Rapport d information déposé (...) par la commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d une mission d information constituée le 28 janvier 2009, sur « Aide au développement : quel équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme ? »
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Rapport d'information déposé (...) par la commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d'une mission d'information constituée le 28 janvier 2009, sur « Aide au développement : quel équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme ? »

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La Mission d'information de la commission des affaires étrangères s'interroge dans ce rapport sur l'évolution de la politique d'aide publique au développement (APD), compte tenu notamment de la place actuelle consacrée à cette politique en France, et des transformations intervenues à l'échelle internationale. Le rapport s'intéresse plus particulièrement à la question de l'équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme.

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Publié le 01 décembre 2010
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Extrait

 
 ______    ASSEMBLÉE NATIONALE  CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958  TREIZI ÈME LÉGISLATURE  Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2010.   
R A P P O R T D ’ I N F O R M A T I O N   DÉPOSÉ  en application de l’article 145 du Règlement 
 
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 28 janvier 2009(1),
 
sur« Aide au développement : quel équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme ? »
 
 
Président M. JEAN-PAULBACQUET
 Rapporteure MMENICOLEAMELINE
 
Députés   __________________________________________________________________  (1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
 
La mission d’information « Aide au développement : quel équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme » est composée de: M. Jean-Paul Bacquet, président, Mme Nicole Ameline, rapporteure, Mme Chantal Bourragué, MM. Loïc Bouvard, Jean-Louis Christ, Alain Cousin, Jean-Paul Dupré, Jean-Paul Lecoq, François Loncle, Jean-Luc Reitzer, Michel Terrot.
 
 
— 3 —
 
 
 
 
 
