Rapport d'information fait au nom de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC)
L'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) a été créé en 1998, succédant à l'établissement public du Grand Louvre. Cet établissement public, travaillant sous mandat gratuit, est le premier opérateur du ministère de la culture et de la communication en matière de travaux immobiliers. Ce rapport décrit l'activité et les métiers de l'EMOC, ainsi que le financement et les résultats de son activité. Il s'interroge sur les dépassements de l'enveloppe financière, qui se montent en 2007 à 73,9 millions d'euros et sur les retards de réalisation des chantiers (9 mois pour l'extension de la Cité de la Musique, 45 mois pour la Cinémathèque). Il constate un transfert de responsabilités imparfait dans le cadre de la maîtrise d'ouvrage qui lui est confiée : cet état de fait explique la performance contrastée de ses travaux et engage la responsabilité des ensembles indissociables que constituent les cabinets ministériels, les directions d'administrations centrales et les utilisateurs finaux des grands équipements culturels. En annexe, on trouve le rapport de la Cour des comptes, effectué en application des dispositions de l'article 58-2° de la LOLF.
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Extrait
N° 382
S É N A T
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juillet 2007 RAPPORT DINFORMATION FAIT au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur lenquêtede laCourdescomptesrelative à lÉtablissement public demaîtrise douvrage destravaux culturels(EMOC),Par M. Yann GAILLARD, Sénateur.
( 1 ) C e t t e c o m m i s s i o n e s t c o m p o s é e d e : A r t h u i s , J e a nM .p r é s i d e n t ; B e l o t , C l a u d e M M . M a r c M a s s i o n , D e n i s B a d r é , Th i e r r y F o u c a u d , A y me r i d e M o n t e s q u i o u , Y a n n G a i l l a r d , J e a n - P i e r r e M a s s e r e t , J o ë l B o u r d i n ,s i d e n t sv i c e - p r é d n o t , M me F . P h i l i p p e A ; M M M . i c h e l K a b i e n n e M e l l e r , M o r e i g n e , F r a n ç o i s T r u c y ,s e c r é t a i r e s M a r i n i , P h i l i p p e M . ; g é n é r a lr a p p o r t e u r n g e l s , A e r n a r d B M . M ; B e r t r a n d A u b a n , M me M a r i e - F r a n c e B e a u f i l s , M . R o g e r B e s s e , M me N i c o l e B r i c q , M M . A u g u s t e C a z a l e t , M i c h e l C h a r a s s e , Y v o n C o l l i n , P h i l i p p e D a l l i e r , S e r g e D a s s a u l t , J e a n - P i e r r e D e me r l i a t , E r i c D o l i g é , A n d r é F e r r a n d , J e a n - C l a u d e F r é c o n , Y v e s F r é v i l l e , P a u l G i r o d , A d r i e n G o u t e y r o n , C h a r l e s G u e n é , C l a u d e H a u t , J e a n - J a c q u e s J é g o u , A l a i n L a mb e r t , G é r a r d L o n g u e t , R o l a n d d u L u a r t , F r a n ç o i s M a r c , M i c h e l M e r c i e r , G é r a r d M i q u e l , H e n r i d e R a i n c o u r t , M i c h e l S e r g e n t , H e n r i T o r r e , B e r n a r d V e r a .
