mise à disposition et de suivi du traitement et, notamment l'amélioration éventuelle des personnes traitées, spécialement celles qui présentent des pathologies particulières (VIH, VHC, grossesse, comortalité psychiatrique). Il explique la mise en oeuvre du programme de recherche.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 49
Licence : En savoir +
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue Français

Extrait

1- L’objectif du groupe de travail
1-1 Origine de la demande
En septembre 1996, la Direction Générale de la Santé et le Laboratoire Schering Plough se sont adressés à l’INSERM pour mettre en place une évaluation des traitements de substitution par le Subutex® des usagers de drogue. Les discussions ont conduit à proposer comme préalable, l’examen, par un groupe de travail pluridisciplinaire, de l’ensemble des questions posées par l’utilisation de la buprénorphine dans cette indication, avec le cadre réglementaire et institutionnel défini par les autorités sanitaires en 1995 (Circulaire du 31 mars 1995). Le champ de l’expertise, ses modalités ainsi que la composition du groupe de travail ont été définis par l’Intercommission 4 «Comportements de consommation » en relation avec la DGS/bureau SP3 et du laboratoire Schering Plough qui ont passé une convention avec l’INSERM. Les fonds assortissant cette convention ont permis de financer les déplacements des membres du groupe, la constitution de la base documentaire et le secrétariat administratif. Ce groupe s’est réuni à l’INSERM à 5 reprises de novembre 1997 à avril 1998. Un comité de suivi rassemblant les représentants des partenaires, membres de la DGS, du laboratoire pharmaceutique, de l’INSERM et du groupe de travail s’est réuni à mi-parcours (février 1998) et à la fin du travail, en avril 1998.
1-2 Objectifs
Sur la base des connaissances scientifiques disponibles sur la buprénorphine et des informations sur la mise en oeuvre du traitement en France, collectées aussi bien en routine que dans des études spécifiques, l’objectif du groupe était de dégager une synthèse de ce qui est acquis aussi bien dans le domaine fondamental et clinique qu’en santé publique et de relever les questions qui doivent faire l’objet d’un programme de recherche prioritaire pour évaluer l’intérêt, les risques et l’efficacité du dispositif proposé.
1-3 La composition du groupe de travail
Le groupe a été constitué en tenant compte des disciplines et des expériences nécessaires à une compréhension de la mise en oeuvre des traitements et à l’expertise des connaissances dans des domaines variés (neurobiologie, pharmacologie, pharmaco-épidémiologie, épidémiologie, santé publique, psychiatrie, anthropologie).
1-4 Le champ de l’analyse
La buprénorphine a été développée comme antalgique et mise sur le marché pour la première fois en 1978 au Royaume Uni. L’indication de traitement de sevrage et de substitution dans la dépendance à l’héroïne a été étudiée très tôt mais reste encore au stade de l’expérimentation contrôlée aux Etats-Unis ; sa mise sur le marché semble envisagée dans une combinaison avec la naloxone. La buprénorphine n’est pas utilisée en traitement de maintenance dans d’autres pays, même si la forme faiblement dosée (Temgésic®) y est disponible. En France, le cadre de prescription défini par la circulaire du 31 mars 1995 et par l’AMM est relativement peu contraignant, se différenciant ainsi de celui de la méthadone.
Les thèmes de la réflexion du groupe peuvent être résumés de la façon suivante : . La buprénorphine est-elle adaptée au traitement de substitution : effets, sécurité, relation dose-effet ? . Les modalités de mise à disposition et de suivi du traitement en France permettent-elles d’atteindre au mieux les objectifs de santé publique : réduction de la mortalité, réduction de la transmission des infections virales, amélioration de l’accès aux soins, amélioration de la santé et de situation sociale des usagers ? . Quels sont les effets induits par la large diffusion de ces traitements : accès aux soins, mortalité, détournement, abus, trafic ? . Comment la place majeure de cette modalité de prise en charge transforme-t-elle l’organisation des soins pour les usagers de drogue ?
