Discours de réception à l’Académie française
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Description

Discours de réception de la Séance de l'Académie française du 7 avril 1892. Extrait : C’est un fait acquis, que je ne lis jamais. Des notes biographiques l’ont dit et redit, dans des journaux ou des revues 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 31
EAN13 9782824710877
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
DISCOU RS DE
RÉCEPT ION À
L’A CADÉMI E
F RANÇAISE
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
DISCOU RS DE
RÉCEPT ION À
L’A CADÉMI E
F RANÇAISE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1087-7
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.DISCOU RS DE RÉCEPT ION A
L’A CADÉMI E F RANÇAISE
SÉANCE DU 7 AVRIL 1892
ESSI EU RS, Je cr ois que jamais discour s moins académique et
moins digne de ce nom n’aura été é couté sous cee coup oleM solennelle .
Peut-êtr e , en v enant r e ce v oir l’ officier que v ous av ez bien v oulu
distinguer à son b ord, êtes-v ous prép arés aux étonnements que v ous causera
sa p ar ole très no vice , et à l’indulg ence qu’il ose aendr e de v ous.
J’ esp érais v ous êtr e présenté p ar un vénéré amiral qui était des vôtr es  ;
mais il nous a quiés p our les ailleur s très my stérieux, et je r este le seul
marin ici, me sentant plus p erdu au milieu de tant d’illustrations qui m’
entour ent.
Non seulement je n’ai jamais pr ononcé de discour s, mais je n’ai jamais
lu moi-même une ligne de quoi que ce fût  ; jamais on n’a entendu, de ma
b ouche , le moindr e fragment de mes œuv r es — qui ont toujour s été é crites
dans la solitude de la mer et env o yé es de très loin aux é diteur s p arisiens  ;
tellement que mes intimes ont coutume de dir e en riant  : « Loti ne sait
p as lir e . »
1Discour s de ré ception à l’ A cadémie française Chapitr e
Et mon ine xp érience est telle que j’ignor e jusqu’à la mesur e de v oix
qu’il faut ici, la juste mesur e entr e la causerie très basse qui m’ est familièr e
et ces longs cris chantants, encor e un p eu sauvag es, que nous jetons du
haut des bancs de quart.
Je v oudrais dir e très simplement la vie de celui dont je pr ends la place ,
sa vie toute d’honneur pur , de délicatesse rar e , qui a coulé comme une
b elle e au limpide , jamais effleuré e même d’une souillur e de surface .
Et puis j’ essaierai de dir e aussi ma pr ofonde admiration p our ses
œuv r es, sans emplo y er p our cet élog e la langue consacré e de la critique
— que je ne p ossède guèr e et que j’av oue ne p as aimer . . . Mais je me sens
là bien au-dessous de ma tâche  ; je suis inquiet, — en même temps que
char mé av e c tristesse , — du grand honneur qui me r e vient de p arler de
lui.
A b e aucoup de g ens sup erficiels, il doit sembler que nous r
eprésentions, O ctav e Feuillet et moi, deux e xtrêmes ne p ouvant êtr e aucunement
rappr o c hés. Je cr ois au contrair e qu’au fond notr e confor mité de g oût était
complète .
Il est v rai, nous av ons p eint des scènes et des figur es essentiellement
différ entes  ; mais cela ne suffit p oint p our établir que nous n’av ons p as
aimé les mêmes choses, les mêmes comp agnies, — les mêmes femmes.
Bien loin de là , je p ense que nous étions faits tous deux p our nous laisser
char mer p ar les mêmes simplicités sauvag es autant que p ar les mêmes
élég ances  ; un commun dég oût nous unissait d’ailleur s contr e tout ce qui
est gr ossier ou seulement v ulg air e — et p eut-êtr e aussi, il faut l’av ouer ,
un commun éloignement tr op dé daigneux, p as assez tolérant, à p eine
justifiable , p our ce qui tient le milieu de l’é chelle humaine , p our les
demié ducations et les banalités b our g e oises.