I. LACTIVITÉ ET LES MÉTIERS DE LEMOC...................................................................... 9
A. LEMOC DANS LORGANISATION DE LA MAITRISE DOUVRAGE DU MINISTÈREDELACULTURE...............................................................................................91. Un établissement constructeur professionnel, dont la gratuité des mandats pose des questions..............................................................................................................................9...2. Le niveau dactivité future de lEMOC est incertain............................................................... 103. Une carence évidente de vision stratégique............................................11.................................B. LE FINANCEMENT ET LES RÉSULTATS DE LACTIVITÉ DE LEMOC ............................ 121. La nécessité dapurer les opérations sous convention de mandat............................................ 122. Un équilibre financier assez fragile................13........................................................................II. LA PERFORMANCE CONTRASTÉE DE LEMOC............................................................ 15
A. LES CONDITIONS DEXERCICE PAR LEMOC DE LA MAITRISE DOUVRAGE DÉLÉGUÉE...............................................................................................................................151. La qualité de lexécution technique doit être nuancée............................................................. 152. Les dépassements des enveloppes initiales et des délais de réalisation................................... 153. Lapplication de la réglementation nest pas satisfaisante...................................................... 16
B. LES CAUSES DE CETTE PERFORMANCE CONTRASTÉE ................................................... 161. La sous-évaluation chronique du coût des chantiers............................................................... 162. Une complexité juridique mal maîtrisée et une insuffisante implication opérationnelle de lEMOC....................................................1...7.......................................................................3. Linstabilité souvent injustifiée des programmes..................................................................... 17C. LES PERSPECTIVES DAMÉLIORATION .............................................................................. 18
TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION DE M. JEAN PICQ, PRÉSIDENT DE LA 3èmeCHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES, M. JEAN-CLAUDE DUMONT, PRÉSIDENT DE LÉTABLISSEMENT PUBLIC DE MAÎTRISE DOUVRAGE DES TRAVAUX CULTURELS (EMOC), MME MARTINE MARIGEAUD, DIRECTRICE DE LADMINISTRATION GÉNÉRALE AU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET M. ARNAUD ROFFIGNON, CONSEILLER TECHNIQUE AU CABINET DU MINISTRE..................................................................21...........
ANNEXE : COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LETABLISSEMENT PUBLIC DE MAÎTRISE DOUVRAGE DES TRAVAUX CULTURELS (EMOC)................................. 41
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AVANT-PROPOS
En application des dispositions de larticle 58-2° de la LOLF, notre collègue, le président Jean Arthuis, a, par lettre en date du 3 octobre 2006, demandé à la Cour des comptes de procéder à une enquête surlactivité et la performance de létablissement public de maîtrise douvrage des travaux culturels (EMOC). Cette enquête a été communiquée à votre commission des finances le 29 mai 2007. Comme cela est la règle, elle a fait lobjet dune audition « pour suite à donner » ouverte à la presse, le 11 juillet 2007, à laquelle ont été conviés les membres de la commission des affaires culturelles. La communication de la Cour des comptes sinscrit dans uncontexte particulier. Lesecteur du patrimoine est en crisedepuis quelques années. Le ministère de la culture a pendant longtemps sous-consommé les crédits que lui allouait le Parlement au titre de la restauration du patrimoine. Sen est suivi un double mouvement dannulation des crédits de paiement non consommés, et dincitation des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) à ouvrir des chantiers pour consommer les crédits. Dès 2003, et surtout en 2004, des tensions sont apparues et les impayés du ministère de la culture se sont élevés à 70 millions deuros, mettant les entreprises chargées de la restauration du patrimoine dans une situation difficile, entraînant des crises de paiement dans de nombreuses régions, ainsi que larrêt des travaux de restauration entrepris. Pour résoudre cette crise, 31 millions deuros ont été ouverts en loi de finances rectificative pour 2004, environ 20 millions deuros de charges ont été reportées sur la gestion 2005, et 20 millions deuros ont été redéployés depuis ladministration centrale du ministère vers les DRAC, dont 17 millions deurosprovenant des crédits de létablissement public de maîtrise douvrage des travaux culturels. En 2005, la gestion de la crise du patrimoine na pas été pleinement satisfaisante. De nombreux chantiers de conservation ou de restauration du patrimoine monumental ont été arrêtés ou repoussés. La loi de finances pour 2006 a prévu de verser à lEMOC, au titre du compte daffectation spéciale « Produits de cession de titres, parts et droits de sociétés »100 millions deuros, sous forme dedotation en capital. LEMOC a ainsi bénéficié, au titre de la gestion2005, des recettes issues de la privatisation des sociétés dautoroutes. Lutilisation de ces crédits, telle quelle était prévue lors de lexamen du projet de loi de finances pour 2006, est présentée dans le tableau suivant :