 
SOMMAIRE ___   
Pages  
INTRODUCTION............................................................................................................... 7 I – L AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT : UNE TRANSITION HISTORIQUE... 9
A – L’AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT : LES CONSTANTES, D’HIER A AUJOURDHUI........................................................................................................... 9
1) De la Guerre froide à la stabilité du monde, un fil conducteur : l'APD, politique d’intérêts nationaux et de sécurité................................................. 10
a) L’aide publique au développement, un instrument de politique étrangère.... 10
b) La dimension sécuritaire de l’APD................................................................ 13
c) Le renforcement de l’approche sécuritaire après le 11 septembre................ 15
2) L'APD comme solidarité internationale......................................................... 19
a) La solidarité du Nord envers le Sud, pilier de l’aide...................................... 19
b) L’opportunité des Objectifs du Millénaire pour le Développement............... 22
c) La base des engagements financiers des donateurs........................................ 25
d) Septembre 2010 : la réaffirmation de la solidarité internationale aux deux tiers du chemin............................................................................................... 27 B – LES ENJEUX COLLECTIFS D’UN MONDE EN MUTATION........................................ 28
1) Globalisation et Biens Publics Mondiaux...................................................... 28
2) L’Afrique, émergente ou explosive................................................................ 29
a) L’Afrique comme creuset des défis de l’avenir............................................... 30
b) Problématiques africaines et sécurité commune............................................ 31
3) La question des pays émergents................................................................... 33
4) Les financements du développement........................................................... 35
a) Tenir les engagements.................................................................................... 36
b) Besoins et modalités de financements du développement............................... 38
— 4 — C – PROBLEMATIQUES D’UNE GOUVERNANCE MONDIALE DU DEVELOPPEMENT, REPONSE COLLECTIVE AUX ENJEUX DU XXIESIECLE........................................... 40 1) Le paradigme contemporain de l’efficacité et ses incidences................... 42 a) Une thématique inévitable…........................................................................... 42
b) … et aujourd’hui universelle.......................................................................... 45
2) Les nouveaux acteurs de l’aide au développement.................................... 49 a) La multiplicité des acteurs internationaux : état des lieux............................. 50 b) Une réalité qui modèle la problématique du bilatéralisme et du multilatéralisme.............................................................................................. 52 3) Les nouveaux lieux de la gouvernance de l’aide......................................... 54 a) De G8 en G20................................................................................................. 54
b) Le rôle et l’ambition de la France.................................................................. 57
D – POSER LES TERMES DU DEBAT POUR DEMAIN.................................................... 59
1) Les éléments de la discussion....................................................................... 60 a) De quelques avantages et inconvénients respectifs du bilatéralisme et du multilatéralisme.............................................................................................. 60 b) Un point de consensus : bilatéralisme et multilatéralisme sont complémentaires............................................................................................. 63 c) Qu’en pensent les bénéficiaires ?................................................................... 65 2) Prendre date pour demain.............................................................................. 68 a) L’obsolescence de certaines préoccupations dans un monde changeant....... 68
b) Redonner la priorité au politique................................................................... 70 II – REGARDS SUR LA POLITIQUE D AIDE DE LA FRANCE..................................... 73 A – LA FRANCE, ACTEUR MAJEUR DE LA COMMUNAUTE DES BAILLEURS................. 73 1) Des financements considérables................................................................... 73
a) La France, un des tout premiers contributeurs.............................................. 73
b) Des effets d’affichage...................................................................................... 75
2) Une aide mondiale........................................................................................... 81 a) Une aide dispersée.......................................................................................... 82 b) Un souci louable de concentration géographique…...................................... 83 c) … qui tarde néanmoins à prendre effet........................................................... 85
3) Une offre sectorielle étendue.......................................................................... 88 a) La question des secteurs d’intervention.......................................................... 89
b) Un effort de concentration lent à se mettre en oeuvre.................................... 90
4) Un rôle moteur dans la communauté internationale................................... 93 a) La promotion de nouvelles thématiques......................................................... 93