Je g arde pré cieusement, comme d’un p eu étrang es r eliques, des ler es
de ce mondain e x quis, me disant à quel p oint le b er çaient les ré cits
lointains où n’app araissent que mes matelots r udes et mes très p etites amies
à p eine plus compliqué es de civilisation que des g azelles ou des oise aux.
ant à ses femmes à lui, mar quises ou duchesses, — grandes dames
toujour s, et non p ar le titr e seul, mais p ar la haute fierté de cœur et p ar
raffinement e xtrême , — de ce que , jamais encor e , on ne les a v ues p asser
dans mes liv r es, il serait bien ine x act de conclur e que je les mé connais
2Discour s de ré ception à l’ A cadémie française Chapitr e
et que leur char me m’é chapp e . Non, les milieux de pré dile ction d’O ctav e
Feuillet étaient au contrair e les miens. Et j’incline fort à p enser que , si
les hasards de la mer l’avaient mis comme moi en contact habituel av e c
les r udes et les simples, qui ont leur haute noblesse eux aussi et ne sont
pr esque jamais v ulg air es, il les aurait aimés.
En notant ainsi nos tendances communes, j’ai l’impr ession que je me
rappr o che un p eu à v os y eux de celui dont le dép art m’a ouv ert la p orte
de v otr e comp agnie , Messieur s, et dont je suis encor e confus d’ o ccup er
la place . Ce que je viens de dir e est aussi p our e xpliquer la sy mp athie
p articulièr e qu’il m’avait témoigné e toujour s — et que je lui r endais, av e c
mon admiration.
C’ est un fait acquis, que je ne lis jamais. D es notes biographiques l’ ont
dit et r e dit, dans des jour naux ou des r e v ues  ; cela s’ est rép été p artout. D es
différ entes lég endes, que mon constant éloignement a laissé es se for mer
autour de moi, et qui sont en g énéral p our fair e sourir e , celle-ci p ar
hasard s’ est tr ouvé e fondé e . C’ est v rai  ; p ar p ar esse d’ esprit, p ar fray eur
ine xpliqué e de la p ensé e é crite , p ar je ne sais quelle lassitude avant d’av oir
commencé , je ne lis p as. Ce qui n’ empê che que , si p ar hasard j’ai ouv ert
un liv r e , je suis très cap able de me p assionner p our lui, quand il en vaut
la p eine . — Après, p ar e x emple , quel qu’ait été le char me de celui-là ,
l’idé e ne me vient jamais d’ en pr endr e un autr e . — D e même , accessible à
toutes les magies é v o catrices de la musique , les subissant jusqu’à la
souffrance délicieuse et pr ofonde , quand p ar hasard la musique vient à moi,
jamais je n’irais de g aîté de cœur , sans qu’ on m’y entraîne , é couter le plus
magnifique des concerts. . .
’ on me p ardonne mon insistance sur ce p oint  ; elle est p our
m’ e x cuser d’av ouer qu’avant mon éle ction à l’ A cadémie française je ne
connaissais d’O ctav e Feuillet que deux liv r es, lus dans mon e xtrême
jeunesse , il y a quelque vingt ans. — Lus av e c p assion, p ar e x emple , dans
le calme des soir s en mer , à b ord du pr emier navir e qui m’ emp orta v ers
ces p ay s de soleil rê vés depuis mon enfance . Ils avaient été p our moi une
ré vélation char mante , — comme plus tard, v er s ma tr entième anné e , la
pr emièr e œuv r e de F laub ert, que mon ami D audet m’ oblig e a de lir e . — Ils
s’intitulaient Sibylle et Julia de Trécœur .
D es anné es encor e p assèr ent. Et enfin, ar riva p our moi l’instant, si
3Discour s de ré ception à l’ A cadémie française Chapitr e
impré v u et si singulièr ement amené , où je liv rai au public, sans oser
d’ab ord les signer d’aucun nom, ces fragments du jour nal de ma vie intime
qui ont été mes pr emier s liv r es.
A u lendemain de l’app arition de ces œuv r es de début, r emplies
de maladr esses et d’ine xp ériences, je p assais à Paris, entr e deux longs
v o yag es. D éjà très étonné , et un p eu char mé aussi, d’appr endr e qu̵

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