L'instance d'évaluation présidée par Christian Rollet, inspecteur général des Affaires sociales, a étudié la politique de lutte contre le sida menée en France depuis le milieu des années 1990 dans trois domaines : la prévention, l'accès aux soins et l'exercice de la solidarité auprès des personnes atteintes. Exceptionnelle à plusieurs titres, cette politique, à travers ses ambitions, l'importance des moyens engagés ou encore la nécessaire priorité donnée à la prévention, offrait un terrain particulièrement riche pour l'évaluation. À travers l'analyse des succès de cette politique (la mobilisation des acteurs, l'accès aux traitements et le respect des libertés publiques) et des aspects plus nuancés, voire négatifs (la défaillance du système d'information, les disparités entre les territoires et entre les groupes sociaux, les difficultés à cibler l'action), le rapport porte un regard global sur l'action des pouvoirs publics et propose des inflexions ou des consolidations de la politique de lutte contre le sida. Il est complété par une série importante d'annexes parmi lesquelles les contributions des associations de lutte contre le sida et les synthèses de trois études (Connaissances, attitudes, croyances et comportements face au vih/sida en France en 2001, La situation sociale des personnes vivant avec le vih/sida, Comparaison internationale des résultats des politiques de lutte contre le vih/sida).
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Langue
Français
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Extrait
EVALUATION DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LE SIDA 1994-2000
SOMMAIRE
Avant-propos par Jean-Michel Charpin, Commissaire au Plan...................................... 13 Préface par Christian Rollet, président de linstance dévaluation................................. 15
Chapitre 1 Objet et conditions de réalisation de lévaluation...................................... 21
1.La demande dévaluation et son instruction................................................... 21 1.1 Les intentions initiales du commanditaire et le contexte .................................... 21 1.2 Linstruction de la demande dévaluation et la définition du champ et de la période détude .............................................. 22 1.3 La disponibilitéa priorides données.................................................................. 24
2. La vie de linstance........................................................................................... 25 2.1Une instance largement étrangère au cercle des spécialistes français du sida ................................................................................................... 25 2.2. Ladémission du premier président et la relance des travaux.............................. 25
3. 3.1 3.2 3.3 3.4
4. 4.1 4.2 4.3
Les modalités de travail de linstance.............................................................. 27 Appropriation et «réappropriation» du cahier des charges ................................. 27 Les deux cycles dauditions ................................................................................ 27 Le suivi des études .............................................................................................. 28 La rédaction du rapport ....................................................................................... 28
Les études demandées par linstance............................................................... 29 Les missions........................................................................................................ 29 Le recours à des vacataires ................................................................................. 30 Les études confiées à des équipes de recherche extérieures ............................... 30
Le contexte épidémiologique et politique en 1994-1995................................. 33 Une lecture complexe des données épidémiologiques ........................................ 33 1994 : une année exceptionnelle ? ...................................................................... 36 Quelle place dans les préoccupations politiques ? .............................................. 38
Les objectifs de la lutte contre le sida en 1994-1995 et leur traduction dans le programme à cinq ans........................................... 40 La conception et les limites du programme à cinq ans ....................................... 40 Les axes retenus par le programme à cinq ans .................................................... 46
3. Le choc des nouveaux traitements efficaces.................................................... 49 3.1 Les scénarios prospectifs de lépoque................................................................. 49 3.2. Les changements induits par les multitraitements............................................... 51
4. Ladaptation de laction publique................................................................... 54 4.1 1996-1997 : une politique bouleversée ? ............................................................ 54 4.2 La définition dactions prioritaires...................................................................... 55 4.3 Le maintien affirmé de la dynamique de prévention........................................... 57
Annexes du chapitre 2.................................................................................................. 59 Annexe A La chronique de laffaire du «sang contaminé»........................................................ 61 Annexe B Des réorganisations administratives pour renforcer la sécurité sanitaire............................................................................ 65
Chapitre 3 Une stratégie publique innovante mais parfois limitée .............................. 67
1. 1.1
1.2
1.3
2. 2.1 2.2 2.3