b) Les financements innovants............................................................................ 94
—
 5 —
B – DES INSTRUMENTS OBJECTIVEMENT DESEQUILIBRES........................................ 96
1) Y a-t-il un pilote dans l’avion ?....................................................................... 96 a) Une architecture qui gagnerait à être resserrée............................................ 96
b) La coordination sur le terrain........................................................................ 99
2) Le déséquilibre de nos instruments............................................................... 100 a) L’AFD, banque du développement................................................................. 100
b) L’incidence géographique des choix effectués............................................... 102 c) L’incidence sectorielle des choix effectués : le cas de l’eau et de l’ ssainissement 104............... ............................................... a................................ 3) Le choix résolu du multilatéralisme............................................................... 108 a) Multilatéralisme vs. bilatéralisme : l’état de la question............................... 108
b) Un multilatéralisme dans lequel quelques privilégiés…................................ 111
c) … Etouffent quelques parents pauvres............................................................ 114
d) Des moyens bilatéraux aujourd’hui en état critique...................................... 116
C – L’INCIDENCE DES DESEQUILIBRES SUR NOTRE APD........................................... 119
1) Existe-t-on vraiment dans le système multilatéral ?................................... 120 a) Les effets d’un multilatéralisme insuffisant.................................................... 120
b) Qu’en est-il de nos moyens d’influence au sein du multilatéralisme ?.......... 122 2) Les conditions perdues d’un bilatéralisme influent..................................... 126 a) Les effets du manque de pilotage politique..................................................... 126 b) Des déséquilibres au sein du bilatéralisme qui risquent de dénaturer notre aide................................................................................................................. 127
III – FAIRE DU DEVELOPPEMENT UN ELEMENT STRUCTURANT DE NOTRE POLITIQUE ETRANGERE............................................................................................... 131 A – POUR UNE COOPERATION AU DEVELOPPEMENT QUI SOIT UNE VERITABLE POLITIQUE................................................................................................................ 131 1) Pour une ambition mieux partagée................................................................ 132 a) Définir une politique....................................................................................... 132
b) Donner toute sa place au Parlement.............................................................. 134
c) Mieux coordonner la coopération décentralisée............................................ 139 d) Assurer une meilleure communication interne et externe.............................. 140 2) La réflexion stratégique de la France............................................................ 143 a) Le Document cadre français de coopération au développement.................... 143
b) La stratégie française pour la politique européenne de développement........ 146
B – RENFORCER LA COHERENCE DE NOS POLITIQUES............................................. 148 1) Mettre nos instruments de coopération en accord avec nos stratégies et objectifs.......................................................................................................... 149
— 6 — 2) Améliorer la cohérence intrasectorielle : l’exemple de la santé................ 151 a) La structure de nos financements…................................................................ 151
b) … traduit une cohérence surtout politique..................................................... 153 C – LES INSTRUMENTS D’UNE AMBITION..................................................................... 155 1) Faire le deuil d’un certain bilatéralisme sans oublier de retrouver de nouvelles marges de manoeuvre................................................................... 155 a) La voie étroite du rééquilibrage..................................................................... 155
b) Nos principaux partenaires nous montrent le chemin.................................... 159
2) Saisir l’opportunité européenne..................................................................... 162 a) La question du cadre européen de notre coopération au développement : une démarche essentielle................................................................................ 162
b) Savoir tirer profit d’une évolution favorable dans l’ensemble européen....... 165
c) Retrouver des marges de manœuvre sur nos financements européens........... 167
3) Les voies d’un multilatéralisme efficace....................................................... 169
a) Mieux investir le multilatéralisme.................................................................. 169
b) Structurer une nouvelle articulation entre le bilatéral et le multilatéral....... 173
CONCLUSION.................................................................................................................. 179
SYNTHESE DES RECOMMANDATIONS FORMULEES PAR LA MISSION D INFORMATION............................................................................................................. 181
EXAMEN EN COMMISSION............................................................................................ 185
ANNEXES......................................................................................................................... 195 Liste des personnalités rencontrées.................................................................................. 197
 