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Répartition de la dotation en capital versée à lEMOC au bénéfice des investissements patrimoniauxduministèredelacultureetdelacommunication(en millions deuros) Projets Montant Grand-Palais, restauration des façades et mise en sécurité 9 Palais de Chaillot, Cité de larchitecture et du patrimoine 19,85 MUCEM*, Fort Saint-Jean 2,33 Schéma directeur de Versailles** 10,7 Musée de lorangerie 7,64 Union centrale des Arts décoratifs 12,92 BnF, quadrilatère Richelieu 0,6 Cinémathèque française 12,56 Théâtre national de lOdéon 5,11 Ecole darchitecture de Nantes 15 Cité nationale de lhistoire de limmigration, Palais de la Porte Dorée 1 Immeuble des Bons Enfants 3,28 Total 100 * Musée des civilisations de lEurope et de la Méditerranée. ** Ces crédits sont gérés directement par létablissement public du musée du domaine national de Versailles.Source : ministère de la culture et de la communication Votre commission des finances sétait alors interrogée surles mouvements de crédits successifs relatifs à lEMOC et sur leur efficacité. Lordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés a organisé uneréforme globale de la maîtrise douvrage et de la maîtrise duvredes travaux réalisés sur les édifices classés. Celle-ci prévoit : - de recentrer lEtat sur ses missions de contrôle des travaux de conservation, de restauration et dentretien des immeubles protégés ; - de responsabiliser le propriétaire ou laffectataire domanial du monument classé inscrit, qui, à compter du 1er janvier 2008 au plus tard, sera maître douvrage des travauxentrepris et sera responsable du choix du maître duvre. Larticle 48 de la loi de finances pour 20071 au affecteCentre des monuments nationaux, à compter du 1erjanvier, une fraction égale à 25 % du produit de la taxe instituée au profit de lEtat par le III de larticle 95 de la loi de finances rectificative pour 2004, cest-à-dire les droits de mutation à titre onéreux dimmeubles et titres immobiliers, dans la limite annuelle de 70 millions deuros. Votre commission des finances sest longuement interrogée sur limpact de cette réforme, et de ses conséquences surléquilibre de la maîtrise douvrage assuré par différents services de lEtat ou
12006 de finances pour 2007. La mesure prévue par du 21 décembre 2006-1666 n° Loi larticle 48 de la loi de finances pour 2007 est valable rétroactivement pour lannée 2006.
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établissements publics culturelsIl lui a semblé quil serait sans doute. nécessaire de réfléchir à lacohésion de lensemble des acteursconcernés, que sont le Centre des monuments nationaux, le service national des travaux, les DRAC, et plus précisément les conservations régionales des monuments historiques (CRMH), mais aussi lEMOC. LEMOC a succédé à létablissement public du Grand Louvre (EPGL). Il est le premier opérateur du ministère de la culture et de la communication en matière de travaux immobiliers. Il conduit certains dentre eux en qualité demaître douvrage de plein exercice, cest le cas notamment des opérations héritées du programme du Grand Louvre, mais son cur de métier est aujourdhui lamaîtrise douvrage déléguéesur des opérations dont la réalisation lui est confiée par convention de mandat. Afin davoir une vision complète de létablissement public, la Cour des comptes a donc porté ses investigations sur la gestion de létablissement lui-même, mais aussi sur les opérations dont il a été chargé. Elle a articulé ses observations en respectant cette distinction, sintéressant tout dabord àlactivité et au métierde lEMOC ainsi quà ses résultats comptables et financiers, puis, en examinant, dans un second temps, laperformance létablissement public par lanalyse de cinq opérations de de maîtrise douvrage.
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I.LACTIVITÉ ET LES MÉTIERS DE LEMOC
A.LEMOC DANS LORGANISATION DE LA MAITRISE DOUVRAGE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE
1.établissement constructeur professionnel, dont la gratuitéUn des mandats pose des questions
En 19981, lEMOC a été créé en vue derationaliseret de professionnaliser la maîtrise douvrage du ministère de la culture. Il succède à létablissement public du Grand Louvre (EPGL) et à la mission interministérielle des grands travaux (MIGT). Au terme de cette évolution, le ministère de la culture et de la communication a choisi de recourir à un service national des travaux (SNT) pour les opérations de gros entretien et à un établissement public, lEMOC, pour les opérations de construction et de réhabilitation relevant des anciens « grands travaux ». Trois raisonsà la mise en place dun ont poussé établissement constructeur professionnel: le souhait deconserver des équipes spécialiséeset compétentes, la volonté daméliorer le pilotage des opérations, et le désir de confier un rôle demédiationà létablissement public dans les cas où la maîtrise douvrage serait partagée entre le ministère et un établissement utilisateur. LEMOC assure pour le compte de lEtat, età titre gracieux,la maîtrise douvrage déléguéedes opérations de construction et de réhabilitation dimmeubles à vocation culturelle, et se voit, le cas échéant, confier lesétudes préalablesdes projets. Au terme de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise douvrage publique (MOP)2, les prérogatives du maître douvrage mandant sont la programmation en amont, la fixation de lenveloppe financière, le pouvoir de validation des titulaires des marchés et des avant-projets, et le pouvoir de contrôle et de sanctions sur le mandataire. Les responsabilités du maître douvrage délégué, cest-à-dire de lEMOC, sont lexécution du projet et le respect du programme, de lenveloppe, ainsi que du calendrier fixé au départ et consigné dans les conventions de mandat. Notons que lorsque lEMOC se voit confier la responsabilité des études préalables, il est en position dintervenir en amont des opérations, son rôle excède alors, avec laval politique, la maîtrise douvrage déléguée. Lagratuité, caractéristique des mandats confiés à lEMOC, emporte deux conséquences, labsencede mise en concurrence préalable3et labsence demécanisme de sanction de la performancedu mandataire. Si 1 Décret 98-387 n°1998 portant création de lEtablissement public de maîtrise du 19 mai douvrage et travaux culturels. 2Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise douvrage public et à ses rapports avec la maîtrise duvre privée. 3 les mandats, et ne vise que les licationLe code des marchés publics exclut de son champ d app contrats conclus à titre onéreux.