Une organisation exceptionnelle...................................................................... 67 La division sida confirmée dans sa forme et renforcée dans ses moyens .............................................................................. 67 Un renforcement et une nouvelle organisation des services déconcentrés .................................................................................. 76 Le choix pertinent de linterministérialité........................................................... 84
Une fonction de pilotage lourde sur un sujet très sensible............................ 87 Une implication ambivalente du Parlement et du gouvernement........................ 87 La coopération avec les associations : un équilibre difficile à trouver................ 90 Quel pilotage pour la communication ? .............................................................. 95
3. Une capacité inégale à se doter doutils daide à la décision et à les faire évoluer.......................................................................................... 99 3.1 Quels outils pour quels objectifs ? ...................................................................... 99 3.2 Un système de surveillance de linfectionVIHen crise..................................... 101 3.3 Un important développement des recherches en sciences sociales ................... 110 3.4 Un suivi très lacunaire ...................................................................................... 112
Annexes du chapitre 3................................................................................................ 115 Annexe A Les plans départementaux et leur évaluation.......................................................... 117 Annexe B La mobilisation administrative................................................................................. 121 Annexe C Loriginalité de la politique locale............................................................................ 125 Annexe D Essai de typologie des relations État-associations dans le domaine de la lutte contre le sida............................................................................................ 129
Chapitre 4 La prévention : des résultats inégaux pour une politique qui manque de cohérence ............................. 135
1. La communication.......................................................................................... 136 1.1 Une bonne compréhension globale des messages de communication qui coïncide avec une évolution positive des connaissances, des comportements de prévention et des opinions ............................................ 137 1.2 La stratégie 1995-2000 : une cohérence difficile à maintenir ........................... 141 1.3 Des incertitudes sur lefficience des campagnes : une limite forte à lévaluation ........................................................................... 151
2.
2.1. 2.2
2.3 2.4
La prévention auprès des jeunes : une politique déducation à la sexualité construite sur le long terme......... 162 Ladossement à lécole : un choix dopportunité ? ........................................... 163 Les années 1995-2000 : une mise en uvre inégale et difficile de léducation à la sexualité sur le territoire ..................................................... 168 Lévaluation des moyens mis en uvre est incomplète .................................... 171 Des résultats positifs mais difficiles à attribuer au programme lui-même .......................................... 174
3. La prévention auprès des groupes spécifiques : des résultats très contrastés pour les pouvoirs publics................................ 177 3.1 La politique de réduction des risques pour les personnes utilisant des drogues par voie intraveineuse (UDIV) : un exemple de prévention globalement réussie, à la stratégie dans lensemble cohérente ........................................................... 177 3.2 La politique de prévention en direction des hommes ayant des relations sexuelles avec dautres hommes......................................... 190 3.3Pouvoirs publics et prévention : trois exemples de politiques complexes ............................................................ 210
Annexes du chapitre 4................................................................................................ 233 Annexe A Les enquêtesKABP Un indicateur des attitudes et comportements en population générale................. 235 Annexe B Les politiques de lutte contre la toxicomanie dans trois pays dEurope................ 239 Annexe C Lhistoire de la politique de lutte contre la toxicomanie et de soins aux personnes toxicomanes en France................................................... 241
Chapitre 5 De la prise en charge médicale à la prise en charge sociale : entre exemplarité et inertie ........................................................................................... 243
1.
1.1
1.2
2. 2.1 2.2
2.3 2.4
Un dispositif de dépistage qui a su évoluer mais reste insuffisamment efficient............................................................... 245 Des adaptations pertinentes aux nouveaux enjeux mais sous contraintes ........................................................................................ 246 Le recours au dépistage : les indices dune efficience insuffisante ........................................................... 264
La prise en charge sanitaire et sociale des personnes atteintes : une réforme incomplète.................................................................................. 274 Le contexte, létat des lieux et le programme de 1995...................................... 274 Une adaptation immédiate à la nouvelle donne médicale mais au prix dune réflexion insuffisante sur la stratégie.................................. 281 Le traitement social duVIH: les paradoxes dune exception ............................ 296 Les pouvoirs publics face à de nouvelles problématiques ................................ 318
Chapitre 6 Bilan et recommandations ....................................................................... 339
1.
1.1 1.2 1.3 1.4 1.5
2.