    
Mesdames, Messieurs,
— 7 —
La France est généreuse. Le fait qu’elle soit aujourd’hui le deuxième bailleur, en volume, d’aide publique au développement derrière les Etats-Unis, le prouve amplement. Cela mérite d’autant mieux d’être souligné que les temps sont durs. Mais« réduire nos déficits publics sur le dos des populations les plus pauvres du monde »,pour reprendre la formule récente de David Cameron, serait de très mauvaise politique. En d’autres termes, diminuer les financements, certes considérables, que notre pays consacre chaque année à l’aide publique au développement serait, aux yeux de votre Rapporteure, une faute et une erreur.
Car le monde a changé. Il continue de changer, de plus en plus vite, et ce changement nous impose, qu’on le veuille ou non, de mesurer les effets de la mondialisation sur le continent le plus pauvre, à quelques dizaines de kilomètres de l’Europe. L’Afrique représentera demain un ensemble de plus d’un milliard et demi d’habitants. On ne peut pas ne pas tenir compte de ces réalités, de cette proximité, qui nous obligent tout à la fois à maintenir haut notre solidarité avec les pays africains et à nous engager résolument avec eux dans des relations renouvelées de partenariat.
Cette réalité est une donnée majeure et le contexte de crise que nous traversons aujourd’hui ne doit pas nous inciter à relâcher nos politiques de coopération au développement. Tout au contraire, devons-nous, ainsi que le Premier ministre britannique le soulignait, maintenir cet effort afin de continuer d’accompagner les pays pauvres sur la voie du développement et de la croissance. Il s’agit tout à la fois d’une question élémentaire de solidarité mais aussi de la prise en compte de notre propre intérêt national.
Néanmoins, chacun sent bien que la politique d’aide de notre pays souffre de certains déficits : de visibilité et d’influence, notamment, et chacun s’interroge sur son efficacité et sa cohérence. De fait, ces dernières années, la France semble avoir fait le choix d’instruments de coopération qui peuvent donner le sentiment d’un certain effacement : elle continue d’être active et présente, mais différemment, et sans que l’on sache vraiment si ses priorités géographiques et sectorielles sont respectées par les institutions auxquelles elles confient une grande part des moyens qu’elle y consacre.
C’est ce qui a motivé la constitution de cette Mission d’information de la commission des affaires étrangères sur l’équilibre à retrouver entre multilatéral et bilatéral, dès lors que qu’on y voit la cause première de cet effacement.
— 8 —
Consécutivement, il était nécessaire de se pencher sur l’architecture de notre politique pour identifier quels choix avaient pu être les plus déterminants pour conduire à cette situation d’autant moins satisfaisante que la crise budgétaire impose à toutes les politiques publiques des révisions difficiles.
Ces considérations de départ justifiaient en premier lieu, depuis une approche en partie historique, de débattre des avantages et inconvénients respectifs des divers instruments, et surtout d’analyser la nature des enjeux contemporains de l'APD qui en ont considérablement modelé l’architecture : les problématiques et l’environnement international de l’aide ont été bouleversés en quelques années et elle n’a pas échappé aux changements que connaît le monde actuel.
Sur cette toile de fond, il fallait analyser l’ensemble des aspects de notre politique avant de proposer une réflexion et des recommandations sur les perspectives d’avenir d’une politique qui doit résolument s’inscrire dans la mondialisation et sur les voies du rétablissement, articulées sur les questions fondamentales de l’efficacité et de la cohérence de notre politique de coopération, plus que d’aide, au développement, comme de sa visibilité et de son influence.
 