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lEMOC présente ce dernier élément comme un gage defficacité, labsence de sanction lui permettant de réagir rapidement à toute demande du ministère, la Cour des comptes et la direction de ladministration générale du ministère de la culture et de la communication (DAG) mettent en avant les difficultés liées à une certainedéresponsabilisation de létablissement public constructeur, que traduisent les dépassements des coûts et des délais.
2.Le niveau dactivité future de lEMOC est incertain
Les chantiers conduits par lEMOC depuis sa création sont au nombre de 46 conventions de mandats et 21 conventions détudes préalables1. En 2005, les autorisations dengagement ouvertes en loi de finances au titre desdépenses dinvestissementdu ministère de la culture ont atteint 236 millions deuros, dont 63,4 millions deuros ont bénéficié à lEMOC, soit 27 %de la dotation. En 2006, lapart de lEMOCest passée à36 %, soit 93,6 millions deuros, pour un total de 257 millions deuros de dépenses dinvestissement. Si lon sen tient à la catégorie dite « grands projets »2, la part de lEMOC est prépondérante, puisquil reçoit90 %des autorisations de programme dédiées aux grands projets en cours, jusquen 2005. La faible diminution enregistrée à partir de 2006 tient à la montée en puissance des établissements publics exerçant directement leur maîtrise douvrage. Lexemple de létablissement public du musée du Quai Branly renforce les aspirations en ce sens des grands musées, devenus autonomes. De plus, la volonté de ne laisser au SNT que les opérations de taille moyenne ou petite semble sémousser, puisquil est prévu de lui attribuer des chantiers plus importants, notamment les rénovations de lOpéra comique, soit 34 millions deuros, et du Palais-Royal, soit 37,5 millions deuros. De 2002 à 2007, létablissement public a engagé et mandaté3environ 135 millions deuros par an4. Notons que pendant cette période, les effectifs de lEMOC dédiés aux projets sont demeurésstables. La Cour des comptes estime quau 31 décembre 2006, lEMOC dispose dun plan de charge,
1 et instituts (Conservatoire écoles dentre elles, 12 % opérations concernent pour 41 Ces national des arts et métiers, Cité de larchitecture et du patrimoine, écoles darchitecture, etc.), pour 32 % dentre elles, 12 musées et lieux dexposition (palais de Tokyo, Orsay, château de Versailles, Cité de lhistoire de limmigration...), pour 17 % dentre elles, 2 bâtiments administratifs (immeuble des Bons Enfants et Centre des archives nationales de Pierrefitte) et pour 10 % dentre elles, 7 salles de spectacle (Théâtre national de lOdéon, Cinémathèque, Cité de la musique, Grand auditorium de Paris, etc.). 2 Cettecatégorie est une création méthodologique conjointe de la direction de ladministration générale du ministère de la culture et de la communication et de la direction du budget du ministère de léconomie, des finances de lindustrie. 3 niveau dactivité de lEMOC peut être mesuré par le montant total des conventions de Le mandat, indicateur dactivité, le montant total des engagements passés au cours de lexercice, et le montant total des mandatements, traduisant lexécution des engagements. 4A titre de comparaison, le SNT a engagé et mandaté 52 millions deuros en 2005.