2.1 2.2
Bilan global...................................................................................................... 339
Le contexte de lévaluation ............................................................................... 339 Quelle politique de lutte contre le sida sagissait-il dévaluer ?........................ 340 Les objectifs : ambiguïté ou flexibilité ?........................................................... 342 Linégale mobilisation des moyens................................................................... 345 Des résultats plutôt encourageants mais difficiles à interpréter ........................ 348
Enseignements et recommandations............................................................. 354
Les effets contrastés de lexceptionnalité ......................................................... 355 Les recommandations de linstance .................................................................. 360
Annexe 1 : Composition de linstance ......................................................................... 371
Annexe 2 : Cahier des charges de linstance .................................................................................. 373 Actualisation des objectifs de lévaluation (mai 2001) ................................................ 389 Annexe 3 : Liste des personnes auditionnées en séance plénière par linstance dévaluation ........................................................................................... 397
Annexe 4 : Contributions des associations ............................................................... 401 Questionnaire destiné à guider la contribution attendue des associations .................... 403 Contribution de lassociation Act Up Paris .................................................................. 405 Contribution de lassociation AIDES........................................................................... 413 Contribution de lassociation ARCAT sida.................................................................. 419 Contribution de lassociation Les Élus locaux contre le sida (ELCS).......................... 425
Annexe 5 : Synthèse des trois études principales demandées par linstance............................ 429 ORS/Île-de-France Lenquête KAPB Les connaissances, attitudes, croyances et comportements face au vih/sida en France en 2001 .............................................................................. 431
INSERM Enquête sur la situation sociale des personnes vivant avec le vih/sida et les réponses apportées par le système de soins et les services sociaux .................... 445
IUMSP (Lausanne) Comparaison internationale des résultats des politiques de lutte contre le vih / sida ............................................................................................................................... 461
Annexe 6 : Résumé des propositions du rapport Montagnier ...................................... 473 Annexe 7 : Liste des sigles utilisés............................................................................... 481 Annexe 8 : Liste des graphiques et des tableaux .......................................................... 485
Lévaluation de la politique de lutte contre le sida a été mise en uvre à partir de janvier 2000, dans le cadre du programme arrêté par le Premier ministre, sur proposition du Conseil national de lévaluation. La demande dévaluation émanait du ministère de la Santé, qui éprouvait le besoin de porter un regard extérieur sur une politique pionnière à bien des égards en matière de santé publique.
Un certain nombre dévolutions organisationnelles ont, en effet, été décidées au milieu des années quatre-vingt-dix, des orientations stratégiques ont été définies sur une base pluriannuelle en matière de prévention, daccès aux soins, de prise en charge sociale des personnes atteintes.
Apprécier la mise en uvre de cette organisation et des résultats dune programmation stratégique en matière de santé aurait pu être, à soi seul, un objectif pertinent de lévaluation. Lintroduction des trithérapies en 1996 a cependant ajouté à lintérêt de lexercice et à sa complexité. Cette «révolution thérapeutique» a en effet modifié les contours de la politique de prévention et de prise en charge ; elle a obligé à revoir les priorités en termes de populations cibles ; elle a aussi contraint le système épidémiologique à se restructurer.
À travers lexamen de la politique sur la période 1994-2000, voire jusquen 2001 sur certains aspects, linstance dévaluation a eu la possibilité dobserver ces restructurations, ces réorientations et les résistances quelles ont pu susciter.
Les équipes chargées de cette politique ont connu une certaine instabilité ; la mesure des résultats na pas toujours été, loin sen faut, la préoccupation première dacteurs administratifs soucieux de répondre dans lurgence aux attentes des personnes atteintes et des associations ; lobsolescence du système
- Avant-propos -
dobservation épidémiologique a contribué aux difficultés intrinsèques dune évaluation dactions de prévention.
Ces problèmes navaient pas été anticipés au moment de linstruction du projet dévaluation. Ils ont conduit, en conscience, le premier président de linstance, Pierre Ducimetière, à me remettre son mandat en septembre 2000, après des mois de travail intense, pour lequel je voudrais à nouveau le remercier ici. La relance des travaux sous la responsabilité de Christian Rollet ne sest pas faite immédiatement. Il me fallait en effet massurer de limplication du commanditaire principal et de la possibilité dachever lévaluation dans des délais raisonnables. Le résultat auquel linstance a abouti prouve que lexercice était possible et particulièrement utile. Que le président, Christian Rollet, son équipe de rapporteurs, les membres de linstance et lensemble des contributeurs extérieurs mobilisés par linstance en soient ici chaleureusement remerciés.
La prolongation involontaire des travaux de linstance et de la période sous revue a permis de donner plus de profondeur à lévaluation, de juger de lachèvement dun certain nombre dévolutions, notamment grâce aux résultats des études commandées à plusieurs organismes de recherche. Le rapport comporte ainsi des avancées importantes sur la pratique de linterministérialité et de la déconcentration, sur les relations entre ladministration centrale et un certain nombre détablissements publics, sur la gestion des relations contractuelles entre les pouvoirs publics et les acteurs associatifs. Il fait aussi progresser la réflexion en matière de pilotage dune politique de communication et de prévention. Il souligne les disparités de la prise en charge, tant en termes de capacités dinnovation des dispositifs publics quen termes de populations concernées.