— 9 —
I – L’AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT : UNE TRANSITION HISTORIQUE
« Il est fondamental de donner une nouvelle impulsion à notre politique d’aide au développement. Celle-ci doit être plus efficace, plus lisible, plus stratégique. Elle doit rechercher et atteindre des résultats concrets et visibles. »(1) On ne saurait aborder la question de l’équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme sans avoir une claire conscience de ce qu’est l’aide au développement, de ce que sont ses rôles et potentialités. Il est par conséquent important de revenir sur les caractéristiques fondamentales de cette politique publique qui repose traditionnellement sur deux piliers qui lui ont toujours été liés, et sans doute aujourd’hui plus que jamais.
Cette réalité influe directement sur la réponse que l’on entend donner à la question posée à la Mission d’information : On ne pourra définir un autre, ou un meilleur, équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme, instruments au service d’une politique, sans avoir préalablement une vision précise des objectifs de notre politique d’aide publique au développement (APD). Que celle-ci soit actuellement d’une très grande complexité n’aide assurément pas à trancher le débat, mais la lisibilité et l’efficacité de notre action que le Président de la République et le Premier ministre appelaient de leurs vœux en 2007 ne pourront se mesurer sans faire l’économie d’une réflexion sérieuse sur la finalité de ces mécaniques d’aide au développement.
Le fait que l'APD soit l’objet depuis maintenant une décennie d’une ample réflexion de la part de la communauté internationale quant à sa nature et à ses finalités, qu’elle ait vécu de profondes transformations sont des éléments essentiels à prendre en compte dans le cadre de ce travail.
A – L’aide publique au développement : les constantes, d’hier à aujourd’hui
Si l’aide publique au développement est la traduction de la solidarité que les pays riches manifestent aux pays du Sud, un retour en arrière permet de resituer les circonstances historiques particulières de l’invention de cette politique publique en
                                            (1) « Lettre de mission de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et François Fillon, Premier ministre, adressée à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes », 27 août 2007, in « La France et l’Europe dans le monde, Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, 2008-2020 », sous la présidence d’Alain Juppé et Louis Schweitzer, Annexe 1, page 181 ; La Documentation française, 2008.
— 10 — Occident. Il en ressort que l’APD n’est pas que l’expression de cette seule solidarité, ni cette obligation morale face à une pauvreté insupportable. Elle est avant tout la manifestation de l’intérêt bien compris des pays riches.
1) De la Guerre froide à la stabilité du monde, un fil conducteur : l'APD, politique d’intérêts nationaux et de sécurité
L’aide publique au développement n’est pas exclusivement mue par des considérations d’ordre humaniste ou altruiste. La solidarité envers les plus pauvres, pour essentielle et centrale qu’elle soit dans les politiques d’aide, n’a en effet jamais constitué la préoccupation unique des pays donateurs, si tant est qu’elle ait même été la première. L’aide publique au développement a au contraire toujours concomitamment rempli une autre fonction, tout aussi importante pour les bailleurs,celle de contribuer, à sa mesure, à leur propre sécurité. Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, cette dimension sécuritaire continue de marquer de son influence l’évolution des politiques.
étrangère
a) L’aide publique au développement, un instrument de politique
Comme de nombreux auteurs l’ont souligné à maintes reprises, l’invention de l’aide au développement est inséparable de la fin de la Seconde Guerre mondiale, de la reconstruction de l’Europe et de la division du monde en deux blocs.
Le Plan Marshallsouvent considéré comme le moment fondateur est des politiques d’aide au développement. S’il a permis le relèvement de l’Europe, et tout particulièrement de la France, deuxième bénéficiaire du Plan derrière le Royaume-Uni, il a aussiposé les bases concrètes du multilatéralismeen matière d’aide publique au développement, avec la création de l’Organisation européenne pour la coopération économique, ancêtre de l’OCDE, destinée à la gestion et la répartition des fonds alloués. Il a surtout coïncidé avec les débuts de la Guerre froide, et par conséquent avec la politique américaine d’endiguement du communisme et la nécessité pour les Etats-Unis de montrer la supériorité du modèle capitaliste et libéral. C’est le sens du discours d’Harvard de juin 1947 de George Marshall pour lequel cette politique d’aide« contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos » pour but la renaissance de l’économie permettant avait l’émergence de conditions politiques et sociales propres à des institutions libres. Le secrétaire d’Etat américain précisait qu’il était donc logique que les Etats-Unis fassent ce qu’ils pouvaient pour contribuer au retour à la prospérité économique dans le monde, sans laquelle il ne pouvait y avoir ni stabilité politique ni paix assurée. 
En aidant l’Europe à se relever des dommages de la guerre, les Etats-Unis s’aidaient eux-mêmes, investissaient, et défendaient leurs intérêts politiques, économiques et stratégiques à long terme. Les questions de sécurité nationale vont
— 11 — d’ailleurs à se point dominer les débats américains que cette époque est aussi celle de la mise en balance de l’aide économique avec l’aide militaire.
C’est une démarche comparable qui animera la France et le Royaume-Uni quand ils mettront en place une aide au développement à l’aube des indépendances de leurs colonies respectives. On a ainsi pu faire remarquer la parfaite continuité administrative entre l’administration de la « France d’Outre-mer » et les services naissants de la coopération, les administrateurs de la FOM devenant du jour au lendemain assistants techniques des jeunes gouvernements africains indépendants. De même, au Royaume-Uni, le Département de la coopération technique fut-il tout autant composé dans ses débuts de fonctionnaires issus du Colonial Office(1).
Cette période est aussi celle de la signature entre la France et ses anciennes colonies de nombreux accords de coopération comportant chacun des volets permettant à la France de conserver une présence militaire. Comme le précise l’étude précitée, la coopération française« naît des indépendances africaines et se présente comme un cadre de substitution, imposé à ces territoires dès avant leur autonomisation formelle, permettant à la France de préserver plus longtemps ses intérêts et son autorité sur eux »,le Premier ministre, Michel Debré, précisant au général de Gaulle qu’il s’agissait d’éviter à tout prix que« ces Etats soient indépendants, sans aucune obligation à notre égard. »(2).
Cet aspect de l’aide au développement commeinstrument de politique étrangère est parfois même dominant chez certains des principaux bailleurs. C’est notamment le cas duJapon, qui a depuis la fin des années 1970 développé une conception en termes de « sécurité globale », qui structure sa politique étrangère, au-delà de ses seuls aspects militaires ou diplomatiques, en prenant en compte l’ensemble des différents facteurs économiques, sociaux ou environnementaux qui participent à la stabilité du monde. L'APD japonaise est définie« comme l’un des outils les plus adaptés à cette approche de " sécurité globale ", son rôle n’est pas remis en cause jusqu aux années 1990. » (3). Si cette conception initiale a évolué au fil de l’adoption de « chartes de l'APD » successives, en 1992 puis en 2003, l’accent ayant progressivement été mis sur la dimension humaine du développement, il n’en reste pas moins quela « tendance majeure qui transparaît dans les réformes actuelles est une prise en compte croissante de l’intérêt national dans la politique d’APD. » (4).
                                            (1) François Pacquement, « Le système d’aide au développement de la France et du Royaume-Uni : poins de repères sur cinquante ans d’évolutions depuis la décolonisation. » Revue internationale de politique de développement, n° 1, 2010, 24 pages. (2) Julien Meimon, ibid., page 22. Citation extraite d’une lettre du 21 avril 1961 de Michel Debré au général De Gaulle ; Fonds Michel Debré, CHEVS 2 DE 30. (3) Julien Kita, « L’Aide publique au développement japonaise et l’Afrique : vers un partenariat fructueux? », IFRI, septembre 2008, page 6. (4) Ibid.
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