1-5 Méthode de travail
Le groupe s’est donc intéressé aux études animales et cliniques qui rendent compte des effets et des risques, aux données statistiques disponibles ainsi qu’aux travaux d’évaluation actuellement en cours en France, mis en perspective par rapport aux connaissances acquises sur l’efficacité des traitements de maintenance par la méthadone. Ce travail s’est appuyé sur la littérature internationale identifiée dans le corpus MEDLINE, le dossier d’AMM, des documents collectés par les membres du groupe de travail auprès des services établissant des statistiques nationales (OCRTIS, RNSP, SESI etc.) ou ayant des fonctions de surveillance (Agence du Médicament, CEIP), sur l’audition d’équipes menant des travaux d’évaluation non encore publiés.
La réflexion du groupe a été guidée par les résultats des évaluations portant sur les traitements par la méthadone qui mettent en exergue deux conditions pour l’efficacité d’un traitement : la prescription d’une dose efficace par les médecins et une prise en charge pluridisciplinaire prenant en compte l’ensemble des besoins de la personne soignée.
2 - Contexte général de la mise à disposition du traitement de substitution par le Subutex®
2-1 Les objectifs de Santé Publique des traitements de Substitution
La circulaire du 31 mars 1995 définit les objectifs du traitement de substitution comme l’insertion dans un processus thérapeutique facilitant le suivi médical d’éventuelles pathologies associées à la toxicomanie d’ordre somatique ou psychiatrique ; une réduction de la consommation de drogues issues du marché illicite et un moindre recours à la voie injectable (le texte différencie légèrement les objectifs en matière de drogue avec la notion de réduction pour la méthadone et d’arrêt pour la buprénorphine), enfin une amélioration de l’insertion sociale. L’objectif ultime étant de «permettre à chaque patient d’élaborer une vie sans dépendance», y compris à l’égard des médicaments de substitution.
Les comptes-rendus de la Commission Consultative des Traitements de Substitution reflètent la pluralité des points de vue des acteurs sur les objectifs de cette stratégie.
A partir de l’expérience diverse de ses membres, le groupe a travaillé en fonction d’objectifs définis en terme de réduction des dommages : réduction de la mortalité, réduction de la consommation d’héroïne et d’autres produits illicites ou licites (médicaments, alcool, autres drogues), réduction de la transmission des infections virales, amélioration de l’accès aux soins, amélioration de la situation sociale et de la qualité de vie des usagers d’héroïne, associée ou non à d’autres produits. Cette réduction au niveau collectif peut correspondre au niveau individuel à une gamme d’effets dans les différents champs évoqués ci-dessus. Concernant l’usage de drogues, les effets du traitement peuvent être envisagés comme un spectre allant de la seule consommation du médicament de substitution avec une abstention des autres substances, à la poursuite d’un usage mieux contrôlé et moins risqué des drogues et des médicaments détournés. La dépendance à l’égard des drogues doit être considérée comme une condition chronique particulièrement sérieuse associée très souvent à un mode de vie précaire qui nécessite une prise en charge et un soutien au long cours maintenant un lien entre la personne et le système de soins.
2-2 La buprénorphine dans les traitements de substitution dans le monde et en France
La buprénorphine a été mise sur le marché pour la première fois sous forme injectable pour le traitement de la douleur, en 1978, en Grande-Bretagne et en Irlande, suivies en 1980 par la Suisse, l'Allemagne, la Norvège et le Danemar.k C'est un produit de la société anglaise Reckitt et Colman, distribué par divers laboratoires dans le monde et en France par la firme Schering Plough.
Dans des présentations faiblement dosées et en administration sublinguale et injectable, le Temgésic® est mis sur marché dans diverses parties du monde. Le produit est en vente dans presque tous les pays de l’Union Européenne, avec un classement comme stupéfiant en Irlande, en Italie et en Allemagne et un statut hybride en France (Reisinger, 1994).