Par ces analyses sans concession, le rapport dévaluation apporte une contribution importante à la mise en uvre dune politique de lutte contre le sida plus juste et plus efficiente ; il permet aussi dapprécier les possibilités de transposition des pratiques et des institutions à dautres maladies ; il indique enfin les voies dun pilotage plus précis de laction publique, à travers le système dinformation à mettre en place et les évaluations à développer. Ce concours apparaît particulièrement précieux à un moment où le gouvernement envisage la mise en uvre dune loi quinquennale de programmation en santé publique.
Préface par
Christian Rollet président de linstance dévaluation
Le choix de la politique de lutte contre le sida comme objet dévaluation se comprend aisément. Dès le début des années quatre-vingt, il est apparu que cette maladie mettait en échec le modèle médico-technique dominant chez les professionnels de santé ; à travers une revalorisation de la prévention et une participation accrue des malades et de leur entourage à la mise en uvre de la lutte contre le sida, une approche de santé publique a émergé ; le concept de «sécurité sanitaire» est apparu. Ladministration a changé ses méthodes de travail.
Lanalyse de ces phénomènes dans la société française de la fin des années quatre-vingt-dix a été jugée spécialement pertinente par le ministère de la Santé, qui a proposé ce sujet dévaluation au Conseil national de lévaluation et au Premier ministre.
Pourtant, lexercice sest révélé particulièrement difficile, comme on pouvait sy attendre. La définition très large de la politique, les faiblesses de linformation sanitaire pertinente et labsence dindicateurs ont constitué des obstacles lourds à surmonter ; la démission du président de linstance, en septembre 2000, son remplacement, en avril 2001, et le renouvellement des rapporteurs ont allongé et perturbé le déroulement des travaux.
«Lobjet et les conditions de réalisation de lévaluation»sont ainsi présentés brièvement dans le chapitre 1.
La période étudiée 1994-2000 sest évidemment révélée riche denseignements.
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Préface --
La mise à disposition, en 1996, de nouveaux traitements beaucoup plus efficaces a profondément modifié la nature de lépidémie et des moyens de lutte. Létude de la capacité des acteurs à réagir à la situation nouvelle est apparue comme un élément important de lévaluation.
Ce tournant dans lhistoire de la maladie na pas été accompagné dune refonte spectaculaire du «programme à cinq ans» de février 1995, support principal de la politique. Une inflexion des objectifs et une évolution des pratiques ont pu néanmoins être observées et la dynamique de la prévention a été préservée.
«Un programme, deux époques»: tel est lobjet du deuxième chapitre.
Pour lutter contre le sida, les pouvoirs publics ont mobilisé des moyens importants et ladministration sest dotée dune organisation innovante combinant spécialisation, interministérialité et déconcentration ; le sida a fait lobjet dun traitement exceptionnel qui apparaît pourtant, avec le recul, reproductible, au moins en partie.
La stratégie publique en matière de lutte contre le sida sest heurtée à deux limites principales, qui ne sont dailleurs pas propres à ce domaine.
Le pilotage de la politique a fait preuve de quelques ambiguïtés, par exemple dans le partage des rôles entre les instances politiques et administratives et dans les relations entre lÉtat et les associations ; sur ce dernier point, il a été observé à la fois une recherche active de collaboration avec le milieu associatif et une difficulté à encadrer, dans la durée, les objectifs et les moyens financiers assignés par ladministration à ses partenaires ; cette situation na évidemment rien de spécifique à la lutte contre le sida.
En outre, les outils daide à la décision ont largement fait défaut : les données indispensables, sur la séropositivité en particulier, ont manqué et manquent encore ; les indicateurs pertinents nont pu être renseignés ; le suivi des actions déconcentrées est resté lacunaire. Là encore, ces faiblesses ne sont pas propres au domaine étudié.
«Une stratégie publique innovante mais parfois limitée»: le chapitre 3 est consacré à cette approche.
La prévention, présentée souvent, à juste titre, comme le parent pauvre de la politique de santé, a constitué le cur des actions de lutte contre le sida ; elle le reste, même si les traitements font évoluer son rôle. Léducation à la santé, la