Peu de temps après sa mise sur le marché, on a observé dans différents pays un détournement par les usagers de drogue qui a amené à un contrôle plus sévère des conditions de prescription. En France, la forme injectable du Temgésic® a été réservée à la prescription hospitalière en 1990 et la prescription en ville a été soumise, à partir de septembre 1992, aux contraintes des stupéfiants sans que le Temgésic® soit classé comme tel. Certains médecins, généralistes et spécialistes de la toxicomanie, ont protesté contre ce changement à un moment où la méthadone était encore quasi inexistante en France et où ils ne disposaient officiellement d’aucune substance adaptée au traitement de substitution. Ce changement réglementaire a fait baisser les ventes et a conduit à un déplacement des prescriptions aux usagers de drogue vers des antalgiques à longue durée d’action comme le sulfate de morphine (Moscontin®, Skénan®) dont les bénéfices et les risques n’ont pas été évalués dans cette indication (notamment ceux de surdosage et d’accidents en cas d’injection). La prescription de sulfate de morphine a été rapidement l’objet de restrictions de la part du Ministère de la Santé qui a repoussé à plusieurs reprises, jusqu’en janvier 1996, la fin de la tolérance de cette transgression des conditions
définies par l’AMM. Aujourd’hui ces prescriptions ont été poursuivies, principalement, pour des personnes chez lesquelles elles avaient été initiées avant les nouveaux textes et pour lesquelles un changement a été jugé risqué par les médecins. Toutefois les sociétés ASTA-MEDICA et UPSA qui commercialisent ces produits n’ont pas accepté de communiquer au groupe l’évolution des chiffres de vente.
Le Subutex® a été mis sur le marché, en France, en février 1996. La firme Schering Plough en a acquis les droits de commercialisation pour le monde entier.
Dès 1978, Jazinski avait étudié l’utilisation de la buprénorphine pour le traitement des personnes dépendantes de l’héroïne (Jazinski, 1978). Le Temgésic® n'est utilisé de façon large en traitement de substitution qu'en Belgique, encore cet usage décline-t-il car le Subutex® n'y est pas disponible et que les médecins de ville peuvent prescrire sans contrainte la méthadone (Reisinger, 1985, 1994). Les fortes posologies et l’indication de traitement de la dépendance avec prescription en médecine de ville sont donc l’apanage de la France. L’utilisation de la buprénorphine pour le traitement de maintenance ou le sevrage, aux Etats Unis, reste encore dans le champ de l’expérimentation avec des préparations spéciales (solution alcoolique à 30 %) et administrées sous supervisio.n
La mise sur le marché d'un produit associant la buprénorphine fortement dosée et la naloxone est envisagée aux Etats-Unis pour éviter le recours à l'injection. La naloxone n’étant pas absorbée par voie orale, l’association n’exprime que l’effet de la buprénorphine lorsque le produit est consommé par voie sublinguale. En revanche, cet effet est antagonisé en cas d’injection intraveineuse ou intramuscululaire. Chez les sujets dépendants, cette association en intraveineux provoquerait alors un syndrome de sevrage. Ce mode de contrôle, qui peut être adapté à certains individus, risque par ailleurs de conduire à un abandon du traitement de substitution par les usagers, les maintenant ainsi dans des pratiques à haut risque.
2-3 Le cadre réglementaire et institutionnel
En France, la méthadone a été réservée de 1971 à 1995 à une prescription hospitalière : dans deux centres parisiens jusqu’en 1990, puis étendue progressivement dans le cadre des centres de soins spécialisés, avec un net développement à partir de 1995 seulement.
La délivrance en pharmacie de la méthadone avec prescription en ville a été autorisée et réglementée par la circulaire du 31 mars 1995 qui prévoit aussi le cadre du traitement par la buprénorphine haut-dosage, le Subutex®. Ces deux cadres ont en commun la prescription sur carnet à souche, des recommandations sur la liaison médecin prescripteur-pharmacien et sur la participation du médecin prescripteur à un réseau spécialisé permettant la prise en charge pluridisciplinaire. Ils différent cependant sur des points déterminants : la stabilisation du patient traité par la méthadone en centre de soins est un préalable à la prescription en médecine de ville alors que tout médecin peut prescrire d’emblée le Subutex®. Le patient ne peut changer de médecin sans repasser par le centre de soins. La durée de prescription reste de 7 jours pour la méthadone et s’étend à 28 jours pour le Subutex®, avec la possibilité d’un recours à une délivrance fractionnée en officine.
Le traitement de méthadone en centre de soins est gratuit. Le Subutex®, prescrit en ville ou en centre spécialisé, est acheté en pharmacie et remboursé selon les modalités classiques de couverture des dépenses de médicaments. Certaines caisses de sécurité sociale ont accepté l’exonération du ticket modérateur ; de plus beaucoup de personnes traitées bénéficient de l’Aide Médical1e. Ainsi pour beaucoup de patients, le médicament peut être obtenu en pharmacie sans débours.
                                                       1Les modalités de prise en charge des dépenses de consultation ou de médicaments varient d’un département à l’autre (carte-santé, bons de consultation ou de pharmacie) et facilitent plus ou moins l’accessibilité des soins. Les dépenses finales sont couvertes par le budget du département.
Pour la méthadone, les centres de soins spécialisés reçoivent une dotation financière pour des analyses permettant de tracer les stupéfiants dans les urines tandis que cette surveillance n’est pas prévue pour les personnes recevant du Subutex®. Bien que ces analyses puissent être faites en laboratoire en ville et remboursées par la Sécurité Sociale, elles sont coûteuses et n’entrent pas dans le suivi habituel des usagers en traitement de substitution par le Subutex®. Les pouvoirs publics ont encouragé et financé des réseaux Toxicomani2e associant des médecins de ville, des services spécialisés, des services hospitaliers, des pharmaciens afin de favoriser la formation des professionnels, la coordination des services impliqués localement dans les prises en charge et, in fine, une prise en charge globale des patients.
Ce dispositif est suivi au niveau national par la Commission Consultative des Traitements de Substitution et au niveau départemental par des Comités Départementaux de suivi associant l’administration de la Santé et des représentants des professionnels de santé impliqués. La Commission Consultative des Traitements de Substitution a à plusieurs reprises discuté le cadre de la prescription pour limiter le détournement vers le trafic de rue d’une partie (non évaluée) du Subutex® sans proposer jusqu’à présent de nouvelles dispositions.
2-4 L’évolution des ventes et l’estimation du nombre de personnes traitées
A partir de données fournies par le GERS, société d’étude privée, les informations sur les ventes en officine de certains produits destinés aux usagers de drogue (divers conditionnements de seringues et médicaments de substitution) sont collectées dans le système SIAMOIS/RNSP (Réseau National de Santé Publique) qui permet de disposer d’une information mensuelle à l’échelle du département. Pour le Subutex®, la vente en officine représente la presque totalité des ventes. Depuis février 1996, celles-ci ont connu une croissance continue. A partir de ces données, on peut estimer un nombre de personnes consommant le Subutex®, sous certaines hypothèses notamment qu'n même patient consomme tous les médicaments achetés avec une dose moyenne, pendant 30 jours. Différentes posologies (8 mg, 10 mg, 12 mg) sont envisagée3s.
On peut donc proposer comme estimation sur ces bases une fourchette de 2800 à 4300 personnes traitées dès février 1996, passant à 21000 à 32000 fin 1996 et 34000 à 51000 fin 1997. Pour les traitements de méthadone, les effectifs en traitement peuvent être estimés, sur la base d’une dose moyenne de 60 mg, aux mêmes dates à 659, 1862 et 2345 personnes traitées en ville. Il ne s’agit là que d’estimations qui doivent être considérées avec une très grande prudence compte tenu des hypothèses sur lesquelles elles reposent et faute de disposer d’autres bases pour une évaluation directe du nombre de personnes traitées.
La DGS, par ailleurs, donne un effectif de 3000 personnes suivies en centre et 2000 en ville pour les personnes traitées par la méthadone en France (compte-rendu de la Commission du 9 octobre 1997).
2-5 Le système de surveillance et d’études
L’évaluation doit être une composante de toute politique de Santé Publique, avec une dimension particulière quand il s’agit d’une stratégie nouvelle, plus encore quand, comme le traitement par la buprénorphine, elle propose une voie originale. La démarche du groupe de travail s’inscrit dans cette démarche d’évaluation en complément des autres sources ou système existants qui sont rappelés ci-dessous.
                                                       2Circulaires n°72 du 9 novembre 1993 et du 7 mars 1994. 3Les données sur les posologies sont hétérogènes : à l’inclusion dans l’étude d’EVAL: <4mg:12%, 4 à <8 mg : 34 %, 8 à <16mg : 43 %, 16 à <24mg : 9,8 %, >=24 mg :1,3 mg, la dose moyenne passant de 7,6 à l’inclusion à 7 à 6 mois de suivi. Dans l’étude du Vaucluse, la dose moyenne est de 10 mg